Un week-end a berlin par debezed

Publié le 22 octobre 2009 par Abarguillet

A l’occasion d’un week-end prolongé, nous avons choisi de partir à la découverte de Berlin, de prendre un premier contact avec cette capitale européenne restée trop longtemps inaccessible dans sa plénitude. Notre petit groupe de quatre, a donc choisi de faire confiance à la Deutsche Bahn pour nous conduire à bon port et nous y héberger. Nous avons en effet choisi un forfait train plus hôtel avec transport aller en wagon-couchettes et retour en train normal. Nous sommes donc partis de Bâle pour Berlin via Stuttgart, Mannheim, Erfurt entre autres, le vendredi soir vers 21 heures. Nous disposions d’un compartiment de quatre couchettes pour notre petit groupe de quatre ce qui était particulièrement sympa. Les trains allemands ne sont réputés ni pour leur ponctualité et ni pour leur rapidité et nous en avons fait l’expérience car ce train s’est arrêté deux fois très longuement : environ trois quarts d’heure à Mannheim et environ une heure à Erfurt pour un changement de locomotive. Mais tout cela n’a que peu d’importance puisqu’il n’est pas utile d’arriver trop tôt à Berlin le samedi matin. Et, dans notre cas nous sommes bien arrivés vers les sept heures comme le prévoyait l’horaire initial.

L’arrivée à Berlin se fait désormais dans la nouvelle gare, la Hauptbahnhof, au style futuriste, métal et verre, inaugurée il n’y a pas très longtemps. Et c’est bien pratique car cette gare reçoit les lignes de chemins de fer nationales et régionales mais aussi le S Bahn (sorte de RER) et le U Bahn (métro). Cette ville est très bien desservie par les transports en commun avec ces deux réseaux qui sont complétés par les tramways qui irriguent la ville en un dense maillage. Ces transports sont très accessibles grâce à différentes formules : à la journée, en groupe, pour plusieurs jours, etc... tout un ensemble de possibilités faciles à adapter à votre séjour. Il est en général assez aisé de se retrouver dans les gares, la signalétique n’est pas surabondante mais à peu près suffisante sauf, dans certains cas, notamment quand il faut passer du S Bahn ou du U Bahn au tramway qui emprunte un réseau différent. Autre aspect très sympathique pour les touristes, deux lignes du S Bahn font le tour du centre ville, chacune dans un sens, il est donc facile de passer d’un point à un autre sans risque de se tromper ou en pouvant se récupérer facilement.

Première chose à faire en arrivant au petit matin : prendre un café avec des viennoiseries et négocier un forfait transport en commun adapté à notre programme avant de rejoindre l’hôtel, du côté de Berlin Est dans un des quartiers nouvellement reconstruit. L’hôtel est à proximité d’une gare qui accueille aussi bien les tramways que les autres transports en commun. Il faut bien s’assurer de cette proximité car c’est essentiel pour éviter de perdre un temps inutile dans les déplacements.

Le couchage assuré pour le soir, Les bagages rangés dans les chambres, le programme touristique peut démarrer par un retour vers l’Alexanderplatz, l’Alex comme disent les Berlinois, qui semble bien être désormais le centre de Berlin réunifié bien qu’elle soit encore en partie en chantier. On y trouve la fameuse pendule qui a servie de carte postale à de l’époque où Berlin avait un Est et un Ouest, et maintenant la monumentale tour de la télévision qui domine la Marienkirche qui a été reconstruite en l’état comme de nombreux monuments berlinois. De là on a aussi une très belle vue sur les principaux monuments de la partie nord d’Unter den Linden : le Rotes Rathaus (mairie de Berlin en grès rouge), le Berliner Dom et différents autres monuments. On descend cette immense avenue comme on descend les Champs Elysées à Paris et on découvre tous les monuments qui bordent cette célèbre avenue comme la Humboldt Universität, le Stadtoper, etc… La descente se termine à la Brandeburger Tor qui a retrouvé toute sa majesté depuis la chute du mur qui passait juste devant. La promenade s’oriente alors vers le Reichstag où il est possible de visiter l’immense coupole de verre mais après avoir accepté de faire la queue pendant près de deux heures. Ce quartier qui abrite les instances gouvernementales, possède aussi de nombreux musées qu’un trop court séjour ne permet pas de visiter. Cette partie de la ville au moins conserve beaucoup de trait de la ville prussienne qu’elle a été dans un passé plutôt glorieux, de nombreux monuments affichent à leur fronton des dédicaces à Friedrich, Wilhelm ou Friedrich Wilhelm les grands empereurs de Prusse.

Une nuit dans le train, une longue promenade matinale, il est temps de prendre un solide repas pour pouvoir poursuivre notre périple touristique dans cette belle ville toute neuve, du moins pour ce que nous en avons vu jusqu’à cette heure. Nous nous asseyons dans un restaurant situé entre le Reichstag et le monument en souvenir des juifs disparus pendant la shoah en ne pouvant nous empêcher de penser que des dignitaires nazis et des apparatchiks du gouvernement de l’ex Allemagne de l’Est ont certainement fréquenté cet établissement dans des temps pas si lointains. Et, pour que les visiteurs n’oublient pas, les photos des Allemands qui sont morts en essayant de franchir le mur sont exposées sur les grilles du parc devant la Porte de Brandebourg. Même si ça ne coupe pas l’appétit, ça laisse un goût d’amertume et de compassion dans l’assiette. La connerie et la sauvagerie appartiennent bien aussi à l’humanité…

Après le repas, direction la Potsdamer Platz qui est complètement reconstruite dans une architecture futuriste pour une part et plutôt fonctionnelle pour l’autre part. Non loin de cette place, on peut voir un morceau de mur, Niederkirchstrasse, conservé en l’état malgré les prélèvements effectués par les touristes et autres nostalgiques et revanchards. Ce bout de rue avec son morceau de mur est assez sinistre pour évoquer ce qu’était cette partie de Berlin avant la chute de cette barrière. Derrière, le mur des fouilles pour un chantier ont mis à jour les anciennes prisons SS où ont été torturés de très nombreux allemands opposés au régime. Une vaste exposition, organisée en plein air, montre tous les acteurs de cette époque bourreaux et victimes rassemblés une dernière fois. Et, oh cruauté, c’est là qu’on constate qu’on connaît tous les bourreaux et très peu de leurs victimes qui sont les véritables héros de cette époque, de l’Allemagne et de l’humanité en général ! On a oublié que les premiers résistants et opposants étaient des Allemands qui ont été éliminés avec la plus grande cruauté. Comme j’avais lu « Seul dans Berlin » il y a quelques mois seulement, j’ai éprouvé une très forte émotion qui m’a douloureusement serré la gorge pendant un moment.

Mais, l’émotion retombe vite quand on arrive devant une pauvre reconstitution de ce qu’était le fameux Checkpoint Charlie tant tout cela est kitch et juste destiné à amuser les touristes. Par contre, toute l’iconographie proposée autour de ce carrefour est très riche, très intéressante et propose un excellent témoignage de ce que fut Berlin à l’époque de la partition.

Les jambes commencent à s’alourdir et il faut prendre le chemin du retour en passant par Nicoliviertel ce vieux quartier de Berlin, sur les bords de la Spree, qui a été reconstruit selon le modèle de ce qui existait avant la destruction. C’est désormais un quartier touristique, à l’ombre de son église : Nicolaïkirche, qui possède de nombreux restaurants et nous en avons profité pour nous sustenter l’estomac avant de rejoindre notre hôtel. Il est facile de manger à Berlin, les restaurants sont nombreux et finalement pas très chers pour une grande ville. La cuisine est assez internationale, les restaurants italiens sont nombreux, la cuisine traditionnelle est bien présente dans les menus au côté de l’Enfant de Berlin (Berliner Kindl) cette bière légère à l’amertume un peu marquée qui désaltère bien le touriste épuisé par ses longs périples en ville. Après cette première journée bien chargée, nous conservons les images d’une ville plate et étalée, très aérée avec des avenues très larges et des parcs immenses. Une ville prussienne, une ville en chantier, une ville stalinienne dans les quartiers résidentiels de l’Est, une ville à construire avec de nombreux espaces disponibles, et comment dit le slogan « une ville en perpétuel devenir ».

La seconde journée est destinée à un retour vers Berlin Ouest que nous avons presque totalement ignorée dans notre premier périple. C’est donc vers le célèbre Ku’damm, le Kufürstendamm, et l’église du souvenir, Gedächtniskirche, que nous dirigeons nos pas. Le Ku’damm était la grande avenue de Berlin à l’époque de la séparation, elle est aujourd’hui toujours une grande avenue mais le pouvoir est retourné Unter den Linden et les grandes sociétés commerciales ont pris possession des lieux, tout au long de cette longue avenue, qui est donc devenue l’axe commercial privilégié des Berlinois. Tout au bout de cette grande avenue se dresse le clocher en ruine d’une église décapitée par les bombes en 1945 et que les Berlinois ont voulu conservé en témoignage de ces jours malheureux et de la folie nazie. Aujourd’hui, cet imposant clocher ruiné est entouré de deux bâtiments géométriques d’un goût un peu douteux, vus de l’extérieur, mais l’édifice consacré aux offices religieux construit en carreaux de verres bleus avec des fresques de verres de couleur plus chaudes rend une luminosité un peu étrange et très propice au recueillement. La balade sur le Ku’damm s’achève dans un « impies », petit restaurant où l’on peut grignoter un petit encas, typique de Berlin mais qui semblent désormais fortement concurrencé par les fast food  de toute sorte.

Comme toutes les cités touristiques, Berlin dispose de diverses sociétés qui proposent des visites commentées de la ville en bus panoramiques. Les jambes étant un peu lourdes, on profite de ce service pour faire un large tour du centre ville de Charlottenburg à l’Alexanderplatz en passant par tous les sites importants. C’est un excellent moyen d’avoir une vision panoramique de la ville, de découvrir les nouveaux quartiers en cours de construction, les quartiers reconstruits et les quartiers sauvegardés. Ce large périple permet de constater combien la ville est étendue et toute la place qu’elle possède encore pour se développer et devenir une des plus grandes villes d’Europe. Toutefois, sa position géographique, à la fois à l’Est et au Nord de l’Europe, la laisse dans une espèce de cul-de-sac qui laisse douter d’un développement tentaculaire. Francfort, Londres et Paris semblent constituer un triangle plus attractif que le Nord de l’Europe qui est un peu un bout du monde. Mais l’histoire s’écrira certainement un peu plus à l’Est de l’Europe dans les années à venir et nous dira si Berlin a un grand avenir.

Pour conclure cette deuxième journée berlinoise, nous sommes repassés du côté de l’Est pour visiter des petites cours pleines de charme, les Hackereschenhöfe, qui communiquent entre elles pour former un labyrinthe où chaque cour a son style. Un moment de charme à deux pas de la forêt des grues qui meublent encore le ciel du centre ville et à quelques mètres seulement d’autres cours restées en l’état où elles étaient au temps de la partition de la ville. Il est poignant de ressentir toute la tristesse qui devait régner ici avant la chute du mur, les façades respirent encore cette tristesse et les vitrines sont encore bien peu attrayantes, même si à quelques dizaines de mètres on voit déjà les enseignes des grands équipementiers du sport illuminer le crépuscule berlinois et s’avancer de plus en plus vers ses quartiers qui ne resteront plus longtemps à l’image que nous avions de la RDA. Il est temps de trouver un petit restaurant pour satisfaire nos appétits aiguisés et après quelques hésitations, nous trouvons la table recherchée dans un restaurant spécialisé dans la pomme de terre qui est aussi un produit de la région. La cuisine est généreuse et agréable et le prix toujours aussi raisonnable. Un petit enfant de Berlin, le Berliner Kindl, vient arroser ce repas de sa légère amertume. Retour à l’hôtel après une journée encore riche en images, sensations, émotions et souvenirs et éprouvant une réelle sympathie pour ses Berlinois qui se précipitent, avec une grande amabilité, pour vous indiquer votre chemin et proposent même leurs services rien qu’en vous voyant sortir votre plan pour essayer de repérer votre chemin. Et, Le chauffeur du tram veille avec attention à ce que vous ne ratiez la station où vous devez descendre, qu’il vous indique avec force gestes et sourires.

Et déjà, le lundi matin, il faut penser au retour mais avant de reprendre le train, un petit pèlerinage s’impose au morceau de mur resté debout et mis à la disposition des artistes pour exprimer leur sentiment au lendemain de la chute de cette honteuse barrière. Ce tronçon de mur se trouve sur les bords de la Spree, Mühlenstrasse, au Sud Est de Berlin. Ce vestige du mur dégage moins d’émotion que celui qui est conservé du côté de Checkpoint Charlie, il appartient désormais plus au folklore avec ses décorations qui ont été largement médiatisées dans la presse, au cinéma, à la télévision et partout où l’on voit des images de Berlin. Les autorités berlinoises s’interrogent désormais sur son devenir car le mur s’effrite sous l’effet du climat et des prélèvements des touristes et les fresques ont tendance à disparaître sous les graffitis et tags de certains de ces touristes. Une partie de la population s’interroge sur l’opportunité de payer bien cher pour conserver debout un monument que les Berlinois ont eu tant de mal à faire tomber. Si ce vestige est définitivement détruit nous aurons au moins eu la satisfaction de voir à quoi il ressemblait et d’admirer les fresques qui le recouvraient.

Mais l’heure est venue de reprendre le train pour arriver, après une longue traversée de l’Allemagne, sur les bords du Bodensee au début de la nuit. L’ICE allemand n’est pas aussi confortable que le TGV français mais il est certainement plus spacieux. Il roule moins vite faute de voies spécifiques et adaptées et il fait honneur à la réputation des trains allemands en prenant rapidement un retard suffisamment important pour nous faire craindre de rater notre correspondance à Offenburg. Mais, le retard accumulé est suffisamment compensé pour nous permettre d’effectuer notre changement de train sans difficulté et nous pouvons rejoindre les bords du lac vers 22 h 00 après près de huit heures de voyage à travers l’Allemagne.

Il conviendrait certainement d’ajouter une journée supplémentaire à ce voyage, en partant le jeudi soir par exemple, pour élargir les visites, sortir un peu du périmètre central et partir à la découverte de ce qu’était Berlin Est, au temps de la RDA, dans des secteurs qui n’ont pas encore été trop touchés par les rénovations qui ont déjà profondément modifié le paysage berlinois. Mais, ce voyage nous a tout de même laissé beaucoup de souvenirs et nous aidera à mettre des images sur la multitude de livres et documents divers que nous avons vus ou lus, et que nous lirons encore, sur tout ce qui s’est passé à Berlin pendant ce demi-siècle qui a tellement compté pour le sort du monde et de l’humanité.


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