"L'amour que je te porte à jamais est à la mesure de ma colère face à ce geste qui fait de moi un vivant à petit feu. Cet égoïste d'écrivain que je suis a vu disparaître son meilleur personnage."
Michel Fottorino a sa place dans tous les romans d'Eric Fottorino, son fils ; soit il apparaît derrière une figure paternelle de passage, soit il existe dans les gestes d'un personnage central (Un territoire fragile). Kinésithérapeute, possédant le don des mains qui apaisent, qui écoutent et qui soignent, il a donné naissance à Eric le jour où il lui a donné son nom, le jour où il a décidé de l'adopter, et d'ainsi devenir son père, officiellement, aux yeux de tous.
Seulement voilà, à l'aube d'une vieillesse sans doute redoutée, Michel s'est donné la mort dans sa voiture, dans une profonde solitude, inexplicable pour ceux qui l'ont aimé. C'est ce que Eric Fottorino essaye de comprendre dans ce témoignage, tous les pourquoi de ce geste fou, mais également les signes qu'il aurait dû ou pu voir, et qu'il n'a pas su.
Ce livre est un parallèle inattendu à ma précédente lecture (Mauvaise fille). Après l'hymne à la mère, voici donc l'hymne au père. Malgré mon respect pour le drame traversé par cette famille endeuillée, je dois malheureusement me rendre à l'évidence que littérairement parlant, la comparaison n'est pas en faveur de cette dernière lecture. Si Justine Levy m'avait convaincue via son autofiction, je suis restée très à côté de l'écriture et de la douleur d'Eric Fottorino, de son amour pour son père si charismatique. J'ai eu, pour le coup, l'impression d'être ici dans le voyeurisme, de rentrer dans l'intimité d'une famille qui n'est pas la mienne, et dont je n'ai rien à savoir, en tous les cas "pas tant".
De plus, ayant en son temps, littéralement adoré ma lecture d'Un territoire fragile, j'ai eu le sentiment de ne pas retrouver dans les mots de l'auteur, cette fois-ci, le souffle qui m'avait jadis emporté dans son roman.
Une petite déception, en somme.
"Ses mains dont je sens encore la pression quand il raccordait mes muscles de cycliste ? Passé. Sa voix encore au creux de mon oreille, ses intonations joyeuses, ses mimiques ? Passé. Son sifflement quand il aspirait le café brûlant, ses yeux plissés ? Passé, passé. Le bruit de ses sabots qui claquent sur le carrelage ? Passé, passé, passé."
Note de lecture : 3/5
ISBN 978 2 07 012463 3 - 15€ - avril 2009
Vos lectures... Pour Sylire, c'est un coup de coeur - Cathulu a également été touchée - Amanda s'est sentie indiscrète (ouf, je me sens moins seule !) - Et encore un beau billet sur "Enfin livre !"...
Ce roman est en lice pour le 22ème Prix Goncourt des Lycéens parmi 14 titres.
- Edem Awumey, Les pieds sales, Seuil
- Sorj Chalandon, La légende de nos pères, Grasset
- Daniel Cordier, Alias Caracalla, Gallimard
- David Foenkinos, La Délicatesse, Gallimard
- Eric Fottorino, L’homme qui m’aimait tout bas, Gallimard
- J-M. Guenassia, Le club des incorrigibles optimistes, Albin Michel
- Yannick Haenel, Jan Karski, Gallimard
- Justine Lévy, Mauvaise fille, Stock
- Laurent Mauvignier, Des hommes, Minuit
- Serge Mestre, La lumière et l’oubli, Denoël
- Marie Ndiaye , Trois femmes puissantes, Gallimard
- Véronique Ovaldé, Ce que je sais de Vera Candida, L’Olivier
- Jean-Philippe Toussaint, La vérité sur Marie, Minuit
- Delphine de Vigan, Les heures souterraines, JC Lattès
Créé en 1988, le Prix Goncourt des lycéens en est cette année à sa 22ème édition. Placé sous la houlette de l'Académie Goncourt, en partenariat avec le ministère de l'Education Nationale et de la Fnac, il propose aux lycéens de devenir jury. Les classes sont chargées de lire la même sélection que les académiciens Goncourt. L'objectif est d'encourager l'envie de lire, d'écrire, et de favoriser les échanges autour des livres. Un premier vote sera effectué dans les régions. Le prix sera attribué le lundi 9 novembre 2009, à Rennes.
Le blog du Prix - Le site du Prix
Grand merci aux organisateurs, encore une fois, pour cet envoi !