crédit photo: Olivier Bareau
« Surdoué », un mot qui a une consonance différente parmi chacun d'entre nous. Nous avons tous, moi la première, notre représentation d'une personne surdouée. Une espèce de petit génie, un Mozart, un Einstein, un scientifique moche à lunettes terré dans son labo, un mioche à la limite autiste qui vous récite tout Shakespeare à 4 ans. Un être à part que l'on envie parfois, que l'on déteste aussi car tout lui semble facile, à qui on ne souhaiterait pas ressembler quand on observe sa façon de s'habiller.
Et bien on a tout faux ! Comme beaucoup de sujets, la majorité d'entre nous ignorons tout des spécificités des enfants et adultes surdoués. Beaucoup d'idées reçues malheureuses circulent. Savez-vous par exemple que 70 % des enfants surdoués sont en échec scolaire ? Quel gâchis pour notre société ! Quelles en sont les causes ?
D'aucuns estiment que la surdouance est un mythe, qu'il existe un génie par siècle. D'autres, comme certains enseignants par exemple, fixent, à juste titre puisque nous parlons d'une problématique méconnue, leur priorité en fonction des enfants qui vont mal ou qui sont en retard sur le plan scolaire. Le fait est que si le cas du retard scolaire est avéré, l'inverse est tout aussi problématique. On reste différent, en dehors. Une dizaine d'autres spécificités inhérentes à la surdouance viennent s'y greffer comme : le fait de ne pas comprendre les consignes (les interpréter littéralement ou ne pas pouvoir penser que ce soit aussi facile), un besoin de précision absolue, une pensée en arborescence, une puissante captation des émotions d'autrui difficilement gérable, un perfectionnisme handicapant, etc). Sans oublier le fait que la plupart des surdoués n'ont pas été diagnostiqués (test de QI de plus de 130), ce qui peut avoir de tristes conséquences : l'éternel sentiment d'être différent, anormal et de tout mettre en œuvre (jusqu'à même se nier soi-même) pour être intégré.
« Être surdoué, c’est penser dans un système différent, c’est disposer d’une forme d’intelligence particulière. C’est aussi grandir avec une hypersensibilité, une affectivité envahissante, qui marquent la personnalité. Ce n’est pas un enfant avec un « plus », malgré la terminologie ambiguë, ni un génie qui aurait tout reçu. »
Ainsi, j'ai vu ma fille à quatre ans tomber en dépression, dire « je ne sais pas » lorsque sa maîtresse lui posait une question, pleurer et hurler à la maison de frustration. Pour être comme les autres, elle s'est longtemps sabotée elle-même en donnant exprès, et avec une grande maîtrise, des réponses fausses aux interrogations.
« Il en résulte une susceptibilité extrême, douloureuse pour lui, difficile à vivre pour ceux qui l’entourent. Tout le touche et souvent le blesse. Attention à l’impact que peut avoir la moindre remarque, aussi anodine soit elle ! Les réactions impulsives peuvent être violentes et spectaculaires. Les colères bruyantes et ingérables. Mais comment ne pas comprendre cette susceptibilité quand on a intégré à quel point cet enfant ressent tout avec une telle intensité ? »
Mes enfants sont à part comme tous les autres enfants. Ils ne sont pas plus intelligents, ils pensent juste différemment. Ils possèdent une pensée « en réseaux » qui leur permet de comprendre rapidement. Ils ont une riche personnalité, comme tous les enfants. Une pensée en effervescence (comme les boules du loto) qui ne s'arrête jamais, même pas la nuit et dont il résulte des troubles du sommeil. Leur hypersensibilité leur fait porter le monde sur leurs petites épaules. L'incompréhension du monde peut les faire basculer en un rien de temps. Leur regard scrutateur peut être insupportable. Ils comprennent, repèrent, interprètent les émotions des autres rapidement. Ils les portent aussi. Oui, la surdouance est une richesse. Oui, la surdouance est souvent un handicap, un écueil, une barrière qui sépare des autres. Oui, la surdouance a un prix. Celui de tout le temps penser jusqu'à en être épuisé, le sentiment de décalage, la tentation inconsciente de se saboter afin de se fondre dans le moule pour goûter à la délicieuse sensation d'être intégré.
« Pourquoi est-on surdoué ? Il s’agit d’une composante génétiquement programmée comme la plupart des caractéristiques qui nous distinguent les uns des autres. L’un a les yeux bleus, l’autre les cheveux frisés… mais attention ! Génétique ne veut pas dire programmable ! C’est une question de probabilité puis de loi du hasard, totalement aléatoire. On ne peut jamais prévoir comment les gènes se combineront. »
Je voulais vous parler de ces deux lectures. Spontanément, ce billet est devenu plus personnel. Nous ne sommes pas des parents qui poussent leurs enfants vers l'excellence. Nous refusons toute forme d'élitisme. Nous sommes nous aussi comme les autres, notre vœu le plus cher est de voir nos enfants heureux de vivre, bien dans leur bask' et en bonne santé. L'âge auquel ils ont su faire ceci ou cela n'a aucune importance. Pour atteindre notre objectif, il est important de prendre leurs particularités en compte. C'est ce qu'ils sont et nous en sommes fiers. Nous sommes parfois jugés, souvent soutenus, parfois fatigués des crises de frustration quotidiennes mais convaincus de faire ce qui est juste en suscitant le dialogue avec les partenaires de l'éducation de nos gamins. Au final, beaucoup d'énergie mais de nombreuses surprises et rencontres riches en apprentissages.
Je souhaite couper court à toute polémique. L'intelligence est un sujet tabou et le risque d'être prise pour une personne narcissique est grand. Vous trouverez parmi la plupart des spécificités des enfants dits surdoués ou à haut potentiel (peu importe la dénomination, elles sont toutes les deux inadaptées), les mêmes particularités que chez beaucoup d'enfants ou d'adultes. Il est important de comprendre que chez l'enfant surdoué celles-ci sont exacerbées à l'extrême. D'autre part, il ne s'agit en aucun cas de démontrer que ces enfants possèdent une supériorité quelconque, bien au contraire, ils commencent leur parcours avec un boulet à leur pied. Ils devront apprendre comment vivre avec et au mieux en faire une force.
Et pour finir, il ne s'agit pas non plus de stigmatiser ou de victimiser les enfants surdoués mais bel et bien de leur fournir les armes, comme tout autre enfant, pour affronter la vie en toute sérénité. L'ignorer consciemment ou le nier est considéré pour ma part comme une forme de maltraitance. Il ne nous viendrait pas à l'idée de laisser un enfant qui rencontre des difficultés scolaires livré à lui-même ou de ne donner aucune éducation spécialisée à un enfant handicapé mental. La comparaison vous choque ? Si nous partons du principe qu'un QI insuffisant provoque un handicap, n'est-il pas sensé et même logique que l'opposé provoque également des conséquences néfastes ?
Si ce billet suscite en vous quelques interrogations en tant que personne, parent, enseignant, psychologue, médecin...., je ne peux que vous conseiller ces deux lectures (commencez par le premier) très accessibles, brossant un tableau d'ensemble clair et répondant à de nombreuses questions. Jeanne Siaud-Facchin est une psychologue praticienne qui nous parle avec des mots simples des enfants qu'elle a joliment baptisé « les drôles de zèbres ». Elle nous a donné de nombreuses pistes utiles et indispensables. Ces lectures nous ont permis de comprendre, de faire sens, n'est-ce pas là l'intérêt de toute autre lecture ?
L'enfant surdoué, l'aider à grandir, l'aider à réussir
Jeanne Siaud-Facchin
En poche : Odile Jacob pratique, 338 pages, 2008
Trop intelligent pour être heureux ?, l'adulte surdoué
Jeanne Siaud-Facchin
Odile Jacob, 320 pages, 2008
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