À l'heure où l'Italie vient de voter une loi qui permet de blanchir légalement les capitaux mafieux (sans que ça ne coûte pratiquement rien aux "blanchisseurs", tant au niveau financier/fiscal que des conséquences légales/pénales...), le Conseil de l'Europe, via le Groupe d'États contre la Corruption (GRECO), auquel l'Italie a adhéré en 2007 (gouvernement Prodi), publie un Rapport d'évaluation sur le pays, où la situation est décrite comme suit :
Selon une étude sur le phénomène de la corruption en Italie, effectuée en 2007 par le Haut commissariat contre la corruption, la corruption est largement répandue dans l’administration publique où elle est encouragée par des particularités de l’appareil administratif italien, telles que des régimes de recrutement et de promotion qui pâtissent d’un certain manque de clarté et d’efficacité. L’étude du Haut commissariat cite également d’autres travaux de recherche qui soulignent qu’en Italie, la corruption est profondément ancrée dans différents secteurs de l’administration publique, dans la société civile ainsi que dans le secteur privé : le paiement de pots-de-vin semble être une pratique courante pour obtenir des licences et des autorisations, des contrats publics, des arrangements financiers, faciliter l’obtention de diplômes universitaires, pratiquer la médecine, conclure des accords dans le milieu du football, etc.En effet, les interlocuteurs de l'équipe d’évaluation du GRECO (issus de la société civile et d’institutions gouvernementales) sont « nombreux à partager le sentiment que la corruption est un phénomène courant et généralisé qui touche la société italienne dans son ensemble... »
Le rapport se conclut donc par 22 recommandations, sur la mise en œuvre desquelles le GRECO invite les autorités italiennes à remettre leur rapport d'ici au 31 Janvier 2011.
Voici ces 22 recommandations :
- que le Service anti-corruption et pour la transparence (SAeT) ou d’autres autorités compétentes élaborent et présentent publiquement, avec la participation de la société civile, une politique anti-corruption qui prenne en considération la prévention, la détection, l’investigation et les poursuites d’affaires de corruption, et prévoie d’en contrôler et d’en évaluer l’efficacité (paragraphe 23) ;
- réexaminer la législation existante et nouvelle qui doit garantir la conformité de la loi italienne aux exigences de la Convention pénale sur la corruption (STE 173), afin de faire en sorte que les professionnels et les magistrats puissent la consulter et l’utiliser avec la facilité voulue (paragraphe 26) ;
- mettre en place un programme global de formation spécialisée à l’intention des officiers de police afin de leur inculquer des connaissances et une compréhension 64 communes sur la façon de traiter les affaires de corruption et les infractions financières qui y sont associées (paragraphe 52) ;
- i) renforcer davantage la coordination entre les différentes forces de l’ordre impliquées dans l’investigation des affaires de corruption sur l’ensemble du territoire italien, y compris ii) en considérant l’intérêt (et la possibilité législative) d’élaborer un mécanisme horizontal de soutien pour aider celles-ci à mener ces investigations (paragraphe 53) ;
- afin d’assurer que l’on puisse arriver à une décision au fond dans les affaires de corruption et ce dans un délai raisonnable, i) entreprendre une étude du taux d’affaires de corruption éteintes par prescription afin de déterminer l’ampleur et les causes de tout problème tangible ayant permis cette conclusion; ii) adopter un plan spécial pour étudier et régler, selon un calendrier précis, les problèmes identifiés par cette étude ; iii) diffuser publiquement les résultats de cet exercice (paragraphe 57) ;
- intégrer à la loi 124/2008 des dispositions permettant de lever la suspension des poursuites pénales afin de veiller à ce qu’une telle suspension n’entrave pas les poursuites effectives des infractions de corruption, par exemple en ce qui concerne les infractions pénales graves pour faits de corruption, en cas de flagrant délit ou lorsque la procédure a atteint un stade avancé (paragraphe 64) ;
- envisager l'introduction de la confiscation in rem afin de faciliter davantage la saisie des produits de la corruption (paragraphe 84) ;
- mettre en place les mesures appropriées permettant d’évaluer l’efficacité, dans la pratique, de l’activité des forces de l’ordre concernant les produits de la corruption, en particulier s’agissant de l’application des mesures provisoires et des ordonnances de confiscation ultérieure, y compris dans le cadre de la coopération internationale (paragraphe 85) ;
- i) insister, auprès des membres du personnel des organismes chargés de traiter ces aspects de la lutte contre la corruption, sur l’importance de faire remonter l’information concernant les déclarations d’opérations suspectes, de la coopération dans ce domaine et des effets bénéfiques que cela pourrait avoir ; ii) prendre des mesures pour indiquer clairement à ceux qui ont l’obligation de déclarer des opérations suspectes qu’une déclaration tardive ou une absence de déclaration ne sont pas acceptables, par exemple en recourant à des mesures de sanction, le cas échéant (paragraphe 87) ;
- doter le Service anti-corruption et pour la transparence (SAeT), ou une quelconque autre entité, de l’autorité et des ressources pour évaluer systématiquement l’efficacité des dispositifs administratifs généraux conçus pour aider à prévenir et à détecter les affaires de corruption, rendre ces évaluations publiques et s’en inspirer pour formuler des recommandations de réforme (paragraphe 141) ;
- pour ce qui est de l’accès à l’information : i) procéder à une évaluation et prendre les mesures appropriées pour faire en sorte que les administrations locales se conforment aux exigences en matière d’accès aux informations sous leur autorité ; 65 ii) procéder à une évaluation de la loi pour établir si la condition de motivation restreint, de manière injustifiée, la capacité du public de juger les actions administratives quand la connaissance d’un système ou de pratiques individuelles de prise de décision fournirait de solides éléments d’information sur d’éventuelles affaires de corruption, et rendre publiques cette évaluation et toutes recommandations, et iii) afin d’éviter qu’un recours ne soit formé devant les tribunaux administratifs où s’accumulent les dossiers en souffrance, envisager d’investir la Commission pour l’accès aux documents administratifs de l’autorité pour ordonner à l’organisme administratif, après l’avoir entendu, de communiquer l’information demandée (paragraphe 144) ;
- que, dans le cadre des mesures prises pour s’attaquer à la longueur des procédures et à l’arriéré des appels administratifs, les autorités envisagent expressément d’instaurer des solutions de rechange officielles aux voies de recours judiciaires, telles que d’autres formes de résolution des litiges (paragraphe 145) ;
- dans le cadre de la réforme globale de l’administration publique, donner à tous les organismes qui la composent un accès à des ressources d’audit internes, soit directement, soit en partage (paragraphe 146) ;
- i) imposer des normes cohérentes et contraignantes à tous les agents de la fonction publique (y compris les dirigeants et les consultants), à tous les échelons de l’administration ; ii) prendre des mesures pour prévoir des procédures disciplinaires exercées en temps utile en cas de violation de ces normes, sans attendre une condamnation pénale définitive ; et iii) fournir aux personnes assujetties à ces normes des moyens de se former, des directives et des conseils concernant leur application (paragraphe 150) ;
- élaborer un Code de conduite à l’intention des membres du gouvernement qui serait annoncé publiquement, auquel ceux-ci adhéreraient professionnellement et qui serait, si possible, contraignant et intégrer dans ce Code des restrictions raisonnables en matière d’acceptation des cadeaux (autres que ceux liés au protocole) (paragraphe 151) ;
- i) adopter des règles claires et contraignantes en matière de conflit d’intérêt applicables à toute personne exerçant des fonctions au sein de la fonction publique (y compris les dirigeants et les consultants), à tous les échelons de l’administration ; et ii) instaurer ou adapter (selon le cas) un ou des dispositifs de divulgation du patrimoine des titulaires des postes de la fonction publique les plus exposés aux risques de conflits d’intérêts pour contribuer à prévenir et à détecter les possibilités de telles situations (paragraphe 154) ;
- adopter et mettre en oeuvre des restrictions appropriées concernant les conflits d’intérêts qui peuvent se produire avec la mobilité dans le secteur privé des agents public qui remplissent des fonctions exécutives (administration publique) (paragraphe 155) ;
- mettre en place un système de protection adapté des personnes qui signalent de bonne foi des soupçons de corruption au sein de l’administration publique (donneurs d’alerte) (paragraphe 156) ;
- que la responsabilité des entreprises soit élargie pour couvrir les infractions de corruption active dans le secteur privé (paragraphe 183) ;
- examiner la possibilité d’imposer l’interdiction d’occuper des postes de direction dans une personne morale aux personnes condamnées pour des infractions graves de corruption, dans tous les cas, indépendamment du fait de savoir si la commission de ces infractions est associée à un abus de pouvoir ou à la violation des obligations inhérentes à la fonction exercée (paragraphe 185) ;
- réexaminer et renforcer les obligations comptables de toutes les formes d’entreprise (qu’elles soient ou non cotées en Bourse) et veiller à ce que les peines applicables soient effectives, proportionnées et dissuasives (paragraphe 192) ;
- étudier, en concertation avec les organisations professionnelles des comptables, des commissaires aux comptes et des membres des professions de conseil et juridiques, quelles mesures supplémentaires (y compris à caractère législatif/réglementaire) peuvent être adoptées pour améliorer la situation en matière de déclaration des soupçons de corruption et de blanchiment d’argent aux organismes compétents (paragraphe 194).
Le GRECO invite les autorités de l’Italie à autoriser, dans les meilleurs délais, la publication de ce rapport, à traduire le rapport dans la langue nationale et à rendre cette traduction publique.C'est pas gagné d'avance, puisque l'Italie n'a autorisé la publication de ce rapport que le 16 octobre, plus de trois mois après qu'il ait été finalisé et, surtout, après que la Cour constitutionnelle italienne ait déclaré la loi Alfano (loi 124/08) anti-constitutionnelle...
Ce qui est sûr, c'est qu'il faudrait commencer à faire le ménage par le haut !
Jean-Marie Le Ray
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