Mon portrait par une journaliste.

Publié le 23 octobre 2009 par Marc Vasseur

Mon blog m’a permis de rencontrer beaucoup de gens intéressants, de me faire de vrais amis (en tout cas que je considère comme tels… j’espère qu’ils se reconnaitront, on a en quelques projets dans les cartons…) et aussi des journalistes. Il y a quelques temps, j’avais rencontré une jeune journaliste qui termine l’ESJ et dans ce cadre, elle m’a sollicité pour un exercice… faire un portrait.

Avec son aimable autorisation, je le publie ici. Merci à toi Chloé.

Pour être tout à fait honnête, j’ai enlevé quatre mots avec son autorisation.

 

Marc.vasseur.over-blog.com. Une adresse web bien connue des barons du PS du Nord Pas de Calais. Après douze ans au sein du parti, Marc Vasseur a décidé de prendre la plume, et de dénoncer dans un blog les travers de ses anciens amis socialistes. Mais derrière le personnage, pas peu fier de donner un grand coup dans la fourmilière du PS, se cache un homme écoeuré par la machine politique.

 « J’aime bien me revendiquer comme guevaro-mendésiste. D’un côté la rigueur gestionnaire, la morale politique, et de l’autre la dimension de l’homme révolté. » Un grand sourire éclaire son visage. Marc Vasseur n’est pas peu fier de sa formule. Assis au fond d’un café du centre de Lille, collé contre un radiateur désespérément froid en cette glaciale matinée d’octobre, le blogueur ne paye pas de mine. Grand, le visage émacié, la calvitie naissante, un petit air de monsieur tout le monde … Difficile à première vue d’imaginer que la prose de cet informaticien de 39 ans est lue avec attention par le cabinet de Martine Aubry, ou la présidence PS du Conseil Régional du Nord Pas de Calais. Impression balayée quand on lui parle politique. « Je ne crois pas à la rénovation. Le PS est incapable de produire quelque chose. Si c’est pour faire une synthèse à la con, il ne fallait pas changer Hollande ! » Le regard enflammé, l’homme devient soudainement charismatique. Et captivant.

Marc Vasseur ne mâche pas ses mots. Sur son blog, il dézingue son ancien parti, avec une affection particulière pour la Fédération du Nord. Dans un billet sur la consultation des militants, il ironise : « le militant va se prononcer contre le cumul… fort bien… et dans le même temps, il adoubera le Sénateur Daniel Percheron comme premier des socialistes pour la région ». Mais le blogueur ne se contente pas de dénoncer derrière le clavier de son Mac Book. Depuis que son blog est devenu influent, il recueille de nombreuses informations. «  Je ne suis pas dupe, il y a aussi de la manipulation. Des gens se confient car ils savent que ça risque de se retrouver sur mon blog. Mes lecteurs restent des décideurs politiques. Et en période de constitution de liste, mon site est sensible. Ceux qui vont décider ont peur que des infos arrivent chez moi. » Avant de souffler, mi-rigolard mi-amer : « paradoxalement, j’ai plus d’impact aujourd’hui en tant que militant blogueur que quand j’étais au sommet de mon parcours politique. »

 

Avant le blog, il y avait la carrière politique. Douze ans au PS, dont deux mandats à la mairie de Villeneuve d’Ascq. La sensibilité de gauche de Marc Vasseur s’est réveillée alors qu’il était encore lycéen, avec la loi Devaquet, qui prévoit la sélection à l’entrée de l’université. L’ancien chiraquien devient un des leaders de la révolte dans son lycée. Une fois son bac d’électrotechnicien en poche, le jeune homme se tourne vers le syndicat Unef-ID, à l’époque tenu par l’extrême gauche, à la faculté d’histoire de Lille. Il en devient président deux ans, siège au conseil d’administration de Lille 3. Se rapproche de la LCR, avant de s’en faire exclure pour « guevarisme romantique ». « C’est mon titre de gloire, j’en suis assez fier », rigole-t-il. Même s’il reconnaît, avec moult anecdotes, avoir rencontré « des gens graves chez les trotskos », Marc Vasseur se détourne rapidement de l’extrême-gauche. « La notion de dictature du prolétariat, j’y ai jamais adhéré. Le Grand Soir, j’y crois pas. A partir de là … » Désormais, il sera socialiste, et rocardien.

Traîtrise, haines, jalousie. Les premiers pas de Marc Vasseur sont difficiles.  Il grimpe vite – conseiller municipal à 25 ans, assistant parlementaire européen à 27. Mais son profil ne plaît pas. Trop jeune, trop à droite du parti. « J’avais un pedigree connoté, rocardien dans la Fédération du Nord ce n’est jamais très bien vu. En plus j’étais jeune, donc pour certains j’étais perçu comme un ennemi potentiel. » La cassure intervient en 2000. Un tournant dans la vie du militant. Près de dix ans plus tard, Marc Vasseur en parle encore avec une certaine émotion. Jusque là décontracté, le ton devient plus sérieux, plus sombre. La campagne municipale de 2000 pour la mairie de Villeneuve d’Ascq est difficile. Deux candidats socialistes se déchirent. Tous les coups bas sont permis. Le jeune conseiller découvre un système de fausses cartes. Menaces, courriers anonymes, coups de téléphone en pleine nuit. Après l’élection, Marc Dolez, premier secrétaire de la Fédération du Nord, tient une assemblée générale pour rassurer les militants : les fausses cartes n’existent pas. « J’ai hurlé « Marc Dolez tu n’es qu’un menteur ». Ca a sonné le glas de toute carrière politique. »

La rupture est faite. Le jeune élu a vu trop de choses dans lesquelles il ne se reconnaît pas. « Je m’étais dit « c’est pas pour moi », quand ca tombe si bas ... Dans ma tête, c’était clair qu’il fallait que je passe à autre chose ». Marc Vasseur accepte de conserver son siège au conseil municipal « pour ne pas laisser la place à des crapules. » Mais voit son avenir ailleurs. Va pour une reconversion dans l’informatique. Il travaille désormais comme informaticien au service départemental des incendies et secours. Après les législatives de 2002, il se fait exclure du parti pour ne pas avoir fait campagne pour son candidat. A l’initiative : Marc Dolez.

Cette campagne difficile manque de torpiller son couple. Au même moment, Marc Vasseur perd son ami d’enfance. Rupture d’anévrisme. « Ca a été une période douloureuse », confie Marianne Pladys, sa compagne. Les deux jeunes gens se croisent sur les bancs de la fac, avant de se retrouver quelques années plus tard lors d’une réunion sur le féminisme. Le militantisme les lie. Marianne Pladys siège également au conseil municipal de Villeneuve d’Ascq, avant de quitter, déçue et amère, le Parti Socialiste. « Elle n’arrive pas à surpasser ce qu’il s’est passé … il a des choses qu’elle n’arrive pas à avaler », explique Marc Vasseur. Quand il évoque sa compagne, son visage s’illumine. Le sourire moqueur laisse place à des traits doux et amoureux. Quinze ans ensemble, trois petits garçons, de 4 ans à 18 mois. Marc Vasseur n’hésite pas à prendre un congé paternité pour s’en occuper. Il travaille à 80%. « Ca m’a paru naturel, Marianne est cadre, moi pas. J’aime bien être avec mes enfants, on trouve notre équilibre comme ça, c’est le prolongement de mes convictions. C’est vrai qu’on forme un couple atypique. »

Pendant cinq ans, Marc Vasseur se détourne de la politique, et se concentre sur sa reconversion professionnelle. Il effectue « un travail de deuil ». « Même si c’est un acte volontaire de dire stop, il faut du temps pour se reconstruire. Cela faisait douze ans que je faisais de la politique à haute dose, j’en vivais, j’avais un mandat, je m’investissais !» Jusqu’à 2006, et la campagne PS pour l’investiture à la présidentielle. Une campagne qu’il désigne comme « dégueulasse, insensée, hallucinante. » Alors l’ancien élu ouvre un blog pour dire ce qu’il a sur le cœur. Au départ très modeste, mêlant politique et récit de sa vie de famille. Une cinquantaine de visites tout au plus, surtout des amis. Qu’importe, le blog l’aide à panser les plaies toujours vives de 2001. « J’en avais besoin pour finir une thérapie. Le militantisme reste là, c’est un virus, c’est une drogue … » Quand on lui demande à partir de quand son site a commencé à prendre de l’ampleur, Marc Vasseur hésite. « Environ deux mois après l’ouverture du blog, je reçois un sms d’un ami pour me dire « eh, ils ont parlé de toi dans France Europe Express ! » Mais ça ne m’a pas apporté une visite, faut pas croire ! C’est quand on m’a cité dans Le Monde lors de la présidentielle que je me suis dit « tiens, bizarre». Ca a un peu été le tournant. »

La machine s’emballe. Plusieurs apparitions dans le Contre-Journal de Libération, des publications de billets dans Vendredi ou Le Post, une collaboration chez Courrier International. Il devient l’interlocuteur privilégié des journalistes qui travaillent sur le PS local. Une liberté de ton qui dérange les barons socialistes. « Ses détracteurs disent qu’il agit par vengeance. C’est faux », affirme sa compagne. « Je sais comment marche l’appareil, si je voulais, je pourrais l’utiliser … Je pourrais revenir dans le jeu, mais ça ne m’intéresse pas. Je le connais trop », se justifie de son côté Marc Vasseur. Marianne Pladys reste malgré tout inquiète. « On a des ennemis. Quand Gilles Pargneaux [Premier secrétaire de la Fédération du Nord] vous appelle en personne à la maison … On dérange. Marc a le mérite de faire ce que d’autres n’osent pas, mais ça peut être nuisible pour lui comme pour nous », déplore-t-elle.

Ce mois-ci, Marc Vasseur a décidé de ne plus reprendre sa carte du PS. Partira-t-il ailleurs ? Il évoque un soutien à Pierre Larrouturrou, dont il est proche… Affirme être dragué par Cap 21. Mais rien qui ne semble très enthousiaste. « Je ne mets rien dans la vie politique, j’attends rien, je m’en fous. Je n’ai pas envie de tout sacrifier. »  Une vie politique qui le débecte. Mais dont il ne peut pas vraiment s’éloigner.