Encore une fois s'y reconnaitre

Publié le 19 octobre 2009 par Lironjeremy
Même la tête la plus insignifiante, la moins violente, dans la tête du personnage le plus flou, le plus mou, en état déficient, si je commence à vouloir dessiner cette tête, à la peindre, ou plutôt à la sculpter, tout cela se transforme en une forme tendue, et, toujours me semble-t-il, d’une violence extrêmement contenue, comme si la forme même du personnage dépassait toujours ce que le personnage est. Mais il est cela aussi : il est surtout une espèce de noyau de violence. C’est probable d’ailleurs. Il me semble assez plausible qu’il en soit ainsi du fait même qu’il puisse exister… du fait qu’il existe, qu’il n’est as broyé, écrasé, il me semble qu’il faut qu’il y ait une force qui le maintienne. En fait j’ai été cinq ans à l’académie. La seconde année, par hasard, je suis tombé sur un crâne qu’on m’a prêté. J’ai eu une telle envie de le peindre que j’ai laissé tomber l’académie pendant tout l’hiver. Et j’ai passé tout l’hiver dans une chambre d’hôtel à peindre le crâne, voulant le préciser, le saisir autant que possible. Je passais des journées à tâcher de trouver l’attache, la naissance d’une dent…qui monte très haut près du nez, de la suivre le plus exactement possible, dans tout son mouvement…de manière que si je voulais faire tout le crâne, cela me dépassait. Depuis, j’ai toujours envie de reprendre cela. Et alors, peu à peu, voir un crâne devant moi ou un personnage vivant, la différence devient minime… Le crâne prend, pour finir, une présence vivante. Cela m’est arrivé… Par contre, travaillant d’après le personnage vivant – et cela avec presque de la frayeur – j’arrivais, si j’insistais un peu, à voir à peu près le crâne à travers. (Alberto Gicometti)