Mona Lisa dans tous ses états

Publié le 14 août 2009 par Blogcoolstuff

On apprenait mardi que, le 02 août dernier, une citoyenne russe avait sauvagement attaqué l'une des plus fameuses toiles de l'histoire de l'art, la Mona Lisa de Léonard de Vinci, en lui lançant un mug au visage. L'histoire ne dit pas si la dite tasse à café était de celles qui, arborant fièrement une reproduction du chef d'oeuvre, peuvent être achetées à la boutique du Louvre pour quelques euros... On retiendra seulement que, protégée par une vitrine blindée depuis une précédente agression en 1956, Mona Lisa est sortie indemne de cet attentat.
Faut-il être fou pour s'en prendre à la Joconde ? C'est visiblement la conclusion, peut-être un peu hâtive, à laquelle sont parvenues les forces de l'ordre qui se sont empressées de conduire la Mona-phobique à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police...
Ce qui ne fait par contre aucun doute, c'est qu'il existe bien d'autres manières de se confronter au visage aussi fascinant qu'agaçant de Mona Lisa. Notamment en le détournant, en le personnalisant, en le décontextualisant... L'histoire de l'art de manque pas d'exemples de ce type de "reprises" de l'oeuvre de Léonard de Vinci. Les plus grands s'y sont en effet frottés avec plus ou moins de succès : Duchamp, Botero, Magritte, Dali et bien d'autres encore.
A la manière d'un précédent billet consacré à la vague d'Hokusaï (lequel, à ma grande surprise, demeure l'un des articles les plus lus de ce blog alors même qu'il date de plus de 6 mois), je me propose ici de recenser en images les différentes appropriations de la Joconde en matière d'art urbain. Où l'on va voir que le street art semble être au moins aussi sensible aux charmes de Mona que les Beaux Arts...
A tout seigneur tout honneur, Jean-Michel Basquiat quitte la rue (et se sépare de son blaze Samo) pour les galeries au tout début des années 80. C'est en 1983 qu'il donne sa version de Mona Lisa transformée sous son pinceau en personnage illustre de billet de banque "légal dans tous les débits publics et privés".

Plus près de nous il faut d'emblée évoquer l'exposition collective "La Joconde revisitée" organisée par le Studio 55 en septembre 2008 et qui réunissait la fine fleur du street art hexagonal parmi laquelle André, Jef Aérosol, Jean Faucheur, Nasty, Zevs, j'en passe et des meilleurs (qui a dit "c'est pas difficile !" ?).

Slide-show de Sébastien Mounie
D'une manière générale et à en croire le strict relevé mathématique des créations existantes, l'esthétique du graffiti semble moins propice que celle du stencil à l'appropriation de l'oeuvre de De Vinci. Ou alors ce déséquilibre entre le nombre de Monas graffées et celui de Lisa pochoirisées serait-il significatif de deux cultures réellement distinctes ayant chacune des références différentes ? Puisque, si c'est bien le lieu, ce n'est certes pas le moment pour soulever cette question ô combien délicate, je me contenterais d'observer qu'on ne trouve que de rares exemples de fresques murales à main levée faisant directement référence à la Joconde.

Les stencils s'inspirant plus ou moins librement de la Joconde sont eux beaucoup plus nombreux. Pour commencer attardons nous sur les artistes qui font le choix de demeurer fidèles à leur modèle (en l'occurrence une toile ayant eu elle-même pour modèle une certaine Mona Lisa del Giocondo). Pour ceux là, le stencil portrait de Mona Lisa ne répond pas tant à une envie de s'approprier l'oeuvre de Léonard de Vinci, encore moins de la détourner, qu'au désir de la décontextualiser. Le simple fait de reproduire dans la rue, même de manière schématique, cette oeuvre internationalement connue et généralement considérée comme étant l'un des principaux chefs d'oeuvre de la culture universelle, suffit à faire sens : apposer la Joconde sur une poubelle ou sur une façade délaissée, c'est d'emblée faire descendre l'art dans la rue...
par Inspected Inspector
"Mona's Garden" de Gary Reff
"Moon Goddess Mona" de Gary Reff
"Mona (Present, past and future)" de Gary Reff
A la différence des précédents, Eye D, bien que faisant lui aussi le choix de la fidélité au modèle, ne se prive pourtant pas d'intervenir directement sur l'oeuvre. En se mettant lui-même en scène en train de peindre la Joconde dans la rue, il s'inscrit cependant bel et bien dans la logique évoquée plus haut - celle postulant que reproduire telle quelle la Joconde dans la rue c'est déjà, nécessairement, faire oeuvre de street art au sens fort du terme -, s'appliquant même par ce biais à en souligner la signification au risque de donner dans le didactisme.
par Eye D
Avant de passer aux artistes qui, eux, font le choix de se libérer plus ou moins partiellement de leur prestigieux modèle, signalons l'existence de ce pochoir mesurant pas moins de 40 pieds sur 60 et réalisé sur une parcelle de terre par un paysan de l'Orégon. Il aura fallu pas moins de 25 heures à Samuel Clemens pour installer son pochoir et imprimer, à l'aide d'eau pigmentée susceptible de tenir sur la végétation sans la détruire, cette Mona Lisa king size sur son terrain.

Passons maintenant en revue les pochoiristes qui, prenant l'oeuvre de De Vinci pour modèle, ne se contentent pourtant pas de la reproduire mais se proposent au contraire de lui adjoindre de nouveaux éléments graphiques, de la détourner, de la parodier ou encore de la déformer en vue de lui faire dire tout autre chose que le simple plaisir d'être mère (ce qui, rappelons le, serait le véritable thème de la Joconde).
Avec Dolk, par exemple, Mona Lisa devient une artiste de rue venant se substituer aux Beaux Arts, en l'occurrence à elle-même... Jolie mise en abîme qui fît également l'objet d'un print.
par Dolk
C'est un message plus directement politique que voulait faire passer l'italien Raffo quand il décida de peindre cette Mona Lisa sur fond d'ordures et de l'exposer dans les rues de Naples. La corruption ayant alors atteint des sommets, les ordures de la ville - dont le traitement avait été cédé à la mafia par les politiques locaux - n'étaient plus ramassées depuis plusieurs semaines...

De manière certes moins grave mais tout aussi subversive, certains, à l'instar de Nick Walker , aiment à imaginer (et à dévoiler !) les charmes jusque là cachés de la Joconde.
par Nick Walker

D'autres au contraire la voilent, au sens propre comme au sens figuré, lui faisant ainsi tenir, au choix, un discours sur l'aliénation féminine, sur la censure ou encore sur la course aux profits qui ne semble connaître aucune limite.
Anonyme
Par Dotmasters
Autre version par Dotmasters
par BBW
A sa façon somme toute assez directe, Mihau lui permet quant à lui de répondre aux censeurs de tout poil, aussi prompt à voiler les filles qu'à censurer les arts, à plus forte raison quand ils s'exposent dans la rue.
par Mihau
Enfin, pour rester dans la thématique politique et dans le cas où certains n'auraient pas encore compris que la Joconde pouvait devenir une véritable figure de propagande, Frz et A1one n'hésitent pas à enfoncer le clou...
par Frz
par A1one

La Joconde porte-drapeau, tel n'est pas le propos de certains pochoiristes qui, à la manière d'élèves caricaturant leur prof sur un coin de table, s'amusent innocemment à modifier la physionomie de Mona Lisa : tête de mort, tête chat, tête de Woody Wood Pecker ... tête de je ne sais quoi !

D'autres encore la représentent sous les traits d'une véritable B-Girl fan de Run DMC et de Public Enemy.
Anonyme
par Bertrand
Enfin, nombre d'artistes prennent le parti d'adjoindre à Madame Lisa tel ou tel objet plus ou moins innocent.
Anonyme
Anonyme
Par Kriebel
par Bertrand
Assez étrangement, la bouteille revient de manière récurrente dans la main de la Joconde.
par Alko

Plus étrangement encore, les street artistes - au premier rang desquels Banksy qui ne se lasse pas de détourner le chef d'oeuvre de Léonard de Vinci - s'amusent régulièrement à lui faire tenir des armes à feu, transformant ainsi cette paisible mère de famille nombreuse en terroriste ou en adepte de la légitime défense.
Anonyme
les 4 derniers portraits par Banksy

A la différence d'un véritable article, une recension comme celle-ci se passe aisément de conclusion. On se contentera donc d'utiliser ce portrait de Mona Lisa façon rubikcubism en guise de points de suspension.
par Invader
NB : dans le mesure du possible j'ai légendé les images avec le nom des artistes. Comme on peut s'en apercevoir de très nombreuses lacunes demeurent. Si vous croyez reconnaître la création d'un artiste non cité, merci de me le faire savoir. En outre, j'ai volontairement omis de mettre les noms des photographes des images postées, la tâche eut été impossible et elle aussi nécessairement incomplète. Cependant si l'une de vos photos est ici utilisée et si vous désirez qu'elle soit créditée, inutile de gueuler, il suffit de le demander. Enfin, si vous avez d'autres images de créations qui selon vous mériteraient de rejoindre cette recension, je suis preneur !