Il n’est pas vieux, mais a déjà des problèmes de grand. Du haut de ses dix mois, on s’attendait aux petites maladies infantiles, aux éruptions cutanées, ça, oui. Mais ce sont bel et bien des problèmes psychologiques auxquels il est confronté. Ce petit gars, Paul, est déjà schizophrène. Pourtant, rien ne semblait prédisposer le pauvre à de telles misères : dans sa famille, il a ainsi un cousin boulanger qui avait plutôt bien réussi, et même un autre cousin brasseur, Paul Unetourtel, qui, sans être exceptionnel, avait réussi à se faire un nom en plus du prénom…
Mais pour lui, Paul Employ, dix mois, c’est déjà la déroute.
Alors que d’autres, à son âge, produisent déjà des résultats probants, lui n’arrive toujours pas à se démarquer. Pire, il semble que depuis sa naissance, les affaires courantes dont il avait la charge ont empirées.
Car Paul Employ n’est pas venu au monde par hasard. Ses deux parents Anne Ennpéheu et A. Cédic, se sont même sacrifiés pour lui donner une vraie bonne raison d’exister. En fusionnant ainsi, ils ont légué plusieurs millions de dossier à traiter, avec l’espoir que leur rapprochement permettrait une bonne coordination de mouvements.
Mais voilà, il semble qu’en croisant les effluves, les deux organismes aient surtout produit … un débile mental : non seulement, il ne traite pas mieux les anciens dossiers, mais il prend du retard dans les nouveaux et tout semble indiquer que la situation ne va pas s’améliorer avec l’âge.
Il n’y a qu’à lire les commentaires édifiants de ceux qui sont confrontés au nouveau bébé pour comprendre qu’il y a un malaise profond dans la boutique : la gestion administrative est calamiteuse, les remboursement médiocres et les performances en matière de recherche d’emploi abyssales.
En gros, la partie en charge de l’administration fait n’importe quoi quand elle fait quelque chose. La partie en charge des indemnités pédale dans une semoule épaisse et gluante. Et la partie qui s’occupe recherche un emploi ou qui encadre le chômeur dans ses démarches est aux abonnés absents la moitié du temps, ce qui est un moindre mal par rapport à l’autre moitié du temps où les efforts qu’elle consent aboutissent à un fiasco ridicule de propositions inappropriées.
Ce comportement général, frisant l’autisme et se doublant d’une schizophrénie aigüe, a pourtant une explication.
D’une part, on a demandé à des fonctionnaires qui ne sont absolument pas concernés par le problème du chômage de se concentrer sur ce problème, et d’y apporter une solution. C’est un peu comme demander à un sourd de naissance d’écrire une symphonie : on s’expose à des déceptions.
D’autre part, on a demandé à ces mêmes fonctionnaires de faire mieux ou aussi bien dans une seule entité, concentrée et bureaucratique, que ce qui existe dans le privé en plusieurs entités, soigneusement séparées, et qui n’ont manifestement jamais éprouvé le besoin de se rassembler, faute, probablement, de synergies.
Car enfin, l’occupation principale de Paul Employ, c’est tout de même de cracher de la thune d’un côté, et de trouver des jobs de l’autre. Dans le privé, la première partie est un travail fait régulièrement par des assurances. D’ailleurs, on parle d’assurance chômage, ce qui semble confirmer qu’il y a de l’idée derrière. Et de l’autre, c’est un travail de placement et de recherches en compétences salariales ; en somme, ce que font les boîtes d’intérimaires, ou les spécialistes du placement, de l’outsourcing et autres mots frangliches qui font mode mais qui, en gros, recouvrent la même réalité de vente de ressources humaines.
L’Etat a donc tenté, et, pour ce qu’on peut en dire actuellement, foiré lamentablement, la synthèse d’une agence d’intérim nationale avec des antennes partout partout, et d’une assurance perte d’emploi elle aussi nationale, obligatoire et avec des antennes partout partout mais pas le même partout partout que l’autre.
S’ajoute à cette idée géniale un timing qui ferait frémir tout réalisateur chevronné de film d’horreur.
Ping ! C’est la crise et voilà que déboulent des dizaines, pardon, des centaines de milliers de nouveaux chômeurs, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils vont ramer pour trouver à nouveau un job.
Car en effet, avec un tel niveau d’aide fournie par Paul, les chômeurs ne seront pas aidés ; et comme la plupart des secteurs qui débauchent le plus sont des industries qui – eh oui – ne recréeront probablement plus jamais ces emplois sur le sol français, on sent comme un malaise s’installer tant chez les chômeurs que chez Paul qui n’en peut plus de ne rien faire dans son coin.
Malaise rapidement récupéré, on s’en sera douté, par les habituels syndicalistes et autres psychopompes du mal-être social sur le lieu de travail pour enkyster encore un peu plus l’affaire. On est en France. On ne s’étonnera dès lors plus que ceux qui ont un emploi protégé fassent grève alors que la masse de ceux qui se retrouvent sur le carreau (et seraient très content d’inverser les positions) n’arrête pas d’augmenter.
Une question taraude le lecteur (potentiellement chômeur un jour et pour le moment contributeur net, ou déjà chômeur et découvrant l’ampleur de l’arnaque) : combien de temps cette plaisanterie va-t-elle durer ?
Parce que bon, regardons les choses en face : entre les sommes ponctionnées à ceux qui bossent pour ce service risible et les perspectives qui s’assombrissent, il y a un moment où il n’y aura bientôt plus que des chômeurs d’un côté et des fonctionnaires de l’autre, et tout ce pauvre monde, dans un socialisme enfin réalisé, logé à l’enseigne d’un RSA ou équivalent, au minimum de pauvreté : ze drim kom trüe !
Seule solution pour échapper au marasme de ce pays ? Aller voir ailleurs ? Même pas ! On découvre au détour d’une petite dépêche qu’en plus d’avoir le pays le plus sclérosé, le Français est aussi l’otage le plus juteux et celui qui est donc le plus kidnappé au monde, après … les Chinois (dont le pays sort progressivement du socialisme – un jour, on va se croiser, ce sera rigolo).
Les preneurs d’otages s’emmerdent peut-être.
En capturant un Français, ils s’assurent sans doute une bonne tranche de rigolade.