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Jean-Yves Lalanne est convoqué au tribunal le 1er octobre prochain pour rendre compte d'un graffiti réalisé sur la commune de Billère (Pyrénées-Atlantiques). Jusque là rien que de très ordinaire me direz-vous.
Sauf que Jean-Yves n'est pas un jeune désoeuvré à capuche, mais le maire de Billère en personne. Et que c'est le Préfet lui-même qui a pris l'initiative de l'envoyer devant le Tribunal Administratif.
Non pas que Jean-Yves aie peint lui même le graffiti controversé mais simplement parce qu'il s'est rendu coupable d'en avoir passé commande à des graffeurs locaux sans prendre la peine de consulter au préalable son conseil municipal. Etrange non?
En vérité pas tant que cela. Ce qui est reproché au maire de Billère ce n'est pas tant le graffiti lui-même que son contenu et sa fonction. Conçu comme un mémorial, la fresque a été peinte pour que ne soient pas oubliés 15 jeunes habitants de la région récemment expulsés du "territoire national", comme on dit quand on veut faire passer un choix éminemment politique pour une simple mesure administrative. On y voit deux mains serrées et puis les mots "Liberté, Egalité, Fraternité" accompagnés de ceux d'"Asile", de "Terre d'accueil" et aussi de "Honte", manière de rappeler que c'est une chose d'écrire de doux mots sur le fronton des mairies et que ça en est une autre de se battre pour leur donner sens.
Déjà, lors de l'inauguration officielle du mur le 05 septembre dernier, un groupuscule d'extrême droite - le Bloc Identitaire Aquitaine - avait pris la peine de venir foutre sa zone sur place. Puis le graffiti avait été partiellement recouvert de gribouillis aussi subtiles que "les immigrés dehors". C'est maintenant au tour du Préfet de s'élever contre ce graff qui se contente pourtant de mettre en perspective la devise de la République qu'il est censé représenter. Voilà qui en dit long sur l'état actuel de la dite République comme sur l'état d'esprit de ceux qui ont pour fonction de l'administrer...
On se réjouira toutefois que pour le coup c'est donc bel et bien le propos d'un graffiti et non sa simple existence qui pose problème. Il y aurait certes encore plus matière à se réjouir si la plupart des graffeurs n'attendaient pas qu'une institution leur passe commande pour faire valoir au travers de leur oeuvre autre chose que leur propre ego, mais enfin, pour une fois que leur travail semble être pris au sérieux, ne boudons pas notre plaisir !