Décidément, cette droite-là ne recule devant rien, et sûrement pas devant les libertés fondamentales. Alors qu’une formidable mobilisation avait permis l’abandon du fichier Edvige, voilà que le gouvernement crée deux nouveaux fichiers (le 16 octobre dernier, jour de la « Sainte Edwige ») par décrets en court-circuitant le Parlement.
Suite au rapport commun des députés Delphine Batho (PS) et Jacques Alain Benisti (UMP), un accord avait pourtant été trouvé avec le gouvernement pour que toute nouvelle catégorie de fichier ne puisse être créée que par la loi. Le parlementaire UMP a rappelé avec raison que « l’initiative du gouvernement constitu[ait] une profonde atteinte au travail parlementaire et au climat de confiance qui s’était instauré d’abord entre deux députés de sensibilité différente et ensuite avec l’ensemble des associations, dont la Ligue des droits de l’Homme ».
Si dans ces nouveaux fichiers, il n’est plus question de collecter les données les plus « sensibles » – santé, vie sexuelle, « origines raciales ou ethniques » -, une partie de l’héritage demeure avec le fichage de « l’origine géographique » des personnes soupçonnées de pouvoir porter atteinte à la sécurité publique. Une innovation juridique fortement controversée, et avec raison. De quoi parle-t-on? D’une origine ethnique? Du quartier d’où l’on vient? En outre, l’âge de 13 ans, à partir duquel un enfant pourra être inscrit sur de telles bases de données, ne laisse pas non plus d’inquiéter.
Rappelons que ce qui sème le plus le trouble aujourd’hui, c’est que les technologies informatiques facilitent les croisements et les recoupements : une volonté politique de monter des cloisons étanches entre fichiers pourrait être annulée ou contournée par une autre volonté. D’ailleurs, en l’espèce, y-a-t-il vraiment volonté de cloisonnement? Les citoyens doivent clairement signifier qu’ils ne sont pas prêts à tout sacrifier à l’illusion sécuritaire.
« Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre » disait Thomas Jefferson.
Jean-Louis Bianco & Nicolas Cadène