VII
Devant les responsabilités du poème, sans hilarité, j’aime à croire le poète
capable de proclamer la loi martiale pour alimenter son inspiration.
L’étincelle dépose.
XXXV
Au désespoir de la raison le poète ne sait jamais « rentrer » ;
quand par inadvertance il le fait, il réintègre son inspiration, sa division.
Oppresseur partout ailleurs est chez lui opprimé. Bascule à tempérament ?
Plus vraisemblablement jaillissement des conventions primitives en terre
momentanée de justice.
XXXVII
Il advient au poète d’échouer au cours de ses recherches sur un rivage où il
n’était attendu que beaucoup plus tard, après son anéantissement. Insensible à
l’hostilité de son entourage arriéré le poète s’organise, abat sa vigueur,
morcelle le terme, agrafe les sommets des ailes.
XXXIX
Le poète, en sus de l’idée de mort, détient en lui tout le poids de cette mort.
S’il ne l’accuse pas c’est que c’est un autre qui le lui porte. Le poète a
ses têtes.
XLVII
La poésie est pleine d’épileurs de chenilles, de rétameurs d’échos, de laitiers
caressants, de minaudiers fourbes, de visages qui trafiquent du sacré,
d’acteurs de fétides métaphores, etc.
Il serait sain d’incinérer sans retard ces artistes.
LXIII
On est assuré qu’un poème fonctionne
dès lors que son composé se vérifie juste à l’application, et ce, malgré
l’inconnu de ses attenances.
René Char, Moulin premier
[1935-1936], dans Œuvres complètes, Bibliothèque
de la Pléiade, introduction de Jean Roudaut, 1983, p. 63, 71, 71, 72, 74 et 78.
Poezibao publiera prochainement une note de lecture sur Le Trousseau de Moulin premier, tout
récemment paru aux Éditions de La Table Ronde
Contribution de Tristan Hordé