Show Off est plutôt une mini FIAC, plus sympa, plus accueillante, mais pas aussi décalée que Slick à mes yeux. Dans le labyrinthe du Pavillon Gabriel, il ne faut pas manquer les recoins, les trésors cachés de la cave au grenier.
A la galerie bordelaise Ilka Bree (RC8), Christoph Keller montre un assemblage de photos d’ambassades américaines dans 70 capitales : immeubles laids, impersonnels, hyper-protégés (American Embassy Project). Ces images froides, aux couleurs saturées, inversées témoignent d’une double paranoïa : celle des assiégés, enfermés derrière leur Patriots’ Act et leurs angoisses face à un monde incompréhensible, et celle des éventuels assiégeants, voyant tous les maux de la terre chez leurs ennemis. C’est un travail formel, rigoureux, inquiétant, obsessionnel. La série se nomme fort bien Conspiracy Theories.
Sur le beau stand d’Eric Dupont (RC7), j’ai noté les photos en noir et blanc très claires d’Anne-Marie Filaire. Elle travaille dans des zones tampons, des entre-deux, des frontières où le pouvoir vacille, où le droit n’est plus le même. Après Beyrouth, elle s’intéresse ici à la Palestine et au Mur. Ses paysages sont quasiment vides de présence humaine, nettoyés. Elle y revient six mois plus tard et les rephotographie. Ce que nous voyons ici, ce sont des assemblages, des compositions d’un même lieu à des moments différents. Et nous le voyons dans la forme, dans le décalage des bords des photos, assemblées comme un puzzle. Ce décrochage physique de la photo rend visible le décrochage sur le terrain, l’instabilité, l’incertitude.
Accueilli par le jovial Canadien Pierre-François Ouellette (E6), j’admire la vidéo des Bourgeois de Séoul de Adda Hannah qui revisite Rodin à la mode asiatique, avec gravité et componction, et j’y découvre vidéo et photos de Luc Courchesne : sur une table ronde, un écran rond montre un paysage côtier à 360°. La terre est ronde, le flux de la mer submerge les rochers; l’artifice technique apporte une poésie étrange à cette scène toute simple. Au mur, des disques ronds portent des photos circulaires: ci-contre, le Musée d’Orsay qu’on saisit d’un coup d’oeil. D’une pichenette, on fait tourner le disque, le musée tangue, les images se diluent dans la vitesse. En cherchant bien, vous y retrouverez Madame Sabatier se pâmant sous la morsure du serpent.
La Galeria Habana (S3) est un endroit accueillant et chaleureux où, à côté des frères Capote, j’ai admiré les photos d’Adonis Flores, qui détourne avec humour et irrévérence les codes militaires. Langage, ci-dessous, non seulement note l’écart entre armée et société, entre discours militaire et vie démocratique, mais aussi nous amène à nous interroger sur la fonction même du langage dans la société. Je suis admiratif qu’on puisse montrer ça à Cuba.
Et aussi quelques artistes revus ici:
- la belle machinerie dépouillée de Vincent Leroy chez Baumet Sultana (RC5);
- la vidéo de disparition de Jemima Burrill chez Olivier Houg (RC22);
- et la couleur extravagante des perspectives chamboulées des photos de Raïssa
Venables chez Herrmann & Wagner (S1).
Show Off - Foire d'Art Contemporain
17-22 octobre
Espace Pierre Cardin - 1, avenue Gabriel Paris 8ème
Photos 1 et 4 provenant des sites des artistes. Photo 2 de l’auteur. Photo 3 courtoisie Show Off et galerie Ouellette.