L'Histoire commence par des phrases rapides, des phrases qui halètent comme quand on pédale pressé d'arriver à destination. "Madeleine grelotte. Elle souffle sur ses doigts. Une main après l'autre. Un froid mouillé s'engouffre sous sa jupe." Et très vite on plonge. 1942. Campagne bretonne. Aux abords de Rennes. La France sous le coup de l'armistice. La France occupée.
J'ai aimé ce livre même si j'avoue avoir tardé à le faire, car j'ai trouvé lente la première partie. En fait, l'auteur adopte un style efficace, qui m'a retenue. Le débit est lapidaire, le rythme s'accélère, c'est infernal, car plus on avance dans la lecture, plus l'impuissance s'amplifie. Elle sait nous emporter dans cette ambiance ambivalente, lourde et légère à la fois. Ne plus être en guerre, l'être encore. Une jeune fille sur son vélo, un petit seize ans, et pourtant …. le plafond du ciel est bas et gris, le soleil brumeux est parti voyager dans l'autre hémisphère … Ce couple de l'amour et de la collaboration est fulgurant d'émotions.
Qu'est-ce que 40 ans ? …
La vindicte populaire …
A quelles autres œuvres cela me fait-il penser ? …
… Qu'est-ce que 40 ans ? …
J'ai un 40 ans jeune de 14 mois. C'est dire que je vois le jour à l'heure où les Jeunes de 20 ans se prennent en mains armées de pavés; à l'heure où l'Amour déclare sa flamme et sa liberté aussi par le divorce; à l'heure où la Femme s'écartèle, se mutile comme l'animal pris au piège du chasseur, pour gagner ses vies sociale, économique, personnelle et maternelle.
Et voilà qu'au fil des pages, presque un demi-siècle s'écoule. Au fil des pages, c'est l'histoire d'une femme qui est née 40 ans avant moi. C'est pas long, 40 ans. Statistiquement, c'est être à mi-chemin. Je nais quand l'héroïne de ce roman fête ses 40 ans. Je suis sûre de connaître cette femme. Je découvre sa vie. La vie de Madeleine me transperce. Ma Jeunesse ne comprend pas, mon Amour saigne, et mon élan Maternel hurle !
Il y en a eu 200 000 en France, 200 000 Madeleine, 200 000 enfants de Madeleine aussi. J'ai forcément rencontré sa fille au détour d'un voyage, d'une visite, d'une rencontre. Sa fille a l'âge de ma mère.
Et pourtant … Comment condamner la vindicte populaire ?
La vindicte populaire …
Valentine Goby, là encore, fait preuve de subtilités. Elle nous offre les faits, tristement plausibles, charge à nous d'être choqués ou non, d'être confirmés dans nos idées ou non. "En ce temps-là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait les filles. On alla même jusqu'à les tondre.", dixit Paul Eluard.
Au cours de cette «Leçon d'hygiène patriotique», des hommes et des femmes punissent – sans procès, sur délation - encore - une jeune fille française, a priori coupable d'avoir partagé des heures de sa vie avec un officier allemand. Ces patriotes connaissent-ils l'œuvre de Liszt ? Non, bien sûr.
Et Madeleine, marquée dans sa chair, ne veut retenir, de cette rancœur tenace, qu'un visage. Merci, Valentine Goby, de tout mélanger sans faire d'amalgame. (pardon lecteurs de n'être pas plus explicite, je ne veux pas vous dévoiler ce passage du roman).
Notre Histoire de France est chargée de racisme et d'ignorance et de peur, est chargée aussi de confusion et d'horreur, de morts et de morts vivants et de victimes …. Et je rends hommage au général de Gaulle qui a voulu préserver l'union et la fierté de son peuple, et qui a su l'emmener – si vite quand on y pense – à la réconciliation avec l'Allemagne. Par sa vision de Chef de l'Etat, il a œuvré pour une Paix durable, tant avec nos voisins qu'entre nous. Unir son peuple, pour mieux régner, pour l'apaiser, pour le rendre meilleur et plus efficace … On pourra dire tout ce qu'on voudra du Général, mais voilà un Président qui a prouvé qu'il était investi d'une Mission Politique au service de son peuple. Unir pour mieux régner … Qu'on se le dise.
A quelles autres œuvres cela me fait-il penser ?
J'ai une pensée émue pour Le Non de Klara, Soazig Aaron, et un respect infini pour Simone Veil et la première partie de son Une vie.