Comment ? Barack Obama est élu et les vieux démons, les vieilles histoires de l’Amérique partent en fumée ?
C’était un hoax, comme on dit sur le web.
J’en avais déjà parlé ici.
Avec le débat sur la réforme du système de santé américain, c’est sur ses origines qu’est attaqué le président américain. Le racisme,
qui n’a jamais disparu (mais par quelle magie aurait-il donc pu disparaître), fait son retour d’une manière agressive : Obama est représenté grimé en sorcier africain, revêtu d’une fourrure
de singe pour dévorer une banane… Un sondage sur Facebook pose la question : « faut-il tuer Obama ? ».
Il pourrait ne s’agir que de péripéties de l’histoire si ces attaques n’étaient le fruit que de quelques excités retranchés derrière l’anonymat (relatif) du web.
Mais elles émanent également de grands noms de l’ultra-droite, ouvertement, sur les grandes ondes. Même si aux Etats-Unis, la liberté de pensée et de
s’exprimer est une valeur fondamentale, entendre un Rush Limbaugh dire que « Obama est un Noir qui cherche la bagarre » », et Glenn Beck, animateur de la chaîne de télé Fox
vociférer contre « un type qui a une profonde haine pour les Blancs, un raciste » (c’est d’Obama dont il parle) a quelque chose de choquant.
Et c’est justement parce que Barack Obama est déjà accusé depuis plusieurs mois par les mêmes extrémistes de vouloir s’en prendre aux valeurs de l’Amérique qu’une tactique trop
ouvertement offensive de sa part est impossible. Sous peine de donner de lui-même des éléments qui pourraient nourrir les histoires racontées par ses adversaires.
Certains courants conservateurs racontent même que de toute manière Barack Obama usurpe le titre le chef de l’Etat américain, car il ne serait pas américain. Sur CNN, un animateur a même exigé
que le président montre devant tout le monde les papiers prouvant qu’il est bien américain !
Comment Barack Obama peut-il agir ?
Son positionnement de président rend une posture d’apaisement raisonnable (et c’est ce qu’il fait). Son appel à la courtoisie et à la politesse surfe entre ces limites et la manifestation de la
puissance qu’il incarne et veut tout de même raconter. L’équilibre n’est pas évident.
Mais il ne peut pas faire grand-chose de plus, il est comme coincé quand il s’agirait, tout de même, de prendre la parole, de raconter
une contre-histoire. Donc ce ne peut être que quelqu’un d’autre… Quelqu’un qui aurait une légitimité, un charisme, une aura, pour raconter cette contre-histoire, et qui, bien-sûr, serait
Blanc.
L’ancien président Jimmy Carter tente de porter ce message. Il est intervenu pour accuser à son tour de racisme les accusateurs. En se positionnant comme homme du sud dans USA,
il a pointé les progrès dans la voie de la tolérance, mais pointé également le sentiment toujours fort répandu selon lequel des hommes et des femmes de couleur ne seraient pas qualifiés pour
gérer le pays.
Une intervention qui aura toutefois une portée limitée : les Républicains ont brandi leur atout maître : Michael Steele, le président du parti Républicain, noir lui
aussi. Ce dernier a dénoncé une manœuvre de diversion de la part des Démocrates.
Finalement, alors que tout le monde avait salué la naissance d’une nouvelle histoire américaine avec l’élection de Barack Obama, les observateurs se sont trompés sur la nature de cette
histoire. Les Américains n’ont pas tant voté pour un candidat afro-américain que pour une histoire d’ascension sociale traditionnelle à l’américaine. Le « Yes we can » n’a pas
de couleur, un candidat blanc aurait pu l’utiliser, avec un autre contenu.
Il y avait aussi un besoin d’espoir né de la crise alors naissante, et quoi de mieux que l’histoire obamienne comme symbole ! Mais ce n’est pas
pour sa couleur que Barack Obama a été élu, c’est pour ce qu’il a réussi à faire de sa vie en dépit des handicaps dont il souffrait (la couleur de peau en était d’ailleurs un). C’est une nuance
de taille.
Il faut plus qu’une élection pour changer une histoire.
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