Forcément conceptuel, -cette pochette folle- Wayne Coyne n’hésite plus et cite volontiers le mathématicien allemand Thorsten Wörmann. Selon lui, l’univers n’a pas de sens. D’où un sentiment de chaos ("Aquarius sabotage"), de douleur, de résignation. Lui et sa bande s’en sont allés et se sont remis aux jams krautrock des tous débuts. Finie la power pop, au placard les mélodies, rentrez-chez vous les ballades. Tout juste "Evil" rappelle un peu les flottements cinématographiques de "Do you realize", tel un interlude de douceur, de courte durée.
Faisant preuve d’une richesse musicale incontestable, le groupe d’ Oklahoma est à la fois génial et frustrant. Ecoutez le break tout en orgue à mi-parcours sur l’ultra torturée "Sea the leaves" et prenez-en de la graine. Et ce ne sont pas les apparitions surmédiatisées, inutiles et surtout indétectables de Karen O et MGMT qui y changent quelque chose, mais plutôt un retour à la grosse basse saturée ("Worm mountains"), aux guitares incisives, aux synthés abrasifs et surtout à une utilisation parcimonieuse des vocals. Il y en a en effet très peu sur ce qui s’apparente désormais à du space rock progressif. Prenez par exemple le revirement aérien de "Gemini Syringes" et ne me dîtes pas que vous n’y entendez pas le Pink Floyd. Et c’est assez rare pour le souligner tant le disque manque d’influences (un atout ?), même si l’on parle du Miles Davis Group ici ou là. Certains se sont laissés aller à évoquer la comparaison de "Chemical Brothers sous anti dépresseurs", pourquoi pas. La faute sans doute à un tempo qui traîne ("Your bats") et à une sensation d’étouffement, de claustrophobie.
Au milieu de tout ça, perdu entre ces 18 titres de freak’s vibe, se trouve le morceau le plus long de l’album, "Powerless", longue montée sinistre et éprouvante rappelant les premiers tics lipsiens. Wayne Coyne y maltraite sa guitare pour mieux vous laisser sur le carreau. "Convinced of the ex", titre inaugural de creepy kraut rock à la basse hypnotique est déjà loin derrière, tout comme "The sparrow looks up at the machine" qui lui emboîte le pas. Et on en revient à l’éternel problème des doubles albums : il y a tant à dire. En effet, quatre voir cinq des plus gros morceaux sont encore à venir. A commencer par le dépouillé "I can be a frog". Magistral pour certain, inutiles pour d’autres. Je vous parlais des Pink Floyd, et c’est bien d’eux dont il est encore question sur l’anthologique "Sagittarius silver announcement". Les harmonies vocales du Piper at the gates of down sont évidentes. Le Floyd dont Wayne Coyne envisage d’ailleurs de réenregistrer très prochainement le Dark side of the moon dans son intégralité.
Je vous épargne les descriptions détaillées de "Silver trembling hands", seul et unique possible single (Ahahaha, pardon, c’est nerveux) de l’album ainsi que celle du monumental et intransigeant morceau final, "Watching the planet". A ce stade-là -celui du douzième album studio-, l’on peut définitivement affirmer qu’il ne s’agit plus d’esbrouffe. Les Flaming Lips sont un véritable groupe, qui prend des risques (Embryonic impossible à jouer sur scène?) et qui mérite amplement son 9.0 sur Pitchfork au passage. Est-ce que ce disque se vendra pour autant ? Certainement pas. Pourtant dans un monde parfait, tout le monde devrait écouter ça au casque au moins une fois.
En bref : Le disque le plus étrange, bizarre et organique des Lips à ce jour, c’est dire. Un double monument qui ne se laisse pas apprivoiser facilement, témoin de l’avancée d’un groupe majeur à un tournant important de sa carrière. Indispensable cette année, pour chaque fan et chaque détracteur.
Le site officiel
L’album en streaming
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"See the heaves", à écouter au moins jusqu’au revirement à 2’25", le plus léger et anecdotique "I can be a frog" et le "single" "Silver trembling hands" :