Difficile de trouver terre située plus aux antipodes de la nôtre que la Tasmanie, une terre trop peu connue en France, sinon pour son célèbre diable dont le nom rappelle souvent moins au grand public le petit marsupial glouton qui y vit que le héros de dessin animé qui en est librement inspiré. Plus difficile encore est d’imaginer que, depuis 2007, le maire du groupement de communes de Glamorgan-Spring Bay, qui s’étend sur une distance de 160 km le long de la côte Est de l’île, est un Français natif de Soisson.
Et quel Français, d’ailleurs, que Bertrand Cadart ! De loin, avec ses impressionnantes moustaches et ses larges favoris, ce sexagénaire ferait volontiers penser à l’empereur Guillaume 1er, mais cette impression s’estompe rapidement. Rien, chez lui, ne rappelle en effet le sévère souverain prussien ; jovial, truculent, joyeusement extraverti, il semble plutôt tout droit sortir d’un roman de Rabelais, auteur avec lequel il partage visiblement l’amour de la bonne chère.
A peine avait-il posé ses valises en Australie, il y a 30 ans, que le cinéaste Georges Miller fit appel à lui pour réaliser les motos assez délirantes de son film Mad Max, lequel devint le succès planétaire que l’on sait. En prime, Bertrand Cadart décrocha, aux côtés de Mel Gibson, le rôle de Clunk, un motard déjanté - une aubaine pour ce passionné de mécanique. C’est toujours en moto (un trike personnalisé, naturellement) ou au volant de sa Pontiac dont il vante la musique du moteur V8, qu’il parcourt aujourd’hui la région qu’il administre. Rien n’est plus curieux que de voir ce maire, arborant une veste rouge, ou bien un large nœud papillon bariolé sur une chemise d’un jaune intense, présider un conseil municipal ou aller à la rencontre de ses concitoyens.
Conscient que son image un peu excentrique, voire burlesque, participe à sa popularité, il en joue pleinement, ce qui lui vaut un certain succès dans la presse australienne. Sa démarche ne s’inscrit pas dans le narcissisme, mais dans le pragmatisme : en devenant lui-même une vitrine de sa région, il assure à peu de frais, et non sans succès, la promotion du tourisme, la principale ressource du pays, avec la pêche.
Peu de Français, sans doute, s’étaient aventurés sur cette côte, depuis le séjour qu’y fit en 1802 le navigateur Nicolas Baudin, envoyé par Bonaparte dans le cadre d’une mission d’exploration des terres australes. De son voyage scientifique, restent quelques souvenirs, dans la région de Glamorgan-Spring Bay, qui ont pour nom péninsule Freycinet, cap Tourville ou Ile aux phoques, en français dans le texte.
Illustrations : carte de l’Australie (en rouge, la Tasmanie) - Bertrand Cadart avec la députée Heather Butler - Le Diable de Tasmanie.