ETATS-UNIS, 1853
Editions Gallimard Folio
Cette petite nouvelle de 70 pages est assurément l'oeuvre la plus connue de Melville avec
Moby Dick. Elle n'en finit pas d'intriguer et a été notamment commentée par Gilles Deleuze. Elle est célèbre pour la réplique répétitive et énigmatique de Bartleby "I would prefer
not to" (je ne préférerais pas).
L'histoire nous est racontée par un notaire, un conseiller de la cour des comptes qui engage un nouveau scribe pour copier les actes. C'est le dénommé Bartleby. Celui-ci apparaît comme un
travailleur infatigable qui ne prend même pas de pause pour manger. Mais tout se gâte lorsque le narrateur, son chef, lui demande avec ses deux autres scribes de comparer les copies aux
originaux. C'est à ce moment là qu'il déclare "Je ne préférerais pas". Le narrateur, abasourdi, ne proteste pas malgré sa surprise et les remarques de ses collègues. A part copier, il se refuse à
toute autre action : manger, se promener, faire une course...
Quelle attitude adoptée face à ce phénomène ? Le narrateur est partagé entre l'énervement (qu'il ne veut pas montrer) et la charité, la pitié : car il découvre un jour que Bartleby a
véritablement élu domicile dans son bureau. Il s'y incruste alors que son patron lui a donné de l'argent pour qu'il parte. En vain bien sûr....Jusqu'au jour où Bartleby se refuse à écrire et
passe ses journées à méditer devant la fenêtre.
Le patron, bravé par son employé, mais n'osant pas appeler la police ni le faire quitter de force le bureau pour le brusquer (est-il vagabond ? On ne connait rien de son passé), préfère déguerpir
et changer de bureau ! Mais il sera malheureusement rattrapé par ce mystérieux personnage....
L'intérêt de cette nouvelle réside surtout sur la dialectique éternelle du maître et de l'esclave. Le notaire est abasourdi devant les refus de Bartleby, son employé. Mais ce dernier est si
vertueux, si appliqué qu'il ne peut laisser libre cours à sa colère. Il est plutôt tenté par la charité, tout en étant profondément déstabilisé et en étant obligé de changer ses
habitudes.
Alors que l'auteur ne dit rien sur le mystérieux Bartleby, ses motivations, son passé, il décrit avec maestria les hésitations, les remords, les décisions du notaire. Que faire face à l'absurde
?
Cette nouvelle, d'abord plutôt comique (le notaire fait au début le portrait de deux autres scribes qui frisent la caricature) évolue vers le drame de l'humanité : je vous laisse découvrir les dernières lignes qui donnent un semblant de solution à l'attitude de Bartleby. Et si tout n'était que vanité ?