Que l’on veuille faire rentrer dans les têtes de piaf des élèves qu’il existe des valeurs qui dépassent la vie individuelle me paraît être une bonne chose. C’est en effet formateur que de savoir qu’il existe par delà de sa propre personne des choses pour lesquelles des gens sont morts, parfois, et ont luttés, souvent.
Pourtant, exhaler la passion de la nation est-elle bien la vertue essentielle que l’on veut transmettre aux jeunes générations?
La lecture de la lettre de l’ami Guy M doit être faite ce matin dans les écoles françaises, et certains professeurs s’y opposent. Cette opposition attire sur ces indigents fonctionnaires toute l’opprobre que veut bien lui consentir le très mazarinesque Henri Guaino, leur rappelant qu’ils sont payés (sous-entendu, plus que de raison) et dorlotés (sous-entendu, plus que que raison) par la République et qu’ils ne sauraient ouvertement s’opposer à un ordre émanant du premier représentant de cette dite République. Cela rappellera aux plus nostalgiques le cercle des poêtes disparus, où l’institution brise un prof pour n’avoir pas abdiqué devant la bétise de l’enseignement prescrit.
Cela pose aussi et surtout la question des valeurs que l’on entend transmettre aux éleves et futurs adultes, forces vives de l’avenir de la France. Doit-on mourir pour des idéaux qui nous dépassent? Doit-on surtout ENCORE mourir pour des idéaux qui nous dépassent?
Qu’une lettre fermement ancrée dans un passé marqué du sceau de l’occupation puisse aujourd’hui faire l’objet d’un tel culte me paraît pour le moins contestable.
En bon socialiste je ne peut donc que proposer à notre président d’arrêter de nous soûler avec le fusillé tracteur et de se concentrer sur des messages qui glorifient l’amour de l’humanité et des gens, qui poussent à l’innovation et qui subliment l’effort pour dépasser les préjugés, sans occulter les difficultés.
En toute humilité je lui rappelle donc qu’il a cité jusqu’a plus soif Jean Jaurès durant sa campagne. Il se trouve justement que ledit Jaurès à prononcé un discours à la jeunesse à Albi au début du siècle. On y lira notamment
c’est qu’on se condamne soi-même à ne pas comprendre l’humanité, si on n’a pas le sens de sa grandeur et le pressentiment de ses destinées incomparables.
Cette confiance n’est ni sotte, ni aveugle, ni frivole. Elle n’ignore pas les vices, les crimes, les erreurs, les préjugés, les égoïsmes de tout ordre, égoïsme des individus, égoïsme des castes, égoïsme des partis, égoïsme des classes, qui appesantissent la marche de l’homme, et absorbent souvent le cours du fleuve en un tourbillon trouble et sanglant. Elle sait que les forces bonnes, les forces de sagesse, de lumière, de justice, ne peuvent se passer du secours du temps, et que la nuit de la servitude et de l’ignorance n’est pas dissipée par une illumination soudaine et totale, mais atténuée seulement par une lente série d’aurores incertaines.
Oui, les hommes qui ont confiance en l’homme savent cela. Ils sont résignés d’avance à ne voir qu’une réalisation incomplète de leur vaste idéal, qui lui-même sera dépassé ; ou plutôt ils se félicitent que toutes les possibilités humaines ne se manifestent point dans les limites étroites de leur vie. Ils sont pleins d’une sympathie déférente et douloureuse pour ceux qui ayant été brutalisés par l’expérience immédiate ont conçu des pensées amères, pour ceux dont la vie a coïncidé avec des époques de servitude, d’abaissement et de réaction, et qui, sous le noir nuage immobile, ont pu croire que le jour ne se lèverait plus. Mais eux-mêmes se gardent bien d’inscrire définitivement au passif de l’humanité qui dure les mécomptes des générations qui passent. Et ils affirment, avec une certitude qui ne fléchit pas, qu’il vaut la peine de penser et d’agir, que l’effort humain vers la clarté et le droit n’est jamais perdu. L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir.
Autrement plus formateur pour la vie collective qu’un je vais mourir daté.
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