La Pologne aux urnes : Des enjeux européens

Publié le 20 octobre 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

DECRYPTAGE RELATIO par Daniel RIOT- La Pologne se rend aux urnes demain pour tenter de sortir d’une crise politique qui dure depuis des mois et entretient un climat populiste bien malsain. La Diète, chambre basse du Parlement, qui sortira de ce scrutin, devrait être de droite. Mais quelle droite? Deux partis (qui recueillent 70% des intentions de vote) sont au coude à coude dans les sondages.

Les dernières prévisions donnent un léger avantage à la Plateforme civique (PO), parti d'opposition, avec 31% des intentions de vote. A quelques points suit le parti Droit et Justice (PiS) des frères Kaczynski, actuellement au pouvoir, avec 28%. La troisième formation est la coalition Gauche et démocrate (LiD), avec moins de 10% des intentions de vote… Out, la gauche. Mais elle peut se rendre indispensable…

Derrière ce combat entre les droites, des enjeux européens : les frères jumeaux sont plus qu’eurosceptiques (avec des alliés qui sont carrément anti-européens) et sont peu fidèles aux idéaux du Conseil de l’Europe (son rejet de la charte des droits fondamentaux de l’Union, le montre bien) alors que la Plateforme civique souhaite une accélération des réformes dans l’esprit de l’Union et souhaite même une adhésion à l’euro dans les plus brefs délais.

La Plate forme civique a conscience de ce que l’Union européenne a apporté au pays. Ne serait-ce que sur le plan économique : Croissance supérieure à 6 %, chute du chômage à 11,7 %, hausse réelle des salaires à 8 %, manne européenne, flot des investissements directs étrangers (français et allemands, surtout) … Le salaire moyen national, aujourd'hui à 2 858,83 zlotys bruts (774, 50 euros), était encore à 2 273 zlotys il y a trois ans, lors de l'adhésion de la Pologne à l'Union. La consommation a augmenté en 2006 de 5,2 %, contre 1,8 % en 2005. Les ventes au détail ont bondi à 16,9 %. Autre signe révélateur d’un mieux être : l'endettement des ménages a atteint 239 milliards de zlotys au mois d'août. Soit un boom de 3,4 % par rapport à juillet, et de 40,8 % en glissement annuel

Mais l’enrichissement creuse les inégalités. Inévitable, sans doute. Surtout dan l’agriculture : La manne européenne pour l'agriculture polonaise (1 milliard d'euros en 2002-2004, 6 en 2004-2006, 17 prévus pour 2007-2013) creuse le clivage entre agriculture traditionnelle et moderne, entre agriculteurs dynamiques et petits paysans.

Ils viennent de si loin, les Polonais…Et ils ont subi tant d’épreuves, y compris dans une « décommunisation » mal conduite, polluée par la corruption, marquée par l’irresponsabilité de la « fric-économie »… de gauche !

Ces difficultés et ces inégalités expliquent bien des choses et notamment le succès des « frères jumeaux » et des idées néo-conservatrices, traditionalistes, nationalistes.

Vieille (et banale) histoire du « passé qui ne passe pas » parce qu’il est mal digéré. Contre-coup de la terrible double épreuve qui a meurtri l’âme d’un peuple fier de son histoire et de sa culture : en « première ligne » sous le double joug des deux totalitarismes qui ont transformé l’Europe en cimetière, le fascisme et le stalinisme. Et résultat d’une psychothérapie nationale très mal réalisée.

Le catholicisme s’en trouve amputé de sa force humaniste au profit d’un bigotisme d’autres temps. Les idéaux de « Solidarité » s’en trouvent pervertis au bénéfice d’un conservatisme archaïque. Le patriotisme, bien naturel et riche, s’en trouve défiguré un bénéfice d’un nationalisme xénophobe (anti-allemand, notamment) et coloré des vieilles sauces antisémites toujours trop cuisinées… L’attachement, bien normal, à la souveraineté nationale et aux intérêts nationaux s’en trouve transformé en un souverainisme dangereux et en un nombrilisme pathologique.

Crise d’identité, donc d’altérité. Et confusion des genres, des concepts et des valeurs : nombre de Polonais pensent « Marché commun » comme ils ont du penser « COMECON » et « Alliance atlantique » comme il ont du penser « Pacte de Varsovie ». Et s’ils font plus confiance aux Américains qu’à leurs partenaires européens pour assurer leur sécurité, ce n’est pas seulement parce que l’Oncle Sam a, à leurs yeux, gagner la guerre froide et fait imploser le communisme,c’est parce que Washington est plus loin que Bruxelles ou Strasbourg… Plus le « protecteur » est éloigné plus le « protégé » se sent libre.

La droite libérale soutenue par les catholiques « éclairés » et par les héritiers de « Solidarité » pourrait faire en sorte que la Pologne se guérisse des maux qu’incarnent tant les deux jumeaux au pouvoir. Mais les urnes n’ont pas encore donné leur verdict. Et les donnes politiques ne se résument pas à une arithmétique électorale…

Problème n°1 : Si les sondages sont confirmés demain, la droite libérale gagnera sans atteindre les 231 sièges requis pour obtenir la majorité. D’où une alliance nécessaire, mais avec qui ? Un accord pourrait se nouer avec le LiD de l'ancien président Aleksander Kwasniewski…mais il faudra effacer bien des excès de la campagne : Donald Tusk a pourtant comparé Kwasniewski, à … Jaruzelski, l’ancien dirigeant qui avait imposé la loi martiale en 1981.

Problème n°2 : Si le PO parvient à la majorité absolue, il aura quelques difficultés à mener sa politique. Le président peut en effet imposer son veto sur chaque loi, celle-ci devant alors être votée par deux tiers des députés. Drôle de situation… Une cohabitation paralysante !

Autant dire que les Européens attendent avec impatience les résultats du scrutin de demain et la suite des événements.

A Lisbonne, lors du Conseil européen, nous avons bien vu que la Pologne est, avec le Royaume Uni, le vrai maillon faible d’une Union en voie vers un nouveau dynamisme. L’expression « intérêts nationaux », chez les Polonais comme chez les Anglais, deviennent en polonais et en anglais synonymes de « désintérêts européens »…. Comme si l’Union européenne ne se justifiait pas par la volonté de faire en sorte que l’intérêt commun se nourrisse des intérêts de chacun…

Daniel RIOT

Dans les dna:un bon reportage de Jean-Claude KIEFER >>>>

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