La proposition de Didier Migaud (PS) d’instaurer une taxe spéciale de 10% sur les bénéfices des banques, soutenues par l’Etat pendant la crise financière, place le gouvernement au pied du mur. Par la voix du Chef de l’Etat, la France au niveau international n’a cessé de réclamer une régulation du système financier international. Pourtant quand il s’agit de passer à l’acte le gouvernement, à l’image de Christine Lagarde, crie au loup.
A l’occasion de l’examen du budget 2010, les députés de la Commission des Finances souhaitent ajouter un projet de taxe additionnelle sur les banques, revenant à relever de 10% l’imposition de leurs profits.
Logique pour beaucoup sauf pour le gouvernement qui par la voix de la ministre des finances qualifie la proposition de “populiste”. Selon Christine Lagarde, il n’est “pas question de prendre une mesure (…) qui plomberait le système bancaire français“. La ministre propose à la place que les banques participent au financement d’un nouvel organisme chargé de la surveillance du système bancaire.
La différence de vue est notable. Un monde plus qu’une simple divergence entre ceux qui jugent sévèrement les superprofits des banques et ceux qui, comme Christine Lagarde, proposent simplement que les banques versent une contribution pour financer leur supervision.
Actuellement, la régulation bancaire est assurée par la Commission bancaire, dont le budget provient de la Banque de France. Cette mission doit être prochainement confiée à une Autorité de contrôle née de la fusion de la Commission bancaire et de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (Acam).
Les enjeux financiers selon l’objectif assigné sont aux antipodes. 0,15% s’il s’agit de pourvoir aux frais de gestion. 10% en cas de super taxe. L’argument avancé par le gouvernement pour rejeter cette idée de supertaxe est des plus classiques et reprend celle de la Fédération des banques françaises elle-même : “si cette disposition était adoptée, elle réduirait la compétitivité des banques françaises et de la Place financière de Paris, affaiblissant leur capacité à investir et à financer les entreprises et les particuliers, au moment où ils en ont le plus besoin.”
“Pas question” pour la ministre de prendre une mesure frappant le système bancaire française qui, selon elle, s’est bien comporté pendant la crise.
La bonne question pourtant est celle qui débute un article du Monde. “Les banques ont-elles poussé le bouchon un peu trop loin ? A force d’annoncer des profits trimestriels record, un an seulement après avoir été sauvées de la faillite par des aides d’Etat, à force de claironner qu’elles mettent de côté des dizaines de milliards de dollars et d’euros pour verser des bonus à leurs traders, elles finissent par mettre à mal la patience des gouvernements.”
Difficile de faire comme si de rien était. Sur la base d’arguments à la fois moraux et financiers, plusieurs pays d’Europe ont décidé de faire payer les banques pour la crise qu’elles ont provoquée.
Même en Grande-Bretagne, le gouvernement s’apprêterait à lancer un super-impôt sur les bénéfices des banques. Retrouvant des accents travailliste, Gordon Brown a affirmé, qu’il était “déterminé à mettre un terme aux pratiques bancaires imprudentes“, promettant que son gouvernement prendrait “des actions d’ampleur pour réformer l’ensemble de la culture du secteur financier“. La faute à l’insolente santé financière des banques anglaises illustrée par la Royal Bank of Scotland, sauvée in extremis de la faillite en octobre 2008 et nationalisée à 70 %, qui selon le Sunday Times, prévoirait de verser 4,39 milliards d’euros de bonus aux salariés de sa banque d’investissement.
Le débat a au moins le mérite de préciser la position de tout un chacun. Ainsi Jean-François Copé, candidat déclaré pour 2017 s’est élevé contre une idée qualifiée de “démagogique”.
Certains députés UMP, tel Hervé Mariton, estiment pourtant que cette surtaxe sur les profits des banques serait “le juste prix de la garantie apportée par l’État” durant la crise. L’ouverture de Nicolas Sarkozy prend décidément les allures de grand écart au sein de la majorité UMP.
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