Or donc, pour Nicolas Sarkozy, une relance de l’économie par la consommation, soit une politique visant à soutenir le pouvoir d’achat des ménages, serait une erreur : «ça a été fait deux fois, une par Chirac, une par Mitterrand, ça n'a servi à rien. Dans les deux cas, on a versé de l'eau dans le sable» Affirmait-il le 7 janvier 2009, lors de ses vœux au parlementaires.
Ajoutant même : «Si cela marchait, on le ferait !»
Depuis, il n’a pas changé d’avis, privilégiant une relance par le seul investissement.
Bien.
Sauf que, le 7 janvier 1996 (soit 13 ans auparavant, jour pour jour) au micro d’Europe 1 (dans l’émission : Le Club De La Presse) il soutenait l’inverse.
Avec ses amis Balladuriens, tel François Léotard (qui fut le premier à se réjouir de la chute du Mur, manque de bol, c’était pas le sien, celui de Fréjus ..), il lançait un “appel solennel, pressant” au président Jacques Chirac et à son Premier ministre Alain Juppé “pour que la pause fiscale soit déclarée non pas en 1997, quand la croissance sera revenue, mais dès 1996, parce que c’est dès 1996 que nous avons besoin de soutenir la consommation”.
Emporté par son élan, il enfonçait même le clou comme ci : “Pour relancer l’économie, nous n’avons comme seule marge de manœuvre, outre les taux d’intérêt, que le pouvoir d’achat des ménages. Or, nous avons déclenché une hausse, en année pleine, de près de 100 milliards d’impôts nouveaux. Ces 100 milliards vont manquer à la consommation”. [1]
Il semblerait donc que ce soit Sarkozy qui ait conseillé “modestement” (c’est le terme qu’il employait à l’époque) à Jacques Chirac de “verser de l’eau dans le sable” (expression reprise aujourd’hui par Xavier Bertrand à propos du "grand emprunt") et au nom de quoi ?
”Au nom des engagements qui ont été les nôtres !” Répondait-il à l'époque [2]. Soit honorer une promesse électorale : la réduction de la fameuse “fracture sociale”. Et, pour ce Sarkozy version 1996, cela ne passait pas par une augmentation des impôts (“nous ne sommes pas des socialistes” il disait), mais par une relance de la consommation.
On pourrait arguer du fait qu’il y a une certaine logique entre le Sarkozy-d’il-y-a-13 ans et celui d’aujourd’hui.
Après tout, ne refuse-t-il pas obstinément d’augmenter les impôts ? (“Je n’ai pas été élu pour augmenter les impôts” rabâche-t-il)
Oui mais, il a été démontré que dans les faits, s’il est exact que Nicolas Sarkozy n’a pas augmenté les impôts (sur le revenu) en revanche il a créé près d’une vingtaine de nouvelles taxes que nous pouvons considérer comme des “impôts nouveaux”. Exactement ce que, peu ou prou, fit le gouvernement Juppé de juin à décembre 1995 à hauteur de 100 milliards de francs, soit 15 milliards d’€.
Difficile d’évaluer le coût réel des taxes instaurées depuis juin 2007 par Sarkozy via le gouvernement Fillon, tant certaines sont sujettes à fluctuations (comme la taxe sur la publicité des chaînes privées) mais à vol d’oiseau (ou de corbeau, comme dirait ce bon Gergorin) elles devraient peser aux environs de 6 à 7 milliards d’€, voire plus si on y ajoute la taxe carbone, l’augmentation du forfait hospitalier (de 16 à 18€) et celle du prix des cigarettes (+6% en 2010, et ce n'est qu'un début ...).
Certes, on pourrait retenir la baisse de la TVA dans la restauration, mais a-t-elle vraiment profité aux consommateurs que nous sommes ?
Nous voici donc en présence d’un Sarkozy qui, il y a treize ans, reprochait à sa famille politique de créer des "impôts nouveaux", et qui, aujourd’hui en crée un chaque mois.
D’un Sarkozy qui refuse de relancer l’économie par la consommation sous prétexte que “ça ne marche pas” alors qu’il y a treize ans, il conseillait “modestement” l’inverse à son prédécesseur, lui rappelant par là-même, qu’il convient de faire ce que l’on a dit, donc de tenir, coûte que coûte, ses promesses électorales.
Soit.
Eh bien tel le Sarkozy 1996, rappelons au Sarkozy d’aujourd’hui quelle fut l’une des siennes, la principale, courte, mais limpide :
”Je veux être le Président de l'augmentation du pouvoir d'achat.” (il insistait même sur le fait que : “le problème de la France d'aujourd'hui, c’est que les salaires sont trop bas ...” – ce qui est, plus de deux ans plus tard, sous sa présidence, toujours le cas ..)
Pour être juste, il est vrai qu’il proposait, pour l’augmenter, ce pouvoir d’achat, de “travailler plus, pour gagner plus” en “libérant” et “défiscalisant” les heures supplémentaires. Or, qui “gagne plus” aujourd’hui ?
Crise mal-aidant, chômage allant croissant, cette antienne '”travailler plus pour gagner plus” n’est-elle pas, désormais, obsolète ?
Quant à la seule relance économique mise en place par le gouvernement, pilotée par le futur ex-président de l’Epad, Patrick Devedjian, celle par l’investissement, qui n’est pas, en soi, une mauvaise idée (la relance, pas de quitter la présidence de l’Epad au profit de Jean Sarkozy ...) elle a l’énorme désavantage suivant : c’est qu’elle n’aura d’effets positifs sur les ménages, et notamment sur les classes moyennes et plus précaires encore, que dans plusieurs années (si tant est que la crise ne rebondisse pas et ne recule d’autant plus les éventuels bienfaits de cette relance basée uniquement sur l’investissement).
Or donc :
N’est-il pas temps d’y adjoindre un vrai plan de relance de l’économie par la consommation, comme le préconisait le Sarkozy de 1996 sans attendre que “la croissance soit revenue” ?
N’est-il pas grand temps, alors que les banques et Wall Street se refont copieusement la cerise (sur notre dos), de se souvenir des promesses électorales, de les tenir (d’autant plus quand on a reproché, naguère, à sa propre famille politique, de ne pas l’avoir fait) ou est-ce qu’Alzheimer que le candidat de l’UMP jurait de combattre aurait gagné (à nos dépens) les "six cerveaux" autrefois "parfaitement irrigués" du président Sarkozy ?
Bref, n'est-il pas plus qu'urgent de rappeler "modestement" à Nicolas Sarkozy "qu'il n'a pas été élu pour ne pas augmenter notre pouvoir d'achat" ?
[1] Source : “Les Balladuriens voient l’année sans Juppé” par Gilles Besson [Libération – Lundi 8 janvier 1996 – page 12]
[2] En fait, ces “engagements” n’étaient pas vraiment les siens. Puisque, on s’en souvient, Nicolas Sarkozy ne soutint pas la candidature de Jacques Chirac, mais celle d’Édouard Balladur. Il était son porte-parole et directeur de campagne, pressenti, même, pour devenir son Premier ministre …