Magazine
Chronique sur Muse qui vient un peu en retard, tout simplement parce que je ne voulais pas me résoudre à trouver cet album mauvais, je ne pouvais pas trouver Muse mauvais, c'était impossible, je devais avoir mal écouté. Alors je me suis menti à moi-même pour ne pas faire de peine à mes illusions de fanatique de Muse, et j'ai multiplié les écoutes. Mais non, décidément je n'y arrive pas. The Resistance est un gâchis incohérent, la fausse note du parcours impeccable de Muse, l'ingrédient en trop qui a dégouté la majorité des fans, dont moi. Après la consécration mondiale grâce à Absolution et à toutes les prestations live qui ont suivi, le groupe s'est vue maintes fois récompensé. Multiawardisé à nouveau pour Black Holes And Revelations. Forcément, dire que The Resistance était attendu est un euphémisme. Alors voilà on s'est précipité, on l'a téléchargé (oh ça va, qui achète encore de nos jours?), et là...c'est le drame. On constate avec effroi que Muse n'est plus Muse.
Une volonté de renouveau, une envie de styliser, une mauvaise juxtaposition d'influences, un délire égoïste de Bellamy le fan de classique...je ne sais pas ce qui a mené à Resistance mais je sais qu'il en résulte un mauvais goût digne d'une blague d'Hortefeux.
Alors voilà, mes oreilles saignent et c'est avec amertume, après l'avoir tant repoussé, que j'ose écrire mon verdict sur le dernier album de Muse. Mais on ne peut comprendre ma profonde déception que si on remonte le temps pour se remémorer avec délice les débuts du groupe afin mieux remarquer qu'on est tombé bien bas.
Tout avait commencé par une entrée délicieuse qui avait fait l'unanimité, Muscle Museum. On s'était dit qu'on nous servait un groupe anglais au potentiel de 'starification' énorme et on ne se trompait pas. C'était l'époque où Matt Bellamy n'en revenait pas complètement lui même. L'époque où tout ça sonnait juste, clair, simple et beau. La première bouchée a été savoureuse, pleine de promesses. On avait une bande de mecs qui débarquaient face au grand public dans les années 90, après plusieurs années de galère (bah ouai à l'époque pas de Myspace !), en plein phénomène Oasis, en pleine apogée de la Britpop, et qui a eu l'audace de se démarquer complètement. La recette du succès? proposer des morceaux progressifs, un peu plus agressifs, lointainement inspirés du grunge à peine décédé, sur lesquels venaient s'ajouter les merveilleuses envolées lyriques de Matthew couplées à des batteries efficaces. Premier article dans le NME, premiers signes d'intérêt des maisons de disques. Premiers fans qui ont du nez et sentent qu'ils tiennent là le groupe de toute une génération, un groupe qui marquera à jamais l'histoire du rock.
Muscle Museum n'était que la sauce, piquante mais agréable, première couche de l'assiette, introduisant avec brio ce qui se présenta ensuite à notre bouche, Showbiz. Voilà donc nos anglais entrés dans le monde de la notoriété, avec une barre placée très haut.
Dès les premières notes de Sunburn on tombe amoureux de cet album. C'est juste un enchaînement de morceaux divinement réussis, entre la force (Muscle Museum) et la douceur (Unintended).
Showbiz nous avait mis l'eau à la bouche. Origin Of Symetry a continué sur la lancée. L'album contient trois singles qui m'ont particulièrement marquée, Bliss, New Born et surtout, surtout Plug In Baby. Et une très belle reprise de Feeling Good qui aurait laissé Nina Simone sans voix.
Le public commence à s'intéresser très sérieusement à ce groupe qui enflamme la presse, et c'est avec Absolution que le groupe a enfin percé aux Etats-Unis, avec un bon train de retard sur l'Europe quand même. Sur cet album on sent la véritable grandiloquence poindre le bout de son nez, mais les pianos, les compositions pop et l'écclectisme de l'album en font un mélange élégant et léché. A nouveau mes coups de coeur se déclarent, sur des chansons toutes différentes. Mon top est pareil que celui de tout le monde je crois, Hysteria, Stockholm Syndrome, Sing For Absolution, Butterflies & Hurricanes.
C'est un accueil légèrement plus mitigé de la part des puristes que recevra le quatrième album, Black Holes And Revelations. Des sonorités electro apparaissent, pour un album très "musique de film", dont il ne ressort de très réussi que Starlight et Map Of The Problematique. Le reste n'est néanmoins pas mauvais et se laisse écouter avec un certain plaisir, même si on sait que Muse a fait et peut faire mieux.
Et nous voici enfin au plat de Resistance, avec un album déroutant, qui semble surtout résister à l'humilité. Muse se sent assez grand pour marier ses guitares à des monstres classiques et expérimenter des influences diverses, et se casse à peu près la gueule de bout en bout. On préférait encore quand Muse prophétisait la fin du monde dans Knights Of Cydonia.
Où sont les riffs puissants de Plug In Baby? Où est l'atmosphère planante de Sunburn? Où est l'énergie d'Hysteria? Où est la chanson qui reste en tête comme Supermassive Black Hole?
Matt Bellamy a du trop regarder Fantasia quand il était petit, et c'est maintenant que les cauchemards ressurgissent.
Entre de l'electro totalement mal placée (quand j'écoute l'intro de Guiding Light, j'ai juste envie de crier "pourquoiiiiii") et du pomponneux caricatural par petites touches, The Resistance déçoit, me déçoit, puisqu'il lui manque l'essentiel de ce que j'avais aimé avant tout chez Muse, l'énergie rock et les riffs de guitare complètement fous. L'album glisse sur moi comme un clip de M6 Music quand ma télé est allumée en fond et que je la regarde sans la voir dans la brume d'un matin difficile. Il n'y aucune harmonie ni au sein des chansons, ni même entre les morceaux, et c'est comme si un imposteur avait joué sa propre bande son horrifiante sur la voix de Matthew Bellamy.
Mais The Resistance est ambigü. Je ne sais pas si c'est parce que je veux à tout prix accorder à Muse des points positifs mais j'ai quand même envie de dire qu'il y a des chansons qui s'en sortent. Oui The Resistance singe Queen avec un ridicule effronté, oui se la jouer orchestre symphonique c'est prétentieux à mort, oui les choeurs font pitié et ne collent pas, oui le Muse qu'on connaissait a disparu et ses bonnes chansons avec. Mais quand même, quelques morceaux trouvent grâce à mes yeux et m'empêchent de donner un zéro pointé à cet album (sans toutefois le sauver de mon mépris). Il y a d'abord Uprising, la chanson d'ouverture, qui m'a fait une énorme feinte en me laissant espérer. Si elle peut sonner formatée et outrageusement radiophonique au départ, elle conserve au moins encore un peu l'identité de Muse, surtout sur le refrain, et elle passera super bien en live. Elle vaut une chanson moyenne d'Absolution ou Origin Of Symetry. Pareil pour MK Ultra qui reste à peu près ressemblante à du Muse, même si on sent déjà qu'il n'y a plus le petit truc qui nous faisait vibrer avant, peut-être qu'il manque les riffs mythiques de guitare qu'on a connu. Et enfin et surtout Exogenesis Part III, qui à ma grande surprise se révèle comme la seule réussite de cet album. Déjà il faut reconnaître que la symphonie entière (en trois parties) se défend bien, mais c'est surtout la partie III, tout en progression, combinant l'émotion et la marque de fabrique du groupe, qui clôt joliment un album raté avec au moins le mérite de sauver la dernière impression qu'on pourra en avoir. Ironie du sort la chanson s'appelle Redemption...
Voilà, donc en résumé je suis cruellement déçue que cet album n'ait pas été l'évènement que j'espérais et que certains morceaux témoignent d'envies de grandeurs douloureusement ridicules. Mais je demande quand même un peu d'indulgence aux fans qui comme moi attendaient qu'on leur balance du lourd et crachent avec virulence sur ce disque mégalo. Ce n'est pas pourri les amis, juste nul. Mais c'est vrai que pour Muse ça fait déjà beaucoup trop.
Alors la question maintenant, c'est quid du dessert? Bellamy aurait déclaré sur une radio vouloir s'orienter sur des sonorités asiatiques pour le prochain album (United States Of Eurasia, les prémices?) J'ai très peur.