R. : Non, en fait, tout ce qui m’importait était de construire une histoire simple qui ne demanderait pas des tonnes de références à gauche et droite. Ce besoin m’était d’abord venu du fait des quelques scénarii que j’avais déjà pondus et qui m’étaient apparus terriblement compliqués. Ensuite, cette histoire qui va d’un point A à un point B s’est imposée.
2 Q. : En fait, à l'image d'un écrivain, avais-tu déjà un plan élaboré de ton histoire avec les différentes phases et l'évolution des choses ou as-tu été transporté au fur et à mesure laissant les personnages et les scènes "prendre vie" au gré de ton humeur?
R. : Pour ce qui est de la trame narrative, il est primordial, pour moi, d’avoir un concept clair dès le départ avec une fin déjà déterminée. Je préfère élaborer mon travail sans avoir à improviser, du moins, le moins possible. Il m’est toutefois arrivé en cours d’exécution de réajuster un peu le tir sur certains pans de l’histoire.
3 Q. : Je sais qu'entre le début du projet, c'est à dire le dessin de la première vignette et l'édition de l'album il s'est passé 3 années (ou 2 .. j'ai un doute maintenant...) mais depuis combien de temps avais-tu l'envie de dessiner cette bande dessinée?
R. : Durée du projet : 2 années et demie... Je dirais que l’envie de faire une bande dessinée remonte à 1999. Mais, comme je te l’ai écrit, j’ai eu à pondre bien des essais avant de parvenir à ce projet. Pour ce qui est de l’idée même du goûteur et de sa cavale, elle date d’environ une année avant la mise en branle du projet.
4 Q. : Je présume qu'il y a eu des périodes plus florissantes que d'autres mais, en moyenne, combien de temps consacrais-tu à l'élaboration de ton oeuvre?
R. : Environ huit heures par jour et, le plus possible, cinq jours par semaine. Ce qui n’empêche pas que j’ai du parfois relâcher l’accélérateur. Les circonstances m’ont permis de m’y mettre ainsi à plein temps.
5 Q. : Quand aimais-tu le plus dessiner?
R. : Certainement lors de la conception au plomb de l’album. D’abord, j’avais l’ivresse du nouveau contrat avec les éditeurs qui me stimulait à souhait et puis c’est sans doute là la période la plus riche au niveau de la création.
6 Q. : Est-ce que tes personnages sont nés avec le projet ou existaient-ils déjà dans une vie avant le projet?
R. : Pour ce qui est de Coco Météore et de Pouette, ils existaient déjà depuis au moins un scénario que j’avais écrit auparavant sans pour autant y donner suite. Pour sa part, Coco Météore est celui qui possède les racines les plus sinueuses. Il est né d’un personnage que je trimbale depuis des années et qui est en fait une salamandre. Coco Météore lui-même était une salamandre au départ et s’est vu transmuté en cheval-chimère au fur et à mesure de l’évolution de l’histoire. Ce qui m’a mené à un tel changement est l’idée d’associer cavalier et monture dans un rapport de dominé-dominant légèrement tordu. Pouette est le cavalier et prend donc charge de fouetter les sens de Coco Météore mais c’est à peu près là son seul rôle (À part celui de siffler). Coco Météore est donc la tête pensante du duo. Et de confier à la monture la tâche de gouverner m’apparaissait très amusant. Voilà pourquoi il est passé de salamandre à « cheval ». Pouette, quant à lui, trouve son inspiration dans un chat que l’on a eu et qui avait un peu ce caractère « petite lune intense ».
7 Q. : Y'en a t-il qui sont nés exclusivement pour cet album?
R. : Mis à part Coco Météore et Pouette, la majeure partie. Sauf peut-être aussi Zéphéon, le sommelier du Père Poule, qui apparaissait déjà dans le premier scénario laissé en plan sous les traits d’un disciple de Saint-François d’Assise.
8 Q. : Est-ce le nombre de planches était déterminé à l'avance (je ne connais pas très bien le monde des BD et je n'ai jamais remarqué si il y avait un standard en terme de nombre de pages)?
R. : En effet, une grande partie des bandes dessinées sur le marché comptent 48 pages mais c’est de moins en moins vrai. Aujourd’hui, il se fait des BD jusqu’à 200 pages et + quoique la norme tourne autour des 48 habituelles.
A. : Si oui, as-tu du ajouter ou supprimer des planches pour arriver au compte?
R. : De mon côté, j’avais pondu une BD qui, à l’origine, comportait 48 pages effectivement. Cependant j’ai eu à rallonger le tout pour des raisons que j’explique plus bas.
9 Q. : Comment as-tu fait la topographie? Était-ce fait sur papier à la main ou avec un ordinateur?
R. : D’abord, je trace sur papier, au crayon plomb l’ensemble de l’album puis je fais tout l’encrage sur carton à l’aide d’une plume feutre 0.1. Ensuite, je scanne chaque page et fais la coloration par ordinateur sur Photoshop (Aidé de deux amis et de Venise ). Pour ce qui est de la typographie, elle a été exécutée à l’ordi par l’éditeur, Martin Brault ainsi que par Stéphane Ulrich, l’infographe de La Pastèque.
10 Q. : Comment se passe la soumission de ton projet à un éditeur?
R. : J’ai, en tout premier lieu, envoyé une maquette de l’album qui comprenait les dix premières pages tracées (dont la page 1 colorée ) ainsi que toute l’histoire esquissée sous forme de « tumbnails » c’est-à-dire de petits croquis. Le scénario aussi accompagnait cet envoi. Le surlendemain, les éditeurs me contactaient.
A. : Quelles sont les corrections à apporter, s’il y en a? B. Le projet est-il pris dans sa globalité ou t'a-t-on demandé de retoucher des parties?
R. : Le projet a été effectivement adopté sans changements majeurs. Cependant, comme je te l’ai mentionné, l’album comportait au départ 48 pages. C’est sous la recommandation de Martin et Fred, les éditeurs de La Pastèque que j’ai rajouté quelques pages afin de préciser certains points qui demandaient que l’on s’y attarde (explication du Sifflet royal, développement autour du combat final ). De plus, de légers détails ont exigé quelques modifications. Pour ce qui est du texte, la correction m’aura obligée, encore là, à modifier sensiblement certaines tournures de phrase ou mots inappropriés, sans parler des fautes d’orthographe ou omissions.
11 Q. : Pendant l'élaboration de ton album, as-tu demandé à du monde de te lire/critiquer ou as-tu attendu l'extrême fin pour le faire?
R. : Dès le départ, j’ai voulu avoir l’opinion de mon entourage. Ce qui n’est par ailleurs pas toujours simple. En effet, bien que j’essayais le plus possible d’offrir le maximum d’information à mes pré-lecteurs, ce n’est que vers la toute fin du processus qu’il devient plus aisé de bien soupeser l’ensemble de l’histoire et de son efficacité. Et c’est à ce moment bien sûr qu’il devient plus difficile de faire marche arrière. J’estime qu’avec l’expérience je saurai tirer le maximum de ces occasions afin d’obtenir l’avis juste et de savoir en prendre avantage.
12 Q. : Quelles ont été/sont tes sources d'inspiration?
R. : Hergé surtout et bien d’autres. La part manifeste faite à l’imaginaire dans les émissions télé de mon enfance. Ma formation en design graphique y transparait aussi, je crois.
13 Q. : Est-ce que tu penses faire une suite avec ce même univers?
R. : Il y a une suite de prévue dans ma tête. Ainsi, la fin de l’histoire ouvre sur de possibles autres aventures. Déjà, j’ai entamé un second scénario qui en est à ses tout débuts. Mais, la parution d’un deuxième tome dépendra du succès de Miam Miam Fléau. A. Ou penses-tu en changer?
R. : Je travaille aussi sur d’autres projets. Ceux-ci s’adresseront davantage à un public adulte. Par contre, si Miam Miam Fléau se devait de ne pas aller au-delà du premier album, certainement que je tenterais encore quelque chose vers la jeunesse ou carrément vers l’enfance.
14 Q. : Comment penses-tu gérer l'attente des personnes d'un autre projet de ta part? Te sens-tu stressé par la chose?
R. : Pour ainsi dire, non. Par contre, comme tu le constates, je tâte du côté de la Bd adulte. Est-ce parce que je préfère ne soutenir aucune attente ? Bien sûr, si Miam Miam Fléau devait s’engager dans une suite, je crois que oui, j’aurais un certain stress vis-à-vis ceux qui auront apprécié l’album.
15 Q. : Comment vis-tu les premières critiques de ton bébé?
R. : Je suis un anxieux et comme tout bon anxieux c’est d’avantage l’absence de commentaire qui me turlupine. Par contre, lorsqu’il y a critique, je réagis fort probablement comme bien des gens ; j’ai le cœur qui bat la chamade jusqu’à ce que l’on m’ait rendu compte de l’avis du critique, puis je suis une boule d’émotion pendant quelque temps. Ensuite, je deviens analyste du dit avis. Heureusement, la réception de l’album est, ma foi, assez positive.
16 Q. : Était-ce ta première tentative d’édition d'un album ou as-tu déjà dessiné d'autres BD qui n'ont pas été montré au grand public?
R. : Non, là, c’est ma toute première BD.
17 Q. : Te rends-tu compte que ton bébé est devenu immortel? T'arrive t-il d'imaginer comment il va évoluer dans le temps et savoir que dans de nombreuses années ton album sera encore lu par bon nombre de personnes. Quel est ton sentiment par rapport à cet accomplissement?
R. : J’en suis fier, sans aucun doute. Je crois que ce qui me satisfait le plus est la persévérance dont j’ai fait preuve. Car, je te le dis, pondre cet album n’a pas été du tout cuit. Pour ce qui est de son évolution, je constate que Miam Miam Fléau est un album intemporel et donc qui devrait bien tenir les années. Il ne réfère à aucune époque précise et ne véhicule pour ainsi dire aucune idéologie autre que l’acceptation du libre imaginaire. Par exemple, on dirait de lui qu’il a été écrit il y a trente ans et ce serait envisageable.
Merci à toi ! Tes excellentes questions m’ont aidé à situer d’avantage tout ce travail.
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La photo n'est pas celle de l'entrevue que vous venez de lire qui, elle, s'est déroulée par courriel entre Carine, une amie, et Marsi. Je sais, je fais tout pour vous mêler ... mais pas éternellement ! La photo représente donc une autre entrevue d'environ deux minutes entre Anick Moulin et Marsi qui a eu lieu hier au Salon du livre de l'Estrie pour l'émission Sortir.