Eloge de la legerete

Publié le 25 octobre 2009 par Abarguillet

Cet article, rédigé en septembre 2007, me parait être toujours d'actualité, à la différence que l'été 2009 aura connu plus d'ensoleillement et que notre début d'automne est tout simplement superbe et d'une douceur printanière, ce qui rejoint ma réflexion que les saisons, dorénavant, nous sont servies...dans le désordre.

Dans quelques jours, ce sera la fin de l'été, un été qui s'est révélé être, du moins dans la moitié nord de la France - quasi inexistant. Nous sommes passés, sans transition, d'un printemps précoce à un automne hâtif et ne pouvons nous étonner que les fruits n'aient pas tenu la promesse des fleurs, puisque les fleurs, à peine en boutons, se sont défeuillées sous les assauts conjugués des pluies et des vents. Je ne sais si la terre se réchauffe, mais ce dont je suis persuadée, c'est qu'elle se détraque, et que nous assistons impuissants à des phénomènes météorologiques déroutants où les saisons prennent la fâcheuse habitude de se présenter dans le désordre.
A dire vrai, il y a beaucoup de désordre  - sur et autour de notre planète -  et autant dans la comportement et les moeurs de ses habitants que dans ceux orchestrés dans le cosmos. Or, qu'est-ce que le désordre, sinon le phénomène qui affecte la disposition régulière et normalement attendue des choses ? En règle générale, le désordre est une rupture avec ce qui était préalablement établi. Et justement, qui pourrait nier qu'il n'y ait eu rupture entre la nature et les humains dès le siècle dernier ? Cette rupture est d'autant plus surprenante qu'elle se produit à une époque où les progrès de la science ont permis à l'homme de mieux comprendre les mécanismes de l'univers. La nature n'a plus guère de secret pour lui. Il sait en utiliser les ressources, mais oublie volontiers d'en gérer le potentiel. De toute chose il use et abuse. Cet homme contemporain est devenu boulimique à bien des égards puisque, dorénavant, au désordre, qui caractérise sa façon d'être et de vivre, s'ajoute sa propension au gaspillage.
Je regardais ces semaines dernières l'attitude des touristes venus soi-disant se ressourcer le long du littoral, entre mer et campagne. Pour quelques-uns qui n'ont rien changé à leurs bonnes habitudes et se sont harnachés en conséquence pour affronter les intempéries, combien ont renoncé, sans barguigner, aux raids à cheval, à voile ou à pied, préférant l'ambiance cosy d'un restaurant et d'un salon de thé ? Ainsi, aux désordres météorologiques sont venus se greffer les désordres alimentaires que les Français, à l'exemple des Américains, pratiquent sans plus de vergogne. A défaut de bronzer au soleil et de se griller la peau ( ce qui fait hurler les dermatologues ), ils ont surchargé leur estomac
et considérablement alourdi leur silhouette ( ce qui fera rugir les nutrionnistes ). Car il faut bien admettre que, depuis quelques décennies, les Français enflent à vue d'oeil. Les rues, les plages deviennent les lieux où le constat s'impose de façon... consternante. Où sont passées les Françaises que les étrangers appréciaient tellement pour leur charme et leur élégance ? Plus encore que celui de l'ordre, c'est l'éloge de la légèreté qu'il faut réhabiliter en urgence, tant cette légèreté nous quitte, cette grâce de jadis nous déserte. L'obésité est devenue, au fil des jours, un handicap de masse. A n'en pas douter, la pesanteur nous guette et cela de plus en plus tôt et de plus en plus vite. Oui, le peuple de France est devenu méconnaissable. La patrie de l'élégance s'est uniformisée en jeans, baskets et T-shirts,  de même qu'elle a de plus en plus souvent abandonné l'usage du peigne et la gamme des couleurs, curieux paradoxe quand on sait à quel point on nous clame, à tout bout de champ, notre droit à la différence. C'est donc une population grise et standardisée qui déambule en mâchant du chewing-gum. Nous, qui critiquons allégremment l'Amérique, avons hérité de ses défauts et cédé à la propagande, pilotée par une publicité racoleuse et mensongère, du sucré, si bien qu'à se gaver sans compter, non seulement nous nous gâchons nous-mêmes, mais nous exténuons les réserves de la terre. Nous sommes en train de fabriquer, à grand renfort de crémeux et de liquoreux, une société de graisse qui ne s'aime pas, qui ne s'aime plus. Il est urgent de nous ressaisir et de célébrer partout, et en toute occasion, l'éloge de la légèreté. Alors pour cette rentrée 2007, bon pied et surtout pied léger ! 


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