Dissémination volontaire d’OGM et règles de compétence issues de la charte de l’environnement (CE, Sect. 24 juillet 2009 CRI-GEN)

Publié le 16 octobre 2009 par Combatsdh

Le décret n° 2007-359 du 19 mars 2007 relatif à la procédure d’autorisation de mise sur le marché de produits non destinés à l’alimentation composés en tout ou partie d’organismes génétiquement modifiés (codifié depuis dans le Code de l’environnement) était contesté devant le Conseil d’Etat par le COMITE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION INDEPENDANTES SUR LE GENIE GENETIQUE (CRII-GEN).
Son objet principal était de définir la procédure d’autorisation de mise sur le marché des produits non destinés à l’alimentation composés en tout ou partie d’OGM en application de l’article L. 537-1 du code de l’environnement et en vue de la transposition d’obligations résultant de la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001.

L’enjeu essentiel était de savoir si certaines législations fondant ce décret avaient pu être implicitement abrogées par la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 intégrant la charte de l’environnement de 2004 dans le Préambule de la Constitution, notamment s’agissant des règles de répartition des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire.
Prolongeant sa jurisprudence (CE, Ass., 3 octobre 2008, n°297931 , Commune d’Annecy) et celle du Conseil constitutionnel (n°2008-564 DC du 19 juin 2008 loi relative aux OGM), le Conseil d’Etat rappelle, en premier lieu, que « l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement, (…) à l’instar de toutes celles qui procèdent du Préambule de la Constitution, ont valeur constitutionnelle ».

S’agissant des règles de compétence, il estime :

En premier lieu, les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement (« toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ») et de l’article 34 de la Constitution qui prévoit, dans la rédaction que lui a donnée la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, que la loi détermine les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement ont valeur constitutionnelle et « s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs ».
Par voie de conséquence, il appartient au seul législateur le soin de préciser les conditions et les limites dans lesquelles doit s’exercer ce droit - à l’exclusion du pouvoir réglementaire qui depuis l’entrée en vigueur de la charte de l’environnement ne peut plus que « définir les mesures d’application des conditions et limites fixées par le législateur ».

Toutefois, les dispositions compétemment prises dans le domaine réglementaire antérieurement à l’entrée en vigueur de la Charte de l’environnement demeurent applicables postérieurement à l’entrée en vigueur de ces nouvelles normes alors même qu’elles seraient intervenues dans un domaine désormais réservé à la loi.

Au bilan, depuis la date d’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, une disposition réglementaire ne peut intervenir dans le champ d’application de l’article 7 de la Charte de l’environnement que pour l’application de dispositions législatives, notamment parmi celles qui figurent dans le code de l’environnement, que celles-ci soient postérieures à cette date ou antérieures, sous réserve, alors, qu’elles ne soient pas incompatibles avec les exigences de la Charte.

En second lieu, il résulte de l’article 3 de la de la Charte de l’environnement (« toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ») que :

- les dispositions de l’article 2 e) et 13ème alinéa du décret et de son article 13 - précisant l’obligation, pour les demandeurs d’une autorisation de mise sur le marché de produits non destinés à l’alimentation composés d’organismes génétiquement modifiés, de mettre au point un plan de surveillance, et l’adaptation éventuelle de ce plan, après une première période de surveillance - sont « relatives aux conditions de prévention des atteintes susceptibles d’être portées à l’environnement » et ne pouvaient être fixées que par la loi et sont, par suite, entachées d’incompétence

- En revanche, qu’en tant qu’il a notamment procédé, par les autres dispositions du décret attaqué, à la définition des éléments relatifs à la procédure d’autorisation, le pouvoir réglementaire n’a pas excédé les limites de l’habilitation consentie par les dispositions précitées de l’article L. 537-1 du code de l’environnement.

Après l’examen de ces questions de compétence, le Conseil d’Etat se prononce également, pour les rejeter, sur un certain nombre de moyens de légalité interne portant sur la conformité de dispositions du décret à la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001.

En définitive, le CRII GEN obtient l’annulation, pour incompétence du pouvoir réglementaire, des seuls dispositions de l’article 2 e), du troisième alinéa du I de l’article 11 - I, 3ème alinéa du décret attaqué, en tant qu’elles mentionnent le but et le lieu de la dissémination, les utilisations prévues et en tant qu’elles mentionnent les informations exigées au e) du troisième alinéa de l’article 2 , de l’article 13 et de l’article 17 du décret attaqué.

Par ailleurs, dans un souci de sécurité juridique  et au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, le Conseil d’Etat module les effets dans le temps des effets de son annulation à compter du 30 juin 2010, dans le prolongement de l’arrêt AC ! (CE, Ass. 11 mai 2004, n°255886). En effet, que l’annulation immédiate des dispositions entachées d’incompétence serait de nature à méconnaître l’exigence constitutionnelle de transposition en droit interne des directives communautaires et à entraîner des conséquences manifestement excessives dès lors que les lois du 25 juin 2008 et du 1er août 2008 ont seulement fixé certaines modalités et limites de l’information et de la consultation du public et que le décret visait à transposer d’autres obligations résultant de la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001.

 
CE, Sect. 24 juillet 2009 COMITE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION INDEPENDANTES SUR LE GENIE GENETIQUE, n° 305314  

Actualités droits-libertés du 15 octobre 2009 par Serge SLAMA