Mercredi, 14 octobre 2009
Lundi dernier, jour de l’Action de grâce, deux textes, l’un provenant du quotidien anglais The Telegraph, l’autre de l’organisme américain National Association for Business Economics (NABE) ont retenu mon attention par leur caractère incongru l’une versus l’autre.
Celui du NABE faisait part des résultats d’un sondage auprès de 44 économistes d’affaires américains sur leurs perspectives quant à la reprise économique. Sur le plan de l’emploi spécifiquement, l’avenir ne semble pas être très encourageant. Depuis le début de la récession aux États-Unis, le nombre de travailleurs ayant perdu leur emploi atteint 7,2 millions. Ces économistes sondés par la NABE prédisent que ce n’est pas avant 2012 que ces emplois seront retrouvés totalement. Il faudra donc trois années entières pour que ceux qui furent frappés le plus durement par le déraillement de l’économie, ce déraillement causé principalement par la voracité des banques et des gens qui les dirigent, ne retrouve une situation financière qui s’apparente à ce qu’ils connaissaient antérieurement. Et c’est sans compter les séquelles morales, physiques et financières qu’auront laissé ces années sans emploi.
Au même moment, The Telegraph révélait que la banque d’affaires américaine Goldman Sachs étudiait la façon dont elle versera les bonis à ses employés pour l’année 2009. C’est que la banque accumule les profits encore plus rapidement aujourd’hui qu’il y a 2 ans avant que n’éclate la crise financière. Pour la période de 3 mois terminée le 30 septembre, les diverses activités de Goldman Sachs ont généré des revenus de 12 milliards de dollars. Environ la moitié de cette somme s’en va directement dans un compte qui servira à la fin de l’année à rémunérer les employés. On prévoit que le compte atteindra alors 22 milliards. Ceci se traduira par une compensation moyenne de 700 000 $ par employé. Pour un certain nombre, cela veut dire plusieurs millions de dollars, et pour les dirigeants, probablement plusieurs dizaines de millions.
La crise
Il y a à peine un an, les économies des pays industrialisés entraient dans la pire crise économique depuis la grande dépression des années 30. Et sans une intervention divine, le système financier allait s’écrouler, du moins nous disait-on. Force est de croire, si l’on se fit aux résultats de Goldman Sachs, que cette intervention divine s’est produite. Ou bien était-ce celle des gouvernements ?
Les gouvernements américain, canadien et européens ont mis en place deux types de programmes pour répondre à la crise. Bien sûr, les deux vont faire exploser les déficits des gouvernements, avec les conséquences négatives sur les générations futures que l’on peut aisément imaginer. Mais ça, on y pensera plus tard.
D’abord le sauvetage financier. Il consistait à prêter de l’argent aux banques tout en garantissant leurs mauvais prêts. Les payeurs de taxes venaient donc épauler les banques. Goldman Sachs a profité de ce programme, recevant un prêt de 10 milliards du gouvernement américain. Ce prêt n’était peut-être pas vraiment nécessaire, car il a été remboursé à peine 6 mois plus tard, les dirigeants de Goldman Sachs préférant probablement ne pas avoir le gouvernement dans les pattes. Toutes les banques n’ont pas eu le même succès que Goldman Sachs, mais toutes se retrouvent aujourd’hui dans une situation nettement plus confortable que l’an dernier.
L’autre type de programmes consistait pour les gouvernements à effectuer des dépenses en infrastructures afin de créer de l’emploi. Il est clair que ces programmes n’ont pas suffi à enrayer la vague de licenciements qui frappait à peu près tous les secteurs industriels, car au moment d’écrire ces lignes le taux de chômage aux États-Unis s’approche de 10 %.
La justesse des politiques
On débattra longtemps de l’a-propos du sauvetage financier. Il était nécessaire, dit-on, pour sauver le fonctionnement de l’économie. Malheureusement, ce n’est pas la première fois que l’on nous sert cette excuse. Ce fut le cas lors la crise asiatique en 1997, suivie par la crise causée par l’insolvabilité de la Russie en 1998. Le gouvernement américain et la Réserve fédérale était alors intervenu directement en prenant le contrôle du fonds de couverture Long Term Capital Management qui croulait sous les pertes.
C’est arrivé également à la suite des attentats terroristes de septembre 2001 qui venait exacerber le ralentissement économique que causait l’éclatement de la bulle technologique l’année précédente. Les banques centrales avaient alors inondé de liquidités les marchés financiers. Il fallait préserver à tout prix le système financier. Évidemment, les banques en ont été les premières bénéficiaires.
Peut-être qu’un jour, lors d’une prochaine crise, décidera-t-on de mettre tous les deniers publics dans les programmes visant à soutenir l’emploi et de laisser les banques réparer elles-mêmes leur bilan financier. Peut-être réalisera-t-on que le système financier ne s’écroulera pas, mais plutôt se régénèrera de lui-même. Mais il se pourrait alors que les salaires chez Goldman Sachs soient moins élevés.