Entretien avec N. Dupont-Aignan – Le pouvoir a perdu le pouvoir

Publié le 19 octobre 2009 par Vogelsong @Vogelsong

Il reste encore à droite, après la mise au pli Sarkozienne, un mouvement politique républicain, souverainiste et gaulliste. N. Dupont-Aignan fondateur de “Debout la République” a fait sécession en 2007 des cohortes bien alignées de l’UMP. Cet homme ancré à droite s’indigne de la trahison du peuple et dresse un constat peu amène sur le sarkozysme, la gauche laxiste, la construction européenne. Dépositaire de valeurs conservatrices et attaché à la nation, il se présente, malgré de faibles scores, comme un concurrent respectable et une alternative crédible.

Perte de valeurs, trahison du peuple, délocalisation du pouvoir

N. Dupont-Aignan n’est pas avare de critiques, et il en délivre magnanimement à droite comme à gauche. Le diagnostic sur la perte des valeurs est terrible. A droite. Le RPR avait commencé a tourner le dos au Gaullisme, l’UMP a définitivement rompu. La nouvelle stratégie des conservateurs hexagonaux s’oriente plutôt vers le libéralisme économique. La création de “Debout la République” à l’intérieur de la structure n’empêchera pas la marginalisation des idées gaulliennes. Après l’avènement de N. Sarkozy, la page historique (gaulliste) est définitivement tournée. En 2007, la rupture est consommée, “la fondation de l’UMP a soldé ce qui restait de gaullistes au RPR”. C’est donc à l’extérieur du parti hégémonique que s’incarneront les idées du Général selon N. Dupont-Aignan.

La gauche s’est aussi fourvoyée. Elle traîne depuis 20 ans sa trahison populaire, et a perdu toute crédibilité. Elle n’a pas su empêcher la paupérisation des couches peu favorisées, ni s’opposer efficacement au détricotage des services publics. En plus d’être laxiste, le parti socialiste “s’est embourgeoisé“. Loin du peuple, loin de ses bases, le député de l’Essonne croit que “la solution ne viendra pas de cette gauche molle“, en ce sens “le parti de gauche ne s’y est pas trompé“.

Au delà des clivages droite-gauche, ce qui fonde l’exception française est piétinée par la caste oligarchique qui nous gouverne“.Tous les partis de gouvernement ont livré la France aux forces économiques globales. La mondialisation, par le changement d’échelle des forces économiques qu’elle implique est contradictoire avec le maintien de la démocratie au niveau national. Le pouvoir s’est délocalisé, “Bruxelles pour la commission, Luxembourg pour la cour de justice, Francfort pour la BCE, la Chine pour les règles du commerce internationales, les USA pour le dollar“. L’abandon du pouvoir aux intérêts extérieurs qui entraîne des féodalités intérieures débouche sur le discrédit de l’action politique, “le pouvoir a perdu le pouvoir“. Les hommes politiques ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis en se dépossédant de leurs moyens d’action. Ils ont livré les instruments qui permettaient de gouverner, on “est donc réduit au ministère de la parole”.

Projets et Perspectives

N. Dupont-Aignan souhaite revenir aux fondamentaux de la République qu’il résume comme : “La démocratie du peuple, pour le peuple, par le peuple“. Il se démarque du libéralisme et de l’antiétatisme communément rabâché à droite, “la République c’est aussi un état fort, un état stratège“. Dans ce registre, il met l’accent sur “l‘école publique méritocratique, qui élève au lieu d’abaisser“, puis sur les services publics qu’il veut “très présents sur tout le territoire“. Somme toute, il s’accroche au maintien d’une particularité nationale.

Face à l’atteinte de l’exception française, le défi est d’expliquer aux Français qu’ils ne s’en sortiront pas s’ils ne reprennent par leur destin en mains, “une nation (comme la France) ne peut pas se suicider“. Il faut, selon N. Dupont-Aignan sortir de la résignation et de la retraite du “jardin familial“, face à l’impression d’impuissance, subir son sort et se replier sur des intérêts domestiques. Pour en sortir, deux défis prioritaires doivent être relevés : l’emploi dans la guerre économique mondiale, et la cohésion nationale et sociale. Sans ces deux axes, “nous aurons la paupérisation d’un côté, la guerre civile de l’autre !“.

Pour survivre dans la jungle commerciale globalisée, “on ne peut avoir des charges plus élevées que les autres, un euro surévalué, et un libre échange total. Soit, la France sort de l’euro pour dévaluer dans un libre échange intégral, soit l’Europe met en place un protectionnisme, soit les normes sociales européennes se mettent à niveau et nous vivrons comme des chinois !”. N. Dupont-Aignant se prononce nettement en faveur du protectionnisme avec une stratégie économique de puissance. D’ailleurs, il partage les thèses d’E. Todd du livre “Après la démocratie” sur l’impasse du libre échange et l’impérieuse nécessité d’une régulation des échanges internationaux. À terme, les déficits publics ne pourront pas supporter la charge que fait peser la mondialisation. À quinze ans, à paramètres constants, si rien ne change, c’est le déclin, le “décrochage massif” qui attend la France.

Politique internationale et construction européenne

Si le Sarkozysme n’a qu’une seule cohérence, c’est l’alignement au néo-conservatisme (atlantiste) US. La France abandonne ici encore sont exception. La particularité des relations avec les pays arabes, l’indépendance par rapport aux USA installaient l’hexagone comme une puissance spécifique, écoutée, entendue, certaines fois. Comme présidentiable, N. Sarkozy n’avait pas annoncé l’intégration dans l’OTAN, il a envoyé plus de 3 5000 soldats en Afghanistan. Le coulage dans la masse des forces proaméricaines relègue définitivement la France au rang de puissance secondaire, et de plus “c’est une politique qui ne rapporte rien“.

La construction européenne s’est faite aux dépens des peuples. La mythification du concept Europe met la France en danger vis-à-vis de ses voisins. Selon N. Dupont-Aignan, naïfs, les Français “rêvent la vie“. Cette Europe fantasmée pourra “peut-être” naître dans 200 ans. L’Euro, pour la France, est un boulet qui “va exploser dans les deux trois ans qui viennent“. Plus globalement, l’inconsistance caractérise la tour de Babel européenne, une concurrence d’intérêts divergents où Français, Anglais, Allemands, pays d’Europe centrale et orientale n’ont pas de projets communs autres que simuler une entente. La sortie de l’ornière européenne passe par la coopération au coup par coup entre états volontaires, car ” l’Europe des 27 n’est plus l’Europe des 6“. Et ce malgré les mirifiques promesses sur les institutions qu’est censé apporter le traité de Lisbonne. Le député concède que “L’Europe est indispensable pour que la France pèse dans le monde“. Mais “la France est en position minoritaire sur tous les sujets qui font son exception, c’est-à-dire la laïcité, le protectionnisme, les services publics“. L’hexagone est (devenu) “l’associé minoritaire de l’Europe“. Il en conclut par delà les affichages béats que “l’Europe sera estimée des habitants quand elle aura produit des résultats pour les habitants“.

Censuré lors du résultat des élections, N. Dupont-Aignant déclare être dangereux pour la cohésion de l’UMP, ” je ne suis pas un extrémiste de droite, un De Villiers ou un Le Pen, je suis un type raisonnable qui ne rentre pas dans la ligne et qui ne dit pas des choses “raisonnables”, mais des choses plus vraies que vraies“.