Je relate un peu en retard mes impressions sur le concert des Cribs, auquel j'ai assisté mardi dernier dans la petite mais fort sympathique (malgré la sono assez moyenne) salle du Nouveau Casino.
L'occasion d'encenser Ignore the ignorant, leur quatrième album, qui cartonne en Grande-Bretagne. Il marche tellement qu'il a réussi à se hisser dans le top 10 des ventes et dépasser certains des albums remasterisés des Beatles! Ce que les frères Jarman nous ont d'ailleurs annoncé ce soir là non sans fierté. "so we are celebrating tonight, this gig is more of a party!" ont ils lancé.
Et ce fut une fête réussie.
La première partie fut assurée par les Toybloids, un mec et trois ados garçons manqués. Ils ont assuré une demi heure de show dans une prestation très scolaire, avec des morceaux énergiques en anglais chantés dans un accent français assez comique et des paroles un peu convenues à base de "one tou fwoui four" et de "what dou you dou". Je me suis sentie presque vieille face à l'aspect très "ado" de leur musique. Mais c'est un honnête petit groupe qui a tout donné et bien géré la pression de passer avant les Cribs à leur âge. Je me suis bien tapé une barre quand la chanteuse s'est tellement prise au sérieux qu'elle a tenté un doigt d'honneur timide d'une micro-seconde avant de vite le retirer, se sentant coupable. C'était touchant.
Et puis les Toybloids sont rentrés faire dodo et sont arrivés les stars de la soirée, avec une star un peu plus grosse que les autres, j'ai nommé Johnny Marr, l'ancien guitariste des Smiths, icône indie, véritable guitar hero des années 80, qui a rejoint les Cribs.
Etant dans les premiers rangs, la fan des Smith que je suis n'en croyais pas ses yeux de n'être qu'à un mètre à peine de la légende! Tout comme les Cribs n'ont pas du en croire leurs yeux en apprenant que leur histoire se transformait en conte de fée. Au départ perçus comme un groupe anglais sautillant de plus, les Cribs se sont retrouvés avec comme mentor une véritable légende du rock, un mec dont ils ont été fans, un emblème de la génération qu'ils ont admiré et qui a forcément fait partie de leurs influences. Et leur dernier album s'en est ressenti. Marr les a pris sous son aile, et bien qu'il affirme n'avoir rien eu à leur apprendre, il les a indubitablement aidé à murir. Depuis la fin des Smiths, Marr avait beaucoup bossé en "free lance", jouant live avec pas mal de beau monde. Mais il lui manquait la sensation d'appartenir à un vrai groupe à nouveau. Voilà chose faite, et malgré la différence d'âge, la symbiose est parfaite. Selon Marr les Smith et les Cribs sont en fait assez proches, car tous deux aiment les influences de l'autre (il l'explique au Guardian à qui il dresse une playlist des musiques qui lient les deux groupes: http://www.guardian.co.uk/music/2009/sep/18/johnny-marr-cribs-smiths).
Le succès de cet album est forcément du à ce nouveau venu. On y sent la marque de fabrique Smithienne, sur des morceaux comme "We share the same skies", ou en clin d'oeil plus subtilement distillé "Last year's snow" et "Ignore the ignorant". Mais si l'influence de la star mondiale est clairement perceptible, Marr n'a pas fait de hold-up sur l'album et Ignore The Ignorant reste une production 100% Cribs très réussie, murie, mélodique, authentique et guitaristiquement passée au niveau supérieur. On retrouve la patte des frères Jarman notamment sur les singles "We were aborted" surtout, et "Cheat on me".
Les Cribs ont donc fait danser le Nouveau Casino en déroulant le meilleur de ce superbe album cogénérationnel en une heure pile de show, agrémenté bien sûr des chansons qui ont fait leur succès. La prestation live a été à la hauteur de l'album, emmené par un Ryan Jarman à fond et un Johnny Marr sobre, discret, mais naturellement imposant et admirable de maîtrise. Un excellent moment.