Mardi 20 octobre, Nicolas Sarkozy est allé s'entourer d'ouvriers, dans une fonderie Hachette et Driout, à Saint-Dizier, en Haute-Marne, puis dans un centre sportif situé à proximité pour présenter sa réforme des collectivités territoriales. Le bouclier électoral est à l'oeuvre. Le projet sera présenté à la mi-décembre au Parlement.
Les principaux points de la réforme étaient connus. Mardi, le Monarque délivrait un discours putchiste, qui mettait à mal une trentaine d'années de décentralisation, au profit d'un parti, le sien.
1. Fragiliser la fiscalité locale.
Sarkozy a vite "vendu" sa suppression de la taxe professionnelle. Il ne la supprime pas, il la remplace. Et les modalités de ce remplacement sont évidemment cruciales. Une nouvelle taxe, la "cotisation économique territoriale" (CET) sera toujours payée par les entreprises. Mais cette dernière reposera pour partie sur une cotisation locale d'activité (assise sur la valeur du foncier bâti) et pour partie sur une cotisation complémentaire plafonnée à 3% sur la valeur ajoutée. Sarkozy a dû avouer que sa réforme n'était pas au point. Des élus grincent des dents. La compensation annoncée pour les collectivités locales n'est pas à la hauteur. Pierre Mauroy comme Alain Juppé ont crié à l'anarque. La décision fiscale est aussi ramenée... à Bercy.
2. Augmenter le cumul des mandats locaux... UMP: «Les collectivités territoriales ne peuvent plus continuer à créer plus d'emplois que l'Etat n'en réduit» a déclaré Sarkozy. L'idée plaît. on imagine des strates administratives inutiles, des compétences locales floues, des élus redondants. Qui ne voudrait tailler dans ces dépenses inutiles ? «La population est légitimement exaspérée. Les élus sont épuisés des doubles-emplois» a renchérit le chef de l'Etat. Pourtant, le coût global de la fonction politique des pouvoirs locaux ne représente que 1,2% de leurs charges de fonctionnement, soit "28 millions d’euros pour une dépense publique locale de 220 milliards" comme le rappelait la Fondation Terra Nova. De surcroît, nombre des 500 000 élus locaux ne sont nullement rémunérés et purement bénévoles. L'augmentation des effectifs est ailleurs, du côté des fonctionnaires territoriaux, à fur et à mesure des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités locales. Pourtant, aucun point de la réforme de Sarkozy ne concerne cette évolution !
Quelques 3200 conseillers territoriaux remplaceront donc les 6000 conseillers généraux (départements) et régionaux. Leur nombre sera défini ... par le gouvernement, qui va procéder à un nouveau redécoupage des cantons. Sarkozy institutionnalise aussi le cumul des mandats : ces conseillers cumuleront cette double représentation départementale et régionale, et ils ne seront payés que 1,2 fois ce que gagnaient leurs prédécesseurs. Mais l'important est ailleurs. Ces élus seront pour l'essentiel UMP. Et oui ! Sous couvert de simplifier les échelons, Sarkozy simplifie... le mode de scrutin : les conseillers territoriaux seront élus au scrutin uninominal à un tour, sauf 20% d'entre eux qui seront élus à la proportionnelle. Le candidat arrivé en tête au premier tour sera élu. L'UMP est évidemment donné gagnante. Il ne suffit qu'un petit 30% des suffrages, sur fonds de divisions ailleurs (PS, Modem, extrême gauche, FN, Dupont-Aignant, écolos, etc) pour emporter la mise. Merci Nicolas 1er ! Demain, les collectivités locales, l'un des échelons électoraux les plus proches des citoyens, seront dirigés par des élus minoritaires en voix.
3. Centraliser les structures.
Pour clarifier les compétences des collectivités, Nicolas Sarkozy avance une fausse simplification : il faudrait «à une collectivité d'intervenir sur le domaine d'une autre collectivité». Kessako ? Sarkozy plaide aussi pour la suppression de niveaux inter-communaux qu'il ne comprend pas (syndicats communaux et intercommunaux jugés "inutiles", des «pays» ), et veux même inciter financièrement les communes à fusionner. En revanche, il veux inciter à la création, de façon volontaire, de grandes métropoles. Ces dernières pourront prendre deux formes : le transfert de compétences du département et de la région au profit d'une ville (à condition qu'elle ait plus de 450 000 habitants); ou la mutualisation de compétences entre villes à proxilité. On pense au Grand Paris, mais aussi à Nantes, Lyon, Bordeaux, Lille, Strasbourg, Toulouse, et Marseille. Question subsidiaire : en quoi cette création est-elle source d'économies ?
Avec cette nouvelle "réforme", Sarkozy tente de sortir des polémiques du moment. Le Monarque ne travaille pas, il annonce. Pire, il donne des leçons et ne craint pas les comparaisons internationales hasardeuses: «Je me prends à imaginer qu'il pourrait se passer en France cette chose extraordinaire qu'on observe actuellement aux Etats-Unis, avec cette sénatrice républicaine qui vient de voter avec le camp démocrate la réforme du système de santé voulue par le président Obama. Pour justifier son vote, cette femme a eu cette formule : ‘Quand l'histoire appelle, l'histoire appelle'. C'est une belle formule».
Vous avez bien lu. Aux Etats-Unis, Barack Obama tente de faire voter une assurance maladie auprès d'un Congrès qui ne lui doit rien. En France, Nicolas Sarkozy fait un toilettage des collectivités locales au profit du parti majoritaire, qu'il fera voter par une majorité-godillots à l'Assemblée. Quelle comparaison !
Post-Scriptum: Mercredi, on apprenait aussi du Canard Enchaîné que le fiston Jean Sarkozy avait "négocié" un traitement de faveur auprès de France 3 (rude négociation), pour son entretien télévisé de la semaine passée : Le Prince Jean et son conseiller en communication Christophe Lambert se auraient préparé les questions et les réponses avec le journaliste, Jean-Jacques Cros, chargé de l'interroger. Ce dernier a nié.
Le redécoupage passe mal...
par politistution