FREEDOM (marque déposée)
Freedom est un manga animé en sept épisodes de Katsuhiro Otomo (Akira, Steamboy) qui à la particularité d'être une commande publicitaire de la société Nissin pour ses cup noodle (pâtes instantanées). On pouvait s'attendre à quelque chose d'instantanément consommable et oubliable. Mais Otomo fait preuve d'une finesse assez paradoxale.
Je ne parlerai pas ici de la qualité du manga, assez moyenne, mais de ce que Otomo nous dit en substance.
L'histoire est celle de Takeru, habitant de Eden, mégalopole construite sur la face cachée de la Lune depuis que la Terre est devenue inhabitable 160 ans plus tôt à cause de pollution et de guerres sans fin. Eden est laissée dans l'ignorance que la Terre s'est rétablie et que ses habitants y vivent à nouveau bien. Mais Takeru, pour l'amour d'une terrienne dont il trouve la photo sur la face visible de la Lune, va se battre pour la retrouver et rétablir la vérité.
Ce qui est surprenant dans ce manga, c'est la description de Eden, société où le chaos dût à l'Homme, à la Nature, est enfin maîtrisé par un environnement artificiel et l'endormissement de ses habitants dans l'ennui d'un bien être à la Big Brother, chaque « citoyen » porte un bracelet avec nom et matricule qui leur dit quoi faire ou non. Et lorsqu'il y a un pas de travers, le service de sécurité relaie celui de la surveillence de façon très diligente allant d'heures de bénévolat au lavage de cerveau. D'où le mensonge sur l'état de la Terre, ses habitants non mis au pas ne pourraient que ramener le chaos par leurs mauvaises habitudes.
Cette Eden est une métaphore parfaite de nos sociétés modernes dans lesquelles plus personnes n'a d'idéal, de rêve d'avenir trépidant, dans lesquelles la grande question de demain est que vais-je pouvoir consommer, comment et à quel prix.
Car c'est toujours à cette question que tous nos simili combats nous ramènent, autant celui d'une Terre plus propre que celui contre la grippe A. D'où sans doute la difficulté de connaître la vérité sur ces problèmes. Nous sommes noyés d'informations, de directives mais finalement, comme le dit le dirigeant d'Eden, « pourquoi la vérité serait préférable au statu quo ? ». Notre statu quo est nos démocraties obtenues de hautes luttes, mais maintenant, pour quoi nous battons-nous ? Pour que nous ayons de réelles démocraties ? Ne nous leurrons pas l'homme n'est pas fait pour ça, l'homme est le chaos. Et c'est ce que Otomo nous raconte, que nous devons l'accepter, la vie est faite de tranquillité et de drames, de calmes journées ensoleillées comme de tsunamis dévastant tout.
Dans ce manga, où un personnage mange toutes les cinq minutes des cups noodle avec les étiquettes des gobelets toujours tournées dans le bon sens, Otomo, pourtant payé par Nissin, nous livre un message de liberté. Pas la liberté révolutionnaire d'antan mais celle d'une capacité à rêver, à croire en son intuition, en son libre-arbitre, surtout quand ceux-ci vont à l'encontre du discours politiquement correct ambiant. D'où le côté paradoxal dont je parlais au début. Mais qui ne l'est peut-être pas autant.
Je ne crois pas à un monde meilleur par la décroissance, le capitalisme est le moteur de la démocratie (la Chine me paraît en être le meilleur exemple actuellement), mais par la mise en avant du libre-arbitre, du bon sens dont tout un chacun est capable. Le combat est là et c'est là qu'aujourd'hui, le mot « freedom » prend toute son ampleur.
Mais peut-être Otomo se moque-t-il aussi de nous, pauvres terriens ennuyeux et apeurés par le rêve, l'emportement des ses possibles réalisations. Freedom ne serait alors qu'un slogan de plus pour Nissin comme le fameux « just do it » et la boucle est bouclée, mangeons des cup noddles...
Ecrit par Mrs Lee