Dans ma vie de budoka, j’ai comme tout le monde, croisé une foule de professeurs intéressants. Certains m’ont marqués, d’autres m’ont beaucoup appris, la plupart m’ont guidés dans mes
recherches martiales. Mais l’admiration ou le respect n’est pas uniquement dédié aux grands noms de la planète Budo. Parmi les plus jeunes j’ai également fait des rencontres passionnantes et
Guillaume Erard est de ceux-là.
Si tout le monde sait ici tout le bien que je pense de Léo Tamaki et de son frère Issei, de Jean-Marc Dessapt et de notre ami disparu
Gil Pham-Trong, je n’ai encore jamais parlé de Guillaume
Erard. Celui-ci est entré dans ma vie, à distance si l’on peut dire. Pour m’aider à diriger le magazine en ligne
feu-aikidoka.fr, je cherchais une personne passionnée d’aïkido et ayant la capacité à s’investir, à écrire, à apprendre les techniques journalistiques que je pourrai lui enseigner et à codiriger
le magazine à mes côtés. C’est la candidature de Guillaume qui a retenu mon attention. Un seul hic, j’étais à Bruxelles et lui à Dublin. Qu’à cela ne tienne, avec Internet tout est
possible.
Mon intérêt pour Guillaume n’a depuis cessé de grandir au cours des mois, puis des années. Tout d’abord élève studieux de ce que j’avais à lui donner, j’ai vite compris que je n’aurai pas
besoin de jouer longtemps au professeur de journalisme. La qualité de sa plume et son intérêt sans faille pour l’aïkido ont fait de lui un allié précieux dans la tâche que l’on s’était assigné.
Très vite, comme dans une vraie salle de rédaction, nous discutions et défendions chacun nos convictions sur l’aïkido. Je suis plutôt Tamura, lui Tissier. Scientifique de formation, Guillaume
n’est pas du genre à se laisser glisser sur la pente savonneuse des discours ésotériques, notamment sur l’énergie. Etant masseur shiatsu, je vis et soigne tous les jours par l’énergie. Les
débuts furent passionnants car jamais nos oppositions ne nous ont empêchés d’écouter l’autre et de nourrir nos réflexions. Je commençais à éprouver du respect pour cet esprit solide et ouvert
tout à la fois.
Guillaume est finalement venu à Bruxelles pour interviewer avec moi Christian Tissier, qui était de passage dans la capitale belge,
pour remettre un 7e dan à Dany Leclerre, grande figure de l’aïkido belge. Son parcours d’aïkidoka l’a fait débuter au
GHAAN, pratiquant alors un aïkido assez viril et martial. Puis la rencontre avec Tissier Shihan a marqué sa compréhension de l’aïkido et depuis il suit fidèlement les pas de ce maître. Nous voilà
enfin face à face, et très vite la complicité surgit. Nous avons mené une belle interview en commun, que l’on peut lire intégralement
sur son blog. J’ai surtout pu pratiquer avec lui sur le tatami à l’occasion de ce
stage. Guillaume n’est pas du genre fillette. La carrure bien
développée, le centre bien placé, presque une tête de plus que moi, il serait illusoire de vouloir le faire bouger par la force. Mais une fois dans ses mains, alors que sa façon de bouger n’est
pas la mienne, pas un choc, pas une contrainte, juste ce qu’il faut pour être guidé et suivre le mouvement avec plaisir. Ce mot à l’air de rien, mais rencontrer d’entrée de jeu du plaisir à être
uke dans les mains d’un autre, cela ne m’était arrivé que 15 ans plus tôt avec Jean-Marc Dessapt. A ce moment-là j’ai compris que je n’avais pas affaire à n’importe qui. Ses déplacements sont une
copie conforme de ceux de Christian Tissier et je cherchais la faille. A chaque fois que je croyais la trouver, ses yeux montraient qu’il était vigilant et ne se laisserai pas faire. Sa technique
ample possède cette qualité rare aujourd’hui chez les jeunes pratiquants, c'est-à-dire une capacité de frappe importante qui permet de dire « voilà, ce pratiquant n’a pas oublié le sens
martial sous-jacent à une pratique pacifique ». Voilà qui n’était pas pour me déplaire.
Depuis nous n’avons jamais cessé de correspondre, d’échanger et de rigoler même après la fin d’Aikidoka.fr. De simple partenaire
journalistique, j’en suis venu à le considérer comme un véritable ami. Mais mieux que ça, j’ai suivi sa progression dans sa réflexion sur l’aïkido et dans sa technique. Je l’ai - dois-je le
dire ?- espionné dans les vidéos où il apparaît ici et là sur le web, pour m’apercevoir qu’il progressait à toute vitesse. A Dublin, son expérience d’enseignement dans un gros club de la
capitale irlandaise, a visiblement mûri sa pratique. Les stages qu’il donne commencent à se multiplier malgré sa jeunesse et certains clubs le réclament régulièrement. Début septembre 2009 il a
passé allègrement son sandan, malgré un retour sur la France, l’arrêt d’une pratique intensive et la rédaction de sa thèse de doctorat en biologie moléculaire des plantes.
Comme je le disais dans mon entrée en matière, j’ai croisé suffisamment de budoka dans mon parcours pour apprendre à discerner la qualité des gens. Guillaume m’a récemment surpris par
deux fois. Tout d’abord, il a changé et m’a annoncé que la voie de la recherche scientifique n’était pas gratifiante humainement parlant. Lui qui défendait bec et ongle la science et la raison
cartésienne, le voilà qui remet l’humain au centre de sa vie. J’y vois là le résultat d’un travail intense de budoka. Ensuite, la pratique de l’aïkido et son ouverture au monde du Budo au sens
large est devenu un besoin impérieux. Il part dans les jours qui viennent pour vivre au Japon. Non pas un passage éclair au Hombu Dojo comme le font beaucoup, il l’a déjà fait et en a profité
pour découvrir le Daïto ryu Aïki-jujutsu en compagnie d’Olivier Gaurin. Cette fois c’est pour
s’installer et pratiquer assidument à la source ainsi que dans les dojos des grands senseïs japonais. On peut y voir là un pratiquant qui marche dans les traces de son maître, mais je dirais
surtout un esprit têtu et curieux qui va jusqu’au bout de son raisonnement. Il apprend d’ailleurs avec acharnement la méthode Assimil pour parler et lire le japonais avant d’arriver sur
place.
Je n’ai aucun doute sur ce qui va se passer maintenant. Il va transpirer et pratiquer à fond comme à son habitude (vous pouvez
demander à ses élèves et ses stagiaires, pour le suivre il faut une santé de fer) et lorsqu’il reviendra en France, on verra alors un professeur dont le renommé ne cessera de grandir. Je
m’avance ? Vous verrez ! Et gardez bien en mémoire son nom, car un jour vous entendrez parler de Guillaume Erard.
Bon vent Guillaume au pays du soleil levant, et bonne pratique.
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PS : Guillaume et moi dirigeons le groupe « Aikido Europe » sur
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