Bonjour,
Les enseignants auront beau se battre contre les préjugés simplistes de leurs contemporains rien ni fera. C'est une idée fixe qui arrange pas mal de monde en un sentiment à la fois d'envie et de jalousie malsaine et surtout dans le refus total de réfléchir aux réalités du métier que cette idée que les profs en particulier et les fonctionnaires en général ne foutent rien.
Et c'est une lassitude extrême qui vous saisit lorsqu'il faut sans cesse à nouveau se battre contre la connerie ambiante. Sartre, parlant de ce touriste belge qui inscrivait son nom sur un monument égyptien plaçant ainsi au même niveau son insignifiante existence et des millénaires de culture soulignait à quel point l'intelligence subtile et nuancée qui exige toujours de la réflexion est faible face à la bêtise crasse qui se contente des apparence et de la tautologie. Socrate en est mort d'ailleurs.
D'abord pour le calcul des heures, il est stupide de réduire les heures de travail aux heures de présence, parce qu'une grande partie du travail s'effectue à la maison. D'abord parce que conventionnellement il faut toujours multiplier par 3.
1h de préparation + 1h de présence + 1h de correction
Ainsi, les 15 h de l'agrégé deviennent 45. Les 18 h du certifié deviennent 54 (à signaler que c'était parti dans les années 50 d'un calcul basé sur l'horaire moyen de travail hebdomadaire d'un ouvrier français). On est donc loin au-dessus des 35h. Et je ne parle pas des déplacements car de plus en plus d'enseignants surtout en début de carrière se retrouvent sur deux voire trois lycées.
Pour préciser la chose prenez le simple exemple des corrections
Imaginez un prof avec un effectif moyen de 120 élèves. Il doit en moyen faire trois devoirs par trimestre au moins. Prenez des matières comme la Philo, les Lettres ou l'Histoire. Comptez un 1/2h de correction par copie Cela nous amène 60h de correction. Comme nous avions dit 3 devoir par trimestre cela fait 1 devoir par mois. Il faut donc diviser nos 60 h par 4 pour obtenir l'horaire hebdomadaire : 15h donc. Vous ajoutez cela aux 18 h du certifié et vous obtenez déjà 33h rien que pour les corrections. Ajoutez à cela les préparations de cours, les conseils de classes, réunions de parents d'élèves, et autres remplissage de dossiers vous êtes bien au-delà des 40 ou 45 heures. Et je ne parle pas même du suivi individuel des élèves, entretiens, conseils, etc...
Alors de grâce lâchez- nous avec ces éternels préjugés qui ne servent qu'à rassurer les petit-bourgeois !!!
De plus, diriez-vous la même chose d'un comédien de théâtre qui n'est sur scène que deux heures par soir. Parce qu'avec relâche le lundi et matinée le dimanche cela lui fait 12 h de boulot par semaine. Ces salauds d'artistes bossent encore moins que les profs ! Et eux ils ne sont même pas fonctionnaires... Mais là aussi vous ne comptez sans aucun doute pas le mois, ou parfois plus, de répétition avec des horaires qui souvent commencent à 9h le matin et se poursuivent parfois tard dans la nuit, ni non plus le temps personnel qu'il faut à chaque comédien digne de ce nom pour apprendre le texte et entrer dans le rôle.
Et bien entendu vous ne voyez pas non plus qu'être devant une classe c'est comme être sur une scène en une concentration permanente et une attention constante à un public vivant dont il faut maintenir l'attention, scruter les réactions et prévenir les questions et difficultés de compréhension.
Tout cela bien entendu, vous n'y pensez pas. Il est bien trop aisé de rester englué dans ces préjugés! Et la mise est bien trop forte de nos jours. La preuve, elle est au pouvoir.
Que cela soit en France ou en Italie, pour ne citer que ces deux pays, les populistes qui flattent les crétins se font réélire sans le moindre problème, sans que ceux qui votent pour eux se rendent compte qu'ils votent contre leurs propres intérêts.
C'est cela que Flaubert et Sartre appelaient la bêtise. Bouvard et Pécuchet, cette formidable assurance de la connerie...
Beria, Jeudi 11 juin 2009