De Samuel Benchetrit, j'ai aimé le premier tome de l'autobiographie, les Chroniques de l'asphalte, mais j'ai encore plus aimé le film, J'ai toujours rêvé d'être un gangster. J'ai donc (un peu) tanné Restling qui m'a gentiment prêté son dernier roman.
On y retrouve la même tonalité que dans les Chroniques de l'asphalte puisque le narrateur est aussi un
jeune garçon de banlieue qui raconte sa vie, le collège, l'immeuble, les copains. Le style est donc celui d'un gamin, en beaucoup plus poli, bien sûr :
"J'ai le manque facile, c'est un de mes problèmes. ça ressemble à l'imagination. J'imagine des choses aussi
vite que les gens me manquent. Par exemle, mon frère Henry me manque souvent. C'est le roi des cons et tout, mais si je suis dans mon lit, et que c'est le soir avant de m'endormir, et qu'il est
pas à la maison, et que je décide qu'il me manque, je peux me mettre à chialer."
On se fait à ce style-là, très oral, qui suit par de multiples digressions l'imagination galopante de ce gosse de
dix ans.
Du coup, on a affaire à une sorte de petit Nicolas de banlieue. Sauf que le petit Nicolas avait des parents et que
Charly ne vit qu'avec sa mère, et parfois son frère. Tout commence quand la police vient arrêter sa Mère pour l'emmener il ne sait où. Il va parcourir la cité à la recherche de son frère qui doit
traîner quelque part avec les autres junkies de son espèce.
Plusieurs choses sonnent faux dans ce roman. D'abord, Charly Traoré est noir et ça, jamais il n'en est question
dans le livre, sauf une fois pour dire que les Noirs ne préfèrent pas l'été à l'hiver... Ce petit Black a bien de la chance, jamais il ne semble en but au racisme, ni à l'école, ni dans la cité,
ni ailleurs. Ce qui m'étonne tout de même... Ensuite, ce gosse est l'enfant dont on rêve tous : il bosse à l'école, il est poli avec les vieux, il adore sa mère. Il a lu Le Petit prince
et L'Ile au trésor, apprécie l'oeuvre de Picasso et pique Une saison en enfer à la bibliothèque. Il ne passe pas son temps devant la télé, ni devant Internet. Ce gosse-là, je
veux le rencontrer.
On va comprendre que sa mère a été arrêtée par la police parce qu'elle n'a pas de papiers. Elle est employée au
noir depuis quinze ans par des gens âgés, ce qui lui permet quand même de faire les magasins pour s'acheter un canapé, d'emmener son fils au cinéma et au restaurant tous les samedis soirs. Ils
n'ont pas l'air du tout d'être dans la gêne financièrement, ce qui est tant mieux pour eux mais difficilement crédible à mes yeux.
Même si les tours sont moches, si les seringues jonchent le pavé et que les sans-papiers sont arrêtés, cette
histoire tient plus du conte que de la réalité. Il est gentil ce gosse qui aime tant sa Mère si dévouée, mais le livre est un peu décevant. Quand je lis ici et là que ce livre est un témoignage
de la vie dans les cités, je me dis que ces lecteurs-là devraient aller y faire un tour...
Voici la vidéo de la première partie d'une interview de Samuel Benchetrit à la Fnac. Il y déclare que tout ce que
les médias renvoient de la vie dans les banlieues c'est rien que des mensonges et que d'ailleurs, il n'y a pas moins de meurtres et de violence en banlieue que dans la 16e arrondissement de
Paris. Ah bon...