Vendredi 9 octobre, Le Quotidien de la Réunion a publié le fac-similé d'une lettre de mars dernier dans laquelle Frédéric Mitterrand, alors directeur de la villa Médicis à Rome, intervenait en faveur de deux jeunes hommes appelés à comparaître devant la cour d'assises des mineurs de Saint-Denis-de-La-Réunion pour viol collectif sur une jeune fille de 16 ans, viol perpétré sous la menace d’un couteau. Selon le forum.Québec, un troisième homme avait précédemment été condamné à vingt ans de réclusion pour le meurtre d’un témoin du viol qui aurait menacé d’en dénoncer les auteurs.
Face aux réactions suscitées par cette information, le ministrvoir trois fois dans [sa] vie e a déclaré qu’il avait voulu faire un geste de "compassion" et de "solidarité" à l'égard d'une famille "modeste" et "en très grande détresse" parce que "deux fils ont fait une énorme connerie". Il était en effet intervenu parce que l’un des garçons poursuivis était son filleul, fils d’une ancienne maquilleuse. Il assurait qu’il avait dû le « voir trois fois dans [sa] vie ». On peut remarquer que la publicité donnée à cette intervention lui a permis de réévaluer la gravité du crime qui, dans sa lettre de soutien, était modestement appelé un écart.
Ce qui me semble surprenant, c’est la réaction de notre honorable ministre, qui dans une conférence de presse à Bordeaux, a exprimé son “dégoût” face à une “nouvelle campagne de calomnie insensée”. Je crains qu’il ne maîtrise qu’imparfaitement notre langue, un comble pour un si élégant diseur. Une calomnie est une imputation mensongère. Où donc a-t-il vu un mensonge ? Il se propose également d’engager des poursuites pour la divulgation d’un document qui n’aurait jamais dû quitter le tribunal. Il me semble alors dans son droit, bien que, selon moi, ceci ne se justifie que dans la mesure où il considère que cette lettre portait atteinte à sa réputation.
Interrogé par le Journal du Dimanche, il a explosé ainsi : « Je suis indigné qu’on vienne me chercher sur cette affaire. Je le répète : c’est dégueulasse ! N’avez-vous jamais aidé quelqu’un dans votre vie ? Ce que l’on me fait est honteux. Je ne suis pas parano. Il ne s’agit pas de complot mais si je m’appelais Tartampion, je ne subirais pas les mêmes indignités ». Il a raison, à ceci près que Tartampion n’aurait pas écrit sur papier à en-tête de l’Académie de France à Rome, ni indiqué dans sa missive « En tant que Directeur de l’Académie de France à Rome », ni proposé de faire jouer ses contacts pour faciliter la réinsertion de ces deux jeunes à Paris ou à Rome. Il est étonnant de voir comment ces hauts personnages s’empressent de crier au viol de leur vie privée alors qu’ils sont les premiers à la confondre avec leurs fonctions publiques.
Un autre élément surprenant est la discrétion dont a été entourée cette affaire. Après un buzz sur l’Internet, les médias traditionnels n’en ont guère parlé. Une première raison en est sans doute qu’ils craignaient de se faire taxer d’acharnement. Une deuxième en est la volonté des gouvernants de considérer l’affaire Mitterrand comme classée. Mais, à mon sens, cet oubli est surtout dû au fait que ce procès réunionnais avait été révélé par le Front national. Et, dans notre pays, ce qui compte, ce ne sont pas les faits, mais les lunettes de ceux qui les considèrent. Pas question de faire le jeu du Front national, s’il insinue que tel fait est condamnable, on n’a pas le droit de le rejoindre. Au mieux, faisons l’impasse, au pire disons que c’est digne d’éloge.
Si on ne veut pas se retrouver un jour dans la peau d’un Papon, il importe de toujours juger sans parti pris et de savoir discerner le bien du mal. Ce n’est peut-être pas tous les jours facile, mais c’est la seule voie pour garder son honneur. Pardon pour ce gros mot.