Nous pensions ne jamais revoir Philippe Conticini à la tête d’une pâtisserie. Ce talentueux pâtissier passé par le restaurant La Table d’Anvers puis Petrossian et la Maison Peltier, avait bifurqué vers le conseil, la recherche et le développement. Aujourd’hui, il revient sur le devant de la scène pour le plus grand bonheur de ses fans.
Dans l’ombre…
Après les classiques phases d’apprentissage passées chez des grands noms de la cuisine française, Philippe Conticini commence à faire parler de lui à la fin des années 80, au restaurant La Table d’Anvers (9e) où il occupe le poste de pâtissier pendant que son frère gère le salé. L’aventure durera plus de dix ans et ce duo placera cette table dans le peloton des adresses les plus innovantes de la capitale. Sans dénigrer le travail de son frère, il faut reconnaître que les pâtisseries de Philippe plaisaient au plus grand nombre. Au milieu des années 90, il est considéré comme un avant-gardiste. Touche-à-tout, il passe le plus clair de son temps à chercher, à tester, à faire et à défaire ses recettes. Il ose tout comme paner de la ganache dans de l’œuf puis la rouler dans de la chapelure avant de la frire pour au final obtenir, un peu par hasard, des croquettes au chocolat de légende. Il n’a pas trente ans et déjà un talent reconnu.
…et dans la lumière
Au début des années 2000, on le retrouve chez Petrossian (7e). Au départ, son rôle était de composer la carte des desserts. Au final, il se retrouve en cuisine avec un poste de chef sautillant allègrement du sucré au salé et décrochant au passage une étoile Michelin. L’équipe en place étant à la hauteur de ses attentes, il file à New-York ouvrir une pâtisserie. Le succès est immédiat. Tous les médias américains reconnaissent qu’un petit génie vient de poser ses valises et les couvertures des magazines les plus tendances s’accumulent. Son retour à Paris à la tête de la mythique Maison Peltier est salué par tous les amoureux de son travail. Seulement, parfois les points de vue diffèrent et Philippe jette l’éponge pour se consacrer au conseil. A la tête de l’équipe de France de pâtisserie, il la propulse sur la plus haute marche du podium de la Coupe du Monde en 2003 tout en poursuivant ses recherches dans son laboratoire où il trouve également le temps d’écrire des ouvrages dont le fameux « Tentations » paru chez Marabout en 2004 et de tourner des programmes courts pour la télévision. Avant de revenir au premier plan en septembre dernier, Philippe s’envole pour le Portugal où il conseille un hôtel de luxe, La Quinta de Romaneira. C’est là-bas que l’un des propriétaires va le convaincre que l’heure est venue d’ouvrir un point de vente à Paris. Ce sera la Pâtisserie des Rêves, la pâtisserie de ses rêves, la pâtisserie de nos rêves.
Des desserts qui parlent à notre cœur
Bien que sa boutique regorge de Saint-Honoré, de tartes au citron, de moka, de tartes Tatin ou de millefeuilles, Philippe Conticini reste un avant-gardiste. Sa carrière est jalonnée de périodes. A chaque changement d’enseigne, changement de style avec parfois l’incompréhension de ses clients qui ont par le passé, eu un peu de mal à comprendre son positionnement. Il avoue bien volontiers que de temps à autre son travail n’était pas très lisible. Et même s’il fit partie de cette génération de pâtissiers qui décida qu’il était temps d’épurer les desserts en leur enlevant leurs décors excessifs, ses créations restaient parfois un peu trop alambiquées. Aujourd’hui, il joue sur la corde de la sensibilité. Celle de la nostalgie de notre enfance quand dans une pâtisserie, nous n’hésitions pas une seule seconde entre une mousse au cassis et un Paris-Brest. Philippe Conticini propose des desserts qui lui ressemblent, généreux, efficaces, gourmands. Nous pourrions trouver ces propositions faciles mais à y regarder de plus près, ces grands classiques de la pâtisserie française ont été revus et corrigés façon 21e siècle. En premier lieu, la présentation. La Pâtisserie des Rêves révolutionne le genre en évitant la profusion et les vitrines débordantes. Les gâteaux sont présentés sous cloche comme un écrin de gourmandise que l’on touche seulement avec les yeux. Au centre de la boutique, un meuble rond autour duquel les gourmets tournent, cherchant du regard le gâteau qui va parler à leur cœur et à leurs papilles. En second lieu, tous les gâteaux ressemblent à ceux de notre imaginaire mais à la dégustation, on sent que quelque chose a évolué, que Philippe Conticini a passé des mois à retravailler ses classiques. Pour le Saint-Honoré, le feuilletage est cuit à part pour qu’il garde tout son croustillant. Dans les rondeurs de la crème pralinée du Paris-Brest, vient s’immiscer du praliné pur coulant. De son côté, l’éclair au chocolat est niché dans une coque qui craque et que l’on croque. Enfin, la tarte citron. Il faut la goûter pour comprendre qu’elle n’est pas tout à fait comme les autres. Le secret ? Un confit de citron acidulé qui se glisse entre la pâte et la crème. C’est simple, tout bonnement délicieux mais surtout, chaque dessert a ce pouvoir de vous rendre accro. Quand vous aurez goûté au Paris-Brest, les autres vous paraîtront sans âme et vous n’aurez qu’une envie, revenir au plus vite rue du Bac pour retrouver son goût.
La Pâtisserie des Rêves
93, rue du Bac. 7e.
Tel. : 01 42 84 00 82.
www.lapatisseriedesreves.com
A lire :
« Original Spéculoos » par Philippe Conticini et Jean-François Mallet aux éditions Agnès Viénot. 29 €.
« Sensations » par Philippe Conticini aux éditions Minerva. 45 €.