J'ai trouvé quelques éléments de réponse à travers le cas de 3M. Les élèves ont été surpris de voir à quel point les conditions de l'innovation pouvait être variées.
Je vous propose deux types de documents:
- un bref historique du Post-it
- un article plus global sur l'entreprise 3M
I / Asseyez-vous, je vous raconte l'histoire du Post -it
1964. En s’amusant à mélanger en proportions diverses des monomères, Spencer Silver, un chimiste de 3M, invente par hasard un adhésif poisseux, un nouveau polymère adhésif acrylique. Plus un cohésif qu’un adhésif. Il ne colle qu’à lui-même.
1964-1968. Spencer Silver cherche à le faire commercialiser sous forme de spray. Aucune réaction du marché.
1968-1973. Interruption du développement. Le programme des polymères adhésifs est supprimé.
1973: Spencer Silver est muté dans le groupe de « recherches systèmes
», il y fait la connaissance de Robert Oliveira, un biochimiste, qui croit au polymère cohésif.
Ils présentent pour la énième fois leur projet au directeur technique du département Ruban.
Celui-ci leur répond : « Je pars dans deux jours, voyez cela avec mon successeur. »
Deux jours plus tard, Geoffrey Nicholson, nouveau directeur des programmes de recherches, qui arrivait, accepte de se lancer dans l'aventure.
1974. Art Fry, à côté de son travail chez 3M, est le chef de chœur de
l’église presbytérienne de North St-Paul. Un dimanche matin, voulant empêcher les signets de papier qu’il utilise pour marquer les psaumes dans sa bible de glisser, il trouve l’application du
polymère : il vient d’inventer le signet adhésif.
Mais l’idée s’avère plus simple que sa réalisation : il faudra 2 ans de recherches personnelles (chez 3M, les chercheurs peuvent consacrer 15 % de leur temps à
des projets personnels) pour mettre au point un prototype. La difficulté était d’obtenir un bloc de
papier d’une épaisseur constante alors qu’une partie est encollée et l’autre pas.
Le produit inventé, Art Fry le soumet à la direction du marketing. Elle est sceptique : pourquoi payer un bloc de papier alors qu’il suffit de griffonner des notes sur des feuilles volantes ? Ils décident faire un test.
1978. Marché test dans quelques villes américaines auprès des
distributeurs de fournitures de bureau. C’est un fiasco ! Incapable d’expliquer à quoi cela servait, les commerciaux ne parvenaient pas à vendre ce nouveau produit.
Déçu, mais tenace, Art Fry continue de croire à son idée : il va distribuer gratuitement aux secrétaires et aux dirigeants de 3M les post-it.
Bientôt, on vient en file indienne lui demander s’il ne reste pas des blocs de post-it…la démonstration est faite : c’est en utilisant le post-it que le besoin se crée.
1980. Ventes nationales dans 11 États. Les ventes ne décollent
pas.
3M va alors reprendre la méthode d’Art Fry, elle met à profit son réseau de distribution pour semer les papillons jaunes dans les chaînes hôtelières, les congrès, les locations de voitures…c’est le succès !
1984. le projet post-it atteint la
rentabilité.
Source: D’après innovation-creative.com
Bilan:
- on ne doit plus confondre une invention et une innovation (application industrielle et commerciale d'une invention).
Le cas de Post-it correspond en l'espèce à une innovation de produit, mais pas seulement: il ne suffit pas d'avoir un nouveau produit, encore faut-il le produire / vendre sur le marché.
- les délais peuvent être très longs entre l'invention et l'innovation.
Ce qui pose le problème du financement de la Recherche & Développement.
- le succès de l'innovation repose sur de multiples déterminants: la part de hasard et de risque, la détermination de ceux qui portent le projet, l'acceptation sociale de l'innovation, les synergies entre les recherches, le stade de la fabrication industrielle et les stratégies marketing...
Même si le hasard rentre en ligne de compte, il s'agit également de montrer que, toute organisation productive qui veut innover, doit mettre en place une stratégie lui permettant de faire aboutir ces innovations.
II / Comment 3M parvient à innover
Voici un article de l'Usine Nouvelle qui permet de comprendre en quoi 3M reste une entreprise innovante.
Ses atouts en matière d'innovation ont été surlignés.
3 M recolle à l'innovation
L’usine Nouvelle 21 juin 2007 Jean-Michel Meyer
3M innove. Encore et toujours. C'est ce que doit prouver l'Innovation Center avec les 50 000 produits du groupe. Le 5 juin, Bernard Cicut, le président de 3M
France, inaugurait en région parisienne une exposition sur les innovations maison.
Films optiques ou anti-gravillonnage, tests pour la détection de bactéries dans les aliments, masques respiratoires, filtres anti-allergènes, fibres optiques... « Au coeur de notre stratégie, l'innovation fait notre force. C'est le trait d'union de notre grande diversité de produits, martèle-t-il. Pour nous, elle forme un couple inséparable avec la proximité client. »
George Buckley ne se contente pas d'invoquer l'esprit d'Art Fry, l'inventeur du Post-It.
Le budget de R & D du groupe a été porté à 1,5 milliard de dollars en 2006. Contre 1 et 1,2 milliard par an entre 2002 et 2005. Le nouveau patron vise une croissance organique de 5 à 8 % par an, avec 10 % du chiffre d'affaires réalisés avec des produits de moins d'un an.
Les 6 500 chercheurs sont par ailleurs invités à se mettre en réseau à travers le Global Techno Forum. « Il n'y
a pas un ingénieur, un labo, un pays qui soit expert dans nos 45 technologies clés, soutient Frederick Palensky. Notre challenge est donc de coopérer. Dans le groupe, tout le monde peut avoir accès à tous les experts. Il n'y a aucune barrière d'accès à ces connaissances. » Jean Lobey, le
vice-président chargé de la division sécurité et protection complète: « La clé du succès de 3M tient dans notre capacité à combiner les technologies
pour innover. C'est pour cela que nous devons avoir la même qualité de R et D dans tous nos labos de par le monde. »
Ce n'est pas tout. La fameuse « loi » de 3M, qui autorise les chercheurs à consacrer 15 % de leur temps à des projets personnels d'innovation, est encouragée. C'est elle, sous l'impulsion de William McKnight, le mythique P-DG des années 1960, qui a forgé la culture d'innovation de 3M. C'est par ce filon que le Post-It a vu le jour.
Ce n'est pas un hasard. Des innovations prometteuses pour 3M sont nées ainsi. C'est le cas du câble à très haute tension avec son âme en fibres d'aluminium. «
On travaillait sur le titane et c'est dans le cadre de ses 15 %, qu'un chercheur s'est penché sur l'aluminium », explique Hervé Deve, le chef du laboratoire de Minneapolis.
C'est aussi le cas pour les piles à combustible qui ont abouti grâce aux travaux d'un ingénieur santé sur les nano-catalyseurs ! L'américain développe notamment les membranes de l'électrode à partir de ses savoir-faire dans les nanos et l'enduction (sept films assemblés). 3M vise surtout le marché de l'automobile d'ici à 2012. Le groupe est en contact avec des constructeurs américains, japonais, coréens et européens. Le groupe américain et Renault collaborent dans ce domaine.
Et si le modèle trouve ses limites, 3M sort du cash. « Quand on n'a pas la technologie, on n'hésite pas à l'acheter", lance Inge Thulin, le vice-président
chargé des coopérations internationales. C'est de cette manière que 3M, qui a réalisé vingt acquisitions en 2006 (souvent des PME innovantes),
s'est doté de compétence dans les outils superabrasifs en juin en achetant son compatriote Diamonds Production, une entreprise de 50 personnes.
De quoi, surtout continuer à alimenter sa boîte à idées."
Pour prolonger:
- on peut relire le cas également exemplaire de James Dyson
- un des articles qui continue de faire joujou (l'innovation dans les jouets)
- ce site raconte aussi des histoires d'inventions / innovationsAjouter un commentaire