Interview : Xuly Bët, créateur de mode

Publié le 19 octobre 2009 par Doukyo

- Comment est venue l'idée ce projet avec les hypermarchés E.Leclerc ?

-La première collection a été lancée à l'automne 2008. Leclerc est tout simplement venu à ma rencontre et comme j'aimais leur état d'esprit, j'ai accepté. Je me trouve proche de leurs préoccupations sociales, écologiques, c'est rare dans la grande distribution qui est très critiquée.

-Qu'est-ce qui a motivé ce projet ?

-Ce qui m'a plu avec Leclerc c'est le fait de pouvoir toucher un public beaucoup plus large. La marque Xuly Bët marche bien mais nous avons une distribution confidentielle. Aussi, c'était une occasion énorme pour nous. Grâce à eux, nous avons accès à une filière à laquelle nous ne pouvons pas prétendre, avec une logistique huilée qui fait de gros volumes.

-C'est-à-dire ?

-Concrètement Xuly Bët for Love se sont 80 000 pièces vendues. Et puis il y a un vrai suivi. Ce n'est pas un one shot, nous en sommes à la troisième saison cet hiver. Et puis nous utilisons du coton bio et équitable qui vient du Mali (certifié Max Havelaar). C'est important pour moi qui vient de là-bas. Cela permet d'aider des producteurs locaux, de financer des projets.

-Et avant cela, vous étiez déjà "engagé" ?

-J'ai toujours eu une approche "démocratique" dans mes projets aussi bien en mode, qu'en musique ou dans les expos que j'organise. Et quand j'ai commencé à faire de la mode en 1991, le recyclage s'est plus imposé comme un moyen de parvenir à faire une collection que comme une finalité. En Afrique, le recyclage est quotidien, c'est dans ma culture. Avec ma mode, je voulais redonner une autre âme au vêtement.

  

-Parlez-nous de la marque Xuly Bët ?

 Tout d'abord, Xuly Bët n'est pas mon nom. En sénégalais, cela signifie "ouvre grand les yeux". J'aimerai que les gens prennent pleine conscience de leurs actes, qu'il y ait plus d'implications. Après, j'ai choisi d'utiliser du fil rouge qui vient rehausser toutes les coutures de mes créations. Je le vois comme un élément fédérateur de mes créations, une sorte de base commune comme la couleur du sang. Pour les tissus, j'utilise donc beaucoup de stocks de vêtements et de tissus que je récupère, que j'achète. Tout est redécoupé, recintré, retravaillé. Tout est fait ici, dans notre atelier aux portes de Paris.

-On peut dire que vous avez été précurseur sur le sujet du recyclage. Vous en pensez quoi ?

-Disons que le vocabulaire a évolué. Aujourd'hui on parle de vintage, de recyclage, de customisation... Je pense que j'ai planté des graines, j'ai bousculé les codes de la mode à mes débuts. Je dirai que j'ai voulu avoir une approche humble.

-Et la marque vit bien aujourd'hui ?

-C'est difficile, nous sommes une petite structure. Moi-même j'aimerai utiliser plus de textiles africains dans mes collections, plus de matières bio. Mais cela coûte cher. D'ailleurs, je lance un appel, nous cherchons un partenaire financier : "on cherche du blé !".