Le choix du plan général de l’Exposition universelle de Paris, 1889
Plan général définitif. Dispositions adoptées. — Quelles conditions ce plan devait-il remplir. Un des projets primés y satisfaisait-il?
Il convenait, pour s’en rendre compte, de remonter aux raisons mêmes qui avaient fait décider l’organisation de l’Exposition. On voulait fêter le Centenaire de 1789, mais la grandeur du but à atteindre imposait aux organisateurs une lourde charge. Il fallait que l’oeuvre produite fut en rapport avec le résultat à obtenir; il fallait que l’Exposition à créer fût non seulement cligne de ses devancières, mais encore plus importante et plus belle, s’il était possible, afin de bien montrer qu’aucune manifestation aussi complète de la puissance, de l’énergie et de l’activité industrielle et commerciale d’un peuple ne s’était encore produite.
La nécessité de faire grand, mais grand sans froideur, sans sécheresse, s’imposait donc absolument : dans les lignes générales, la conception devait être assez souple pour allier une certaine gaîté de forme et d’impression à la majestueuse ordonnance des dispositions d’ensemble.
Il y avait lieu, en outre, d’éviter que l’Exposition de 1889 ne fût la répétition plus ou moins corrigée de ses devancières, qui étaient des oeuvres remarquables sous bien des rapports. Elle devait être autre chose et quelque chose de mieux. Tel était le problème posé. Faire grand, plus grand que par le passé, n’était pas chose facile, étant donné le choix de l’emplacement. Si on voulait utiliser toutes les surfaces mises à la disposition de l’administration, on risquait de compromettre la circulation publique, qui voyait englober dans l’enceinte fermée une partie des rues les plus importantes de la rive gauche, assurant la communication du centre de Paris avec les quartiers du Gros-Caillou et de Grenelle.
photo credit: gadl
On put remédier à cet inconvénient en renonçant à occuper les principales voies comprises clans le périmètre assigné, et en faisant communiquer entre elles par des passerelles les différentes parties de l’Exposition séparées par ces voies. On assurait ainsi l’utilisation continue de la surface considérable reconnue nécessaire.
Toutefois, la grandeur de l’étendue même pouvait avoir ses inconvénients ; il y avait à craindre que du nombre considérable d’objets exposés naquît la confusion, la difficulté pour les visiteurs de se reconnaître dans cet ensemble si considérable. On put parer à cette difficulté en affectant des groupes de constructions déterminées à des expositions spéciales, et c’est pour ce motif que les Beaux-Arts, les Arts libéraux, les Machines, l’Agriculture, les Produits alimentaires ont eu leur palais distinct, et qu’on a fait une exposition d’Horticulture complètement séparée dans le parc du Trocadéro. Il eût été impossible d’aller plus loin clans cette division sans enlever tout caractère d’unité à l’oeuvre entreprise et sans être amené, par raison d’économie, à ne plus élever que des hangars, tandis que les dispositions adoptées permettaient encore de donner à chaque édifice un aspect monumental qui ne déparait pas l’ensemble.
En outre, s’il était indispensable qu’un ordre rigoureux présidât à la répartition des espaces et que les agencements permissent de se reconnaître facilement au milieu de ces installations si variées, il n’était pas moins nécessaire que l’Exposition se présentât sous un aspect riant et gai, capable de séduire les visiteurs, et on ne pouvait mieux arriver à ce résultat qu’en donnant une très large place aux jardins. Il était sage enfin de faire la part de l’imprévu et de réserver d’assez grandes surfaces pour les bonnes volontés de la dernière heure. Les nations étrangères se montraient hésitantes au début, les exposants semblaient redouter les dépenses d’installations isolées. Ces dispositions pouvaient se modifier dans la suite: il fallait en conséquence, prévoir que des emplacements seraient nécessaires pour donner satisfaction à des demandes tardives, et les mettre en réserve.
photo credit: Alarzy
Toutes ces considérations suffisent à indiquer qu’aucun des projets primés n’assurait entièrement le résultat poursuivi et à justifier le plan général de l’Exposition, qu’il importe maintenant d’expliquer en détail.
L’effort principal se concentra sur le Champ de Mars, où des espaces entièrement libres laissaient un plus large essor à l’imagination et permettaient de faire preuve de force et d’originalité dans la conception.
A la limite même du Champ de Mars, formant une entrée de dimensions colossales, la Tour Eiffel devait s’élever au milieu du parc. Chacune de ses arcades servirait de cadre aux motifs principaux de décoration de l’Exposition : celles de droite et de gauche aux dômes des palais des Beaux-Arts et des Arts libéraux; celles du milieu, au Dôme central.
Au pied de la Tour, un jardin anglais de dimensions considérables étendrait au loin ses tapis de verdure, ses massifs d’arbustes exotiques, jusqu’au bas des larges terrasses, et pénétrerait jusqu’au centre de l’Exposition, apportant partout la lumière et la vie.
En bordure, sur les avenues de Suffren et de La Bourdonnais, et au delà de l’ancien parc du Champ de Mars, les palais des Beaux-Arts et des Arts libéraux, avec leur décoration de terres cuites et leurs dômes étincelants, devaient encadrer le jardin, comprendre chacun une nef principale et deux bas-côtés à deux étages, donner abri à de nombreux restaurants et offrir aux visiteurs fatigués un repos favori pour écouter la musique des kiosques.
Au fond, et fermant l’horizon devant l’École militaire, l’immense Galerie des Machines, avec sa nef unique au monde de 115 mètres d’ouverture, avec ses bas-côtés à deux étages, occuperait le Champ de Mars dans toute sa largeur.
Enfin, entre ces deux ensembles, les reliant l’un à l’autre, les galeries des Industries diverses, avec le Dôme central formant l’entrée d’honneur, devaient compléter les dispositions adoptées. Rien ne devait être négligé pour donner à ce monde nouveau l’animation qui en ferait un des principaux charmes. Des pavillons nombreux et élégants disséminés clans les espaces réservés du Champ de Mars, le long des avenues de Suffren et de La Bourdonnais, offriraient leurs distractions aux promeneurs. Au pied de la Tour, l’histoire de l’Habitation humaine formerait le plus curieux et le plus instructif des musées en plein air. Le soir, les Fontaines lumineuses constitueraient une des attractions les plus nouvelles offertes à la curiosité d’un public difficile à étonner.
A l’extrémité du Champ de Mars, le bas port de l’île des Cygnes serait couvert de constructions destinées aux Expositions maritimes.
Pour le Trocadéro, l’appropriation était tout indiquée : il s’agissait d’organiser auprès des Musées permanents du Palais une Exposition d’Horticulture d’une richesse et d’une variété exceptionnelles. Le terrain s’y prêtait à merveille : pelouses à perte de vue pour encadrer les corbeilles de fleurs, arbres touffus dont l’ombre garantirait les plantes les plus délicates, larges avenues pour installer des tentes, tout concourrait à faire de l’emplacement choisi un admirable parterre.
Sur le quai d’Orsay, les deux longues avenues d’un kilomètre et demi laissées à la disposition des organisateurs ne pouvaient guère être utilisées qu’au moyen de galeries légères dont la monotonie devait être rompue par la distribution, çà et là, de palais spéciaux d’un caractère distinct. Ainsi, de l’avenue de La Bourdonnais à l’esplanade des Invalides, 27000 mètres seraient concédés aux constructions de l’Agriculture, coupées successivement par les Palais des Produits alimentaires, du Portugal, de l’Espagne. L’esplanade des Invalides était attribuée à une catégorie toute spéciale d’exposants et appelée à être une des parties les plus intéressantes de la future Exposition.
photo credit: geoftheref
L’Algérie, la Tunisie, les Colonies françaises et les pays de protectorat, les colonies néerlandaises donneraient aux visiteurs l’illusion de la réalité sous forme d’édifices d’une originalité charmante.
En face de ces constructions, l’Esplanade, dans sa partie ouest, était affectée aux pavillons des Postes et Télégraphes, du Ministère de la Guerre, de l’Hygiène, de l’Économie sociale, et à la Société de secours aux blessés militaires.
Là finirait l’Exposition : elle ne franchirait pas la Seine à cet endroit. Le Palais de l’Industrie, en dehors des concours temporaires, était réservé aux fêtes.
Contrairement au voeu de la Commission d’études, on avait renoncé à jeter sur la Seine un pont qui, pour ne pas gêner la circulation sur le quai de la Conférence, aurait dû être élevé de 6 mètres au-dessus du parapet des Invalides, et aurait coupé la belle perspective du Trocadéro.
———————————-
Source
Titre : Exposition universelle internationale de 1889 à Paris. Monographie. Palais, jardins, constructions diverses, installations générales, par A. Alphand,… avec le concours de M. Georges Berger,… Publication achevée sous la direction de M. Alfred Picard,… accompagnée d’un atlas de 219 planches. Tome 1
Auteur : Berger, Georges (1834-1910)
Auteur : Alphand, Adolphe (1817-1891)
Éditeur : J. Rothschild (Paris)
Date d’édition : 1892-1895
Contributeur : Exposition internationale (1889 ; Paris). Éditeur scientifique
Sujet : Paris, Exposition, 1889
Type : monographie imprimée
Langue : Français