Des émeutes sociales secouent l'Algérie. Bilan provisoire : une cinquantaine de blessés et une dizaine de contestataires arrêtés.
Diar Echems (les maisons du soleil) est brusquement sortie de l'anonymat par les violents affrontements qui ont opposé, durant deux jours, ses habitants aux forces de l'ordre. Située à el-Madania (ex-Clos Salembier), sur les hauteurs d'Alger, cette cité-dortoir aux murs décrépis, suintant l'ennui et la misère, est un chancre qui jure avec les immeubles qui l'entourent : des ministères, des sièges de banques et d'entreprises florissantes, des boutiques de luxe.
À un jet de pierre, Riadh El Feth, le centre commercial et de loisirs construit dans les années 1980 dans l'esprit du slogan "Pour une vie meilleure", rappelle les promesses non tenues du régime. Après trois décennies marquées par de sanglants soubresauts, l'échec est patent.
À Diar Echems, cité de recasement qui date des années 1950, des familles de 10 à 15 personnes s'entassent dans une pièce unique. Pour s'adapter à la promiscuité dans le respect des règles de la pudeur, les locataires redoublent d'ingéniosité : dormir à tour de rôle, rester dehors le plus tard possible et occuper le moindre espace. Avec le temps, ils ont débordé sur les aires de jeu et les terrains alentour, où ils construisent des baraques, qui feront office de dépendances. Un bidonville au cœur de la capitale !
Lundi dernier, ils ont squatté le stade municipal. La police intervient alors pour les déloger ; l'affrontement devient inévitable. Refoulés dans leur cité, les insurgés dressent des barricades. Aux forces antiémeutes, qui tentent de prendre le contrôle des lieux à coups de lance à eau et de grenades lacrymogènes, ils ripostent par des jets de pierres et de cocktails Molotov. Discrets mais efficaces, les islamistes tentent de récupérer la protestation, en scandant des slogans à la gloire de l'État islamique.
Les échauffourées se sont prolongées tard dans la nuit, avant de reprendre mardi. Bilan provisoire : une cinquantaine de blessés et une dizaine de contestataires arrêtés.
Depuis quelques mois, ces scènes de protestation qui dégénèrent en émeutes ont secoué plusieurs localités de province et risquent de déboucher sur une révolte généralisée. Alors que les couches populaires tirent le diable par la queue, les clientèles du régime affichent, sans complexe, un luxe ostentatoire. Des fortunes, aussi rapides que suspectes, acquises durant les années de terrorisme, nourrissent un sentiment d'injustice.
La loi sur la "réconciliation nationale", qui, en 2005, avait amnistié des milliers de terroristes en leur accordant des "primes de réinsertion", a fait le reste pour affaiblir l'autorité de l'État, consacrer l'impunité et sacraliser la violence comme moyen de promotion sociale. En verrouillant les espaces de liberté, et en réhabilitant les méthodes autoritaires de l'ère du parti unique, le pouvoir a encouragé l'émeute comme ultime moyen d'expression.
Source du texte : FIGARO.FR