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Bien sûr, ils sont, tout simplement, complètement fous… Ils nous disent, très sérieusement, aujourd’hui ce qui, autrefois, leur aurait, à coup sûr, valu le bûcher, à savoir que d’autres univers coexistent avec le nôtre, et qu’il faut apprendre à vivre dans un « multivers », selon le mot de Steven Weinberg, prix Nobel de physique en 1979 et l’un des théoriciens de la physique des particules. Le physicien américain Hugh Everett s’est même fait encore plus précis, et avouons-le, plus scandaleux, en affirmant que toutes les réalités virtuelles, sans exceptions, coexistent nécessairement dans un autre espace-temps que le nôtre, et que les univers se ramifient sans cesse en de nouveaux mondes, et que nous sommes, donc, ailleurs au moins autant qu’ici, et que la notion de vérité n’a, par conséquent, rigoureusement, aucun sens, et qu’en perpétuelle inflation le multivers-bulle génère en permanence une infinité d’univers où nos propres fantômes vivent les rêves que nous poursuivons depuis toujours… Or, pour de plus en plus d’astrophysiciens, ce scénario est de plus en plus crédible, voire le seul qui puisse rendre compte de la complexité du monde que nous observons. Car, évidemment, nous n’en observons qu’un seul puisque, par construction, c’est celui dans lequel nous nous trouvons ! Il n’empêche… Car c’est sans doute ce qui explique cette « nostalgie du possible » dont parle superbement Antonio Tabucci en se référant à l’œuvre mais aussi à la vie quotidienne de Fernando Pessoa. Quelque part, dans la nuit constellée de trous noirs, Jade, toujours au bord du Mékong, radieuse, et riant de bon cœur, se penche vers moi pour me murmurer ce que je ne suis pas prêt d’oublier. Vous me croyez, cette fois ?