J’avais ironisé il y a déjà deux ans sur le «sarcopte», parasite redoutable qui provoque la gale. Le jeu de mot était facile avec «sarko» puisque c’est bien ainsi que s’écrit en grec le mot «chair», de “sarx”… «copte» venant de “koptein” : couper. Il s’agit d’une maladie sans doute bénigne mais très contagieuse – par simple contact - et fort désagréable par les démangeaisons qu’elle provoque notamment la nuit – classiquement entre les phalanges des mains mais l’on peut trouver d’autres localisations sur le corps.
J’avais bien vu passer l’info sur une newsletter, sans doute celle de 20 minutes Trois cas de gale à l’Elysée mais sans avoir le temps de m’y attarder. Contrairement à Clio qui m’a dit tout à l’heure au téléphone qu’elle pensait qu’il s’agissait d’un gag, je pris l’info au sérieux et la retrouvai ensuite sur Libération qui la traite en deux articles. Dont sur le blog de «Secret défense» Gendarmerie : gale républicaine à l’Elysée , toujours très bien informé sur les questions touchant à la Défense nationale, ce qui relève de l’exploit, s’agissant de la «Grande muette» et un autre dans la rubrique «société» : Des gardes républicains de l’Elysée auraient contracté la gale.
Comme tous les militaires, les gendarmes – dont dépend la Garde Républicaine – sont tenus à une très stricte obligation de réserve. Et sans doute plus particulièrement encore quand ils tiennent garnison à l’Elysée. Ils se sont donc plaints par lettre anonyme adressée, ce me semble d’après ce que j’ai entendu hier matin sur France-Info à l’Association de défense des droits des militaires : normal, sachant que les gendarmes pas plus que n’importe quel militaire n’ont le droit d’être syndiqués, contrairement aux policiers.
Motus et bouche cousue : la règle est inflexible. Comme je voulais m’assurer qu’elle était toujours en vigueur dans toute sa rigueur, je viens de mener une courte enquête sur Google et bingo ! je trouve immédiatement un article du Monde qui tombe à pic : Un gendarme menacé de radiation pour manquement à l’obligation de réserve.
Il s’agit du cas très particulier d’un chef d’escadron de la région Picardie, qui coiffe en quelque sorte une double casquette car si Jean-Hugues Matelly est bien gendarme, il est également chercheur associé au CNRS et depuis 2000, travaille également dans le milieu universitaire, notamment au Cesdip, un laboratoire du CNRS sur les questions pénales.
Or, il a le souverain don de déplaire à sa hiérarchie en raison de ses prises de position et ses écrits, notamment le livre «Police, des chiffres et des doutes» (Michalon, 2007) co-signé avec Christian Mouhanna, un autre universitaire. Il vient de récidiver, le 30 décembre 2008, en co-signant avec deux chercheurs du CNRS un article diffusé par le site Rue89, intitulé “La gendarmerie enterrée, à tort, dans l’indifférence générale” où il critiquait le rapprochement de la police et de la gendarmerie.
Le 16 juin, la DGGN décidait de son renvoi devant le conseil d’enquête – l’instance disciplinaire de la gendarmerie nationale - pour avoir exprimé “une désapprobation claire vis-à-vis de la politique conduite par le gouvernement” et parce qu’il s’est soustrait à “l’exigence de loyalisme et de neutralité liée à son statut militaire”. On ne badine pas avec le petit doigt sur la couture du pantalon.
Il risque ni plus ni moins que la radiation. S’agissant d’un officier supérieur, c’est à Nicolas Sarkozy qu’il appartiendrait de signer le décret si elle était prononcée… Quand on connaît l’amour indéfectible de Sarko pour les chercheurs, l’issue ne semble faire a priori aucun doute. Pensez-donc ! Un chercheur qui n’accepte pas de la boucler… c’est bien évidemment une sorte de «gale» dans le milieu gendarmesque…
Celle qui touche nos gardes républicains de l’Elysée sera sans doute plus difficile à éradiquer. Un trait de plume n’y suffira pas. D’autant que les pandores se plaignent de leurs conditions d’hébergement. Locaux vétustes, promiscuité, manque d’hygiène manifeste. Y assurant la sécurité 24 heure sur 24 heures ils doivent bien entendu y dormir par roulement.
«Les locaux étaient dégueulasses» confirme une source de la gendarmerie citée par «Secret défense». Certains gardes républicains coucheraient dans des «lits armoires» qui ne sont jamais aérés et ils doivent investir eux-mêmes dans des draps jetables… La literie n’étant presque jamais changée. Il est vrai que le train de vie de l’Elysée est si modeste !
La gendarmerie et l’Elysée ont fini par admettre, fort tardivement, que 3 cas de gale avaient bien été détectés cet été. La lettre parlait de 4. Mais ils ne peuvent s’empêcher de contredire point par point les doléances des gardes républicains. Sans pour autant être convaincants.
Deux des pavillons dans lesquels sont logés les gardes «présentent des conditions d’hébergement satisfai-santes» affirme l’Elysée dans un communiqué admettant toutefois que le «poste d’honneur, qui n’a plus été restauré depuis l’année 1998, nécessitait une réfection que nous avons programmée en 2009 et qui a été engagée à la fin du mois de septembre».
«Secret défense» décrypte le communiqué de la Gendarmerie : «Des mesures sanitaires ont «immédia-tement été prises» et «des travaux de réfection des chambres des gardes programmés de longue date – ce qui veut dire qu’ils ont beaucoup tardé - sont en cours»… afin de «limiter la promiscuité qui est le principal facteur de risque de cette maladie»… La promiscuité est donc reconnue puisque l’on parle de la limiter : à cause d’autres travaux, 16 gendarmes devaient s’entasser dans local de vie prévu pour 10 personnes maximum…
Décidément, les gardes républicains en poste à l’Elysée ne mènent nullement «la vie de château» !
Ils se plaignent : «Chaque jour, nous devons accomplir nos missions avec des moyens dérisoires, du matériel obsolète, hors d’usage, et ceci avec la peur de la sanction et aucune reconnaissance». La considération pour le «petit personnel» est une marque de fabrique chez Nicolas Sarkozy !
Il ne leur resterait plus qu’à attraper des morbacs pour que le tableau sanitaire soit complet…