3 questions à ...
Philippe Desbrosses
Docteur en Sciences de l’environnement (Université Paris VII) et écrivain, pionnier de l’Agriculture Biologique en Europe
« Inventer une agriculture solaire »
Pouvez-vous nous rappeler les principes d’une agriculture bio ?
L'agriculture biologique est une agriculture qui n'utilise pas de
produits chimiques de synthèse (engrais ou pesticides). Elle est fondée
sur la rotation des cultures, le "lien au sol" pour les animaux,
nourris sur place. Sa fertilisation à base organo-minérale recycle les
déchets naturels par le compostage. Nous pouvons dire que c'est une
agriculture durable, autonome, économe et non-polluante, respectant les
grands équilibres des écosystèmes, dont la biodiversité. C'est une
agriculture socialement responsable et la seule à être contrôlée et
certifiée. L’agriculture biologique est en opposition aux pratiques
agricoles intensives, consommatrices en pétrole. Plutôt que d’utiliser
cette matière première qui dégrade notre environnement, nous devons
utiliser l’énergie provenant du soleil et inventer une agriculture
solaire.
Y-a-t-il des freins qui empêchent l’agriculture bio de se généraliser ?
Oui, on le devine... Elle est combattue depuis son avènement par les
lobbies de la pétrochimie et de l'industrie lourde qui pèsent d'un
poids déterminant sur les décisions de la politique agricole. Il faut
d’une part revoir le statut de la propriété privée pour les paysans. Il
est essentiel de leur donner de nouveaux codes d’accès aux terres, au
foncier. D’autre part, il faut revoir l’agronomie moderne, et notamment
la formation des futurs agriculteurs et ingénieurs agronomes qui est
fondamentale pour changer les pratiques.
Certains
scientifiques affirment que l’alimentation bio ne serait pas meilleure
pour la santé, d’autres personnes fustigent le prix des aliments bio.
Que leur répondez-vous ? Si la santé des êtres
humains peut s'accommoder aux résidus de pesticides, de nitrates et
autres métaux lourds, cette croyance pourrait se justifier. Mais ce
n'est pas le cas et l'explosion des maladies modernes de dégénérescence
est là pour nous le rappeler. Quant au prix, il faut savoir de quoi on
parle. L'agriculture intensive est moins chère en apparence, car ce
sont les contribuables qui compensent le prix faible à l'étal du
marchand. Si les subventions qui représentent 60 à 80% du revenu
agricole étaient supprimées, les produits de l'agriculture intensive
seraient quatre fois plus chers, sans parler de la pollution des eaux
et de la dégradation des sols et de l'environnement qu'il faudra bien
payer un jour !
Propos recueillis par Julien Marié, IDEAL Connaissances
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