Le Président de la République, en proposant sa réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, avait claironné à qui voulait l’entendre (à défaut de le croire) que son texte augmenterait les pouvoirs du Parlement. La preuve, l’ordre du jour en est désormais partagé. Davantage de textes d’origine parlementaire sont examinés. Il conviendrait cependant de définir le terme « d’origine » car, visiblement, dans la tête de nos gouvernants, il signifie simplement « déposé » par un parlementaire. Et l’on assiste en permanence à un déferlement de lâcheté et d’hypocrisie.
Ainsi, lorsqu’Eric Woerth – ministre du Budget – propose que les indemnités versées aux accidentés du travail soient désormais soumis à l’impôt sur le revenu, on s’attend à ce que cela soit inscrit dans le projet de loi de finances. Que nenni ! Cette mesure sera introduite dans le budget sous forme d’un amendement parlementaire. C'est-à-dire que l’on sait déjà, avant même que l’examen du texte ait commencé, qu’un député UMP va proposer la modification d’un projet de loi dont il n’a pas encore connaissance, pour aller dans le sens d’une proposition gouvernementale que le ministre qui l’a formulée n’a pas souhaité inscrire lui-même. Cela n’a aucun sens… Eh bien si, justement ! On se doute bien que cette mesure risque d’être assez impopulaire. Si d’aventure les Français décidaient de se réveiller et de se mobiliser pour préserver les quelques droits qui leur restent, le gouvernement pourrait toujours renoncer à cette taxation sans donner l’impression de faire machine arrière.
Autre exemple : Nicolas Sarkozy, lors de sa campagne présidentielle, avait proposé de mettre en place un « service civil ». C’est à Martin Hirsch qu’il a confié le soin de le créer. Oui, mais voilà… le Président exigeant en outre que l’on légiférât pour tout et n’importe quoi, dans l’urgence et la passion, le Parlement se retrouve avec un ordre du jour surchargé. Et comme cet ordre du jour est désormais « partagé » avec le Parlement, on se doute qu’il est bien difficile pour le gouvernement de faire examiner l’ensemble de sa production. Comment faire ? C’est très simple, il suffit de demander à un parlementaire de présenter le texte ministériel lors d’une séance consacrée aux propositions de lois (1). C’est pourquoi le service civique, préparé par le Haut-commissariat à la Jeunesse, sera soumis au vote du Parlement par le sénateur radical de gauche Yvon Collin. Il est d’ailleurs amusant de constater que Martin Hirsch continue de consulter en vue de la préparation du texte de loi et que ces auditions se déroulent en l’absence de son auteur officiel.
Enfin, on apprend aujourd’hui que le gouvernement va demander à l’Assemblée nationale d’annuler le vote d’un amendement augmentant de 10 % l’imposition des bénéfices bancaires, approuvé par 44 députés contre 40, malgré l’opposition farouche de Christine Lagarde. Deux députés se seraient trompés en votant… Tiens, tiens… Deux étourdis d’un coup. Et bizarrement, la correction de leurs votent permettrait de rejeter l’amendement dont le gouvernement ne veut pas.
Que les députés et sénateurs de la majorité acceptent – pour ce qui les concerne eux, personnellement – d’être des larbins, des sous-fifres, des valets, c’est leur problème. Mais qu’ils gardent bien en mémoire qu’ils sont des représentants du peuple et qu’à ce titre, en endossant la livrée, c’est à leurs électeurs qu’ils la font revêtir.
(1) Pour rappel, on parle de « projet » de loi quand le texte émane du gouvernement et de « proposition » de loi quand il est déposé par un parlementaire.