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L’influence du front anti-occidental des puissances régionales énergétiques

Publié le 16 octobre 2009 par Infoguerre

L’Iran se trouve aujourd’hui au centre des préoccupations tant régionales qu’internationales. L’entente affichée d’Hugo Chavez et d’Ahmadinejad se double désormais du soutien régional de la Russie à ses partenaires antioccidentaux, à l’instar de l’Iran. Naît ainsi un « axe du mal » tripartite, « contagieux », aux ambitions énergétiques autonomes, voire militaires, et dont les membres se positionnent régionalement en potentiels leaders. L’enjeu présent est donc de déterminer la mesure de leur puissance énergétique, voire financière, d’abord régionalement, afin de réaliser la puissance et l’influence mondiale que constitue leur entente antioccidentale.

Le Venezuela, neuvième producteur mondial de pétrole  (estimation octobre 2008), en fournit à bas prix dans la plupart des Etats d’Amérique centrale et latine et, en particulier, à plusieurs nations caribéennes depuis l’accord énergétique entre Caracas et le Mexique, en 1980.

Le Venezuela dispose, en outre, d’une vraie puissance financière: le vingt septième fonds souverain par actifs gérés: le Macroeconomic Stabilization Fund, pesant environ 0,8 Mds de dollars. D’ailleurs, Total s’apprête à investir 25 Mds $ pour exploiter conjointement avec Petroleas de Venezuela un bloc pétrolifère dans le bassin de l’Orenoque. De plus, la création de Petrocaribe fut l’occasion de créer une alliance régionale comprenant un fonds de coopération et d’investissement. Le Vénézuela s’est affirmé comme le leader politique et même financier de cette alliance, par laquelle il entend marquer l’indépendance énergétique de la région, et mettre fin à l’influence nord-américaine sur la « Mare Nostrum » (Caraïbes).

Ainsi, sur douze Etats, cinq se positionnent radicalement et ouvertement contre les Etats-Unis et le libéralisme économique. Au sommet du MERCOSUR de 2005, Caracas avait proposé un « anneau énergétique » sud-américain, comprenant la construction d’un gazoduc des puits gaziers, traversant l’Amérique du Sud. Rappelons que le Venezuela est aussi le 9e producteur mondial de gaz. La Communauté Andine des Nations (CAN) établit un accord énergétique avec la création de Petroandina, pour impulser « l’interconnexion électrique et gazière, la fourniture mutuelle de ressources énergétiques et des investissements conjoints dans des projets ». Chavez multiplie les ententes, tant et si bien, qu’il a accueillies, il y a deux semaines, le sommet de Magarita (Afrique-Amérique Latine), dans le but de former une grande alliance des pays du Sud, capable d’influer sur la scène internationale. Chavez a, à cette occasion, reçu les soutiens de Kadhafi et Mugabe, notamment pour sa politique pétrolière nationaliste, mais aussi du Nigéria, de l’Angola et du Soudan: « Nous voulons que Caracas devienne la plaque tournante des arrivées, activités et correspondances entre l’Afrique et les autres pays d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale et des Caraïbes ». Le Venezuela est d’ailleurs le premier exportateur latino-américain de brut. Selon Chavez, « le monde du XXIe s. sera multipolaire. (…) Nous formerons de véritables puissances et notre union contribuera à l’équilibre du monde ». Ce dernier a alors proposé la création du Petrosur: une compagnie publique plurinationale chargée d’alimenter en pétrole les deux régions.

D’autre part, en 2005, le Vénézuela a cherché à se procurer un réacteur nucléaire auprès de l’Argentine et du Brésil. Ce réacteur servirait à améliorer l’exploitation pétrolière. En outre, en mars 2005, Caracas avait signé un large accord de coopération économique et technique avec Téhéran. Et ainsi, le 9 septembre 2009, dans un entretien au Figaro, Chavez annonce que l’Iran aide le Venezuela à développer son programme nucléaire civil. Chavez a remercié son homologue iranien pour ses transferts de technologie. Ils ont signé un accord. Chavez en a profité, alors, pour assurer son soutien au président iranien, en rappelant que ce dernier a été élu par une majorité de ses concitoyens, et que la minorité n’est donc pas en droit de contester le résultat. La puissance iranienne est à rapprocher du Venezuela. L’Iran n’est pas seulement le 4e producteur de pétrole au monde, il est aussi le 4e producteur mondial de gaz. L’Iran dispose également des moyens financiers suffisants pour assurer son autonomie, du moins régionale: il détient le 22e fonds souverain par actifs gérés au monde (le Oil Stabilization Fund, 12,9 Mds $). Le manque de transparence laisse présumer, aux yeux des spécialistes, un fonds bien supérieur. Par ailleurs, par le biais d’un contrôle total et permanent que le pays exerce, dans le golfe persique, sur le détroit d’Hormuz, l’Iran est en capacité de maîtriser la circulation maritime donnant accès au Koweït, à l’Arabie Saoudite et aux Emirats. En bloquant le canal et grâce à la portée (2000 km) de ses missiles Shahab 3, le pays contrôle une très large partie de sa région. Dès lors, il apparaît difficile pour le Conseil de sécurité de l’ONU de sanctionner l’Iran. La Chine et la Russie, membres permanents y opposeraient d’ailleurs certainement leur veto. En effet, outre le soutien local idéologique de la Syrie, et l’assurance affichée de l’Iran en Irak, au Liban, ou en Palestine, la Chine noue des relations commerciales importantes avec l’Iran comme l’achat de gaz liquéfié pour 20 Mds $, début 2004. En octobre 2004, un accord a été signé pour l’exploitation du gisement iranien du Yadavaran. Les intérêts entre les deux pays sont effectivement complémentaires: alors que l’Iran est un grand producteur d’hydrocarbures, la Chine en est un grand consommateur. Par ailleurs, fin 2008, Chavez a rencontré Poutine. Ce dernier lui a proposé une coopération dans le nucléaire civil en particulier, ainsi que « d’autres possibilités de coopération » entre les deux pays, dans les énergies, la pétrochimie, la construction de machines et les hautes technologies. L’accord fut signé en novembre 2008.

La Russie est, elle, le deuxième producteur mondial de pétrole et le 1er producteur de gaz. Cette superpuissance énergétique est, de surcroît, une puissance financière de poids: elle dispose du 5e fonds souverain par actifs gérés: le National Welfore Fund + Oil Stabilization Fund (220,2 Mds $). La Russie, non seulement fournit connaissances et technologies, mais aussi participe activement au développement des infrastructures nucléaires d’Iran. Ex: la construction d’un réacteur russe à Bushehr. Régionalement, la Russie mène une politique de coopération et des dialogues simultanés avec chaque partie des conflits locaux, ce qui lui confère un avantage substantiel clair. Stratégiquement, le soutien russe à l’Iran n’est pas anodin. L’Iran est un acteur majeur (puissance) au Moyen-Orient, et généralement en Asie centrale (mer Caspienne), pour la Russie. L’intérêt stratégique indirect pour la Russie est clair : si elle renonce à s’investir dans la région, la Chine prendra sa place en Iran, comme c’est déjà le cas dans certains Etats ex-satellites de l’URSS: l’enclavement par la Chine du Xinjiang (ex Turkestan) en 1949, qui joue un rôle géostratégique par sa richesse en ressources naturelles et sa  position en Asie centrale. C’est pourquoi ont été créées des organisations régionales comme l’OCS (organisation de coopération de Shanghai), après la CEI, faisant obstacle ainsi à la pénétration nord-américaine dans ma région. L’intérêt géostratégique direct pour la Russie s’inscrit dans un avenir proche: l’Iran se positionne en puissance régionale et potentiel leader mondial de l’Islam. Si l’Iran parvient à achever son programme nucléaire, l’ordre régional sera réorganisé. La position d’Israël, paradoxalement, sera renforcée, l’Etat juif apparaissant ainsi comme le rempart du monde occidental. L’ « équilibre de la terreur » entre les deux nations conférera à l’Iran un statut transformé. Mais si la région est dénucléarisée, Israël compris, la Russie (membre permanent du Conseil de sécurité) demeurera l’unique puissance nucléaire régionale. En leader énergétique, nucléaire et commercial, la Russie pourrait alors bien devenir le leader politique d’un nouveau pôle antioccidental.

Les relations commerciales florissantes entre le Venezuela, l’Iran et la Russie, leur étroite collaboration énergétique et le rôle central et influent qu’exercent régionalement (voire intercontinentalement) chacune de ces puissances, témoignent d’un rapprochement géostratégique, et de plus en plus politique, antioccidental. Alors que Chavez, à l’instar du président égyptien la semaine dernière, propose un désarmement nucléaire généralisé au Moyen-Orient, le président vénézuélien assure, malgré tout, son soutien à l’Iran qui n’a pas renoncé au nucléaire militaire et qui n’est pas revenu sur sa volonté de « rayer Israël de la carte ». La Russie, elle, reste étrangement silencieuse.

Tristan Carayon


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