Une nouvelle exposition au Palais de Tokyo est toujours un moment fort de la vie culturelle parisienne, surtout quand on est invité au vernissage pour se délecter de bretzel tout chaud et de vin XVIII Bordeaux...
Pour comprendre un peu l'exposition Chasing Napoleon, il faut revenir à un peu d'histoire, non pas celle de Napoléon, mais celle d'Unabomber. Ce nom ne vous est peut être pas familier. Pourtant Unabomber, de son vrai nom Theodore Kaczynski, a semé la panique aux Etats-Unis pendant près de 20 ans. La traque d'Unabomber est restée dans les annales comme la chasse à l'homme la plus coûteuse de l'histoire du FBI.
Theodore Kaczynski avait tout pour réussir: doué d'un QI de génie, il est rentré à 16 ans à l'université d'Harvard avant de devenir professeur de mathématiques. Mais assez rapidement, il se persuade des dangers du progrès technologique et de la croyance aveugle dans l'avènement d'une société complètement industrielle aux Etats-Unis. Il décide alors de se retirer dans la nature où il habitera dans une cabine qu'il fabriquera lui-même, vivant de chasse et de cueillette. Mais son paradis perdu se faisant détruire petit à petit par les promoteurs, il décide de se venger et commence sa campagne de terreur qui durera 20 ans. En 1978, il envoie son premier colis piégé à un professeur d'université, colis qui blessa un policier. Suivront de nombreux autres colis frappant professeurs et magasins d'informatique, publicitaires, compagnies aériennes ou encore le président de l'Association de sylviculture de Californie tué en 1995. Il fut finalement arrêté en 1996 dans une petite cabane du Montana. Ce n'est pas tant l'histoire d'Unabomber qui intéresse le Palais de Tokyo que les idées qui la sous-tendent: celles d'une société complètement obsédée par la technologie jusqu'à en perdre son humanité mais aussi les concepts de traque, de cachette et de paradis perdu.
Toutes les oeuvres tourneront de près ou de loin (voire de très loin) autour de ces concepts.
C'est donc naturellement par une reproduction de la cabane d'Unabomber que commence l'exposition Chasing Napoleon, une petite cabane en bois vieilli oeuvre de Robert Kusmirowski, plantée au milieu de la pièce principale. Dora Winter reproduit également la bibliothèque personnelle d'Unabomber. Les visiteurs peuvent même y entrer feuilleter les livres.
Autre histoire de traque, Christoph Büchel avec Spider Hole dévoile l'entrée d'une cachette semblable à celle où se terrait Saddam Hussein. En briques et terres, avec les racines des arbres encore intactes, elle semble avoir été déplacée directement d'Irak pour être installée au sein du Palais de Tokyo.
Dans le style cachette ultime, Micol Assaël présente Vorkuta, une oeuvre qui fait voyager dans le temps et l'espace. On pénètre dans une chambre froide à -30° et on s'imagine pendant quelques minutes au pôle Nord, complètement isolé dans une base scientifique à moitié détruite. Un moment intéressant à vivre qui justifie à lui seul la visite de l'exposition !
Autre belle oeuvre, Ryan Gander avec Nathaniel Knows présente dans une salle obscure, une petite ouverture, à peine plus grande qu'un trou de souris, d'où jaillit une nature luxuriante et une lumière intense. Le contraste est saisissant et donne envie de découvrir ce monde caché !
L'exposition invite également à découvrir les oeuvres de Paul Laffoley, artiste américain un brin conceptuel qui s'intéresse aux mondes, à l'univers, au voyage dans le temps, et à de nombreux thèmes religieux. Déroutant, on pourrait passer des heures à décrypter ses peintures !
Dans un registre complètement différent, le Palais de Tokyo présente les 33 000 photos de Reykjavik de Dieter Roth. On comprend beaucoup mieux pourquoi ce pays a un des taux de suicide les plus élevés au monde... Mais c'est très intéressant pour qui aime les pays nordiques, l'architecture et les photos un peu école allemande.
Tony Matelli avec Fuck it, Free yourself ! expose des billets de banque de 500€ qui brûlent sans jamais se consumer (ils sont en céramique !). Le résultat est assez bluffant, même si on se demande un peu ce que cela fait là (ah si, dénonciation de la société de consommation, crise financière mondiale, bla bla bla...). Je ne vous parle pas non plus des films extraits du film Benjamin Button de David Fincher, de Satie joué à une fréquence que ne peuvent entendre que les chiens par Dave Allen, ou de ce trou dans le mur en forme de siphon par Robert Gober. Ah oui, c'est vrai, je ne l'ai même pas remarqué en passant devant...
C'est un peu le problème de l'exposition Chasing Napoleon. Même si des oeuvres valent le détour comme celle de Micol Assaël, Ryan Gander ou Paul Laffoley, les autres oeuvres manquent quelque peu de cohérence et laissent souvent dubitatives. Et bien sûr, ce ne sont pas les explications du Palais de Tokyo qui vont vous aider... A voir donc, mais venez l'esprit ouvert et la curiosité aux aguets !
Exposition Chasing Napoleon
Palais de Tokyo
Du 16 octobre au 17 janvier 2010
13 avenue du Président Wilson, Paris
Site: www.palaisdetokyo.com