La mémoire est notre guide durant toute notre vie ; lorsque nos souvenirs se meurent, un à un, la page de notre histoire se referme, et notre vie avec elle.
Alzheimer : maladie neurodégénérative du tissu cérébral entraînant la perte progressive et irréversible des fonctions mentales, principalement de la mémoire. Elle porte le nom du médecin allemand, premier à l’avoir décrite : Aloïs Alzheimer (1864 – 1915). Cette terrible et terrifiante maladie est la principale cause de démence chez les personnes âgées. Une démence variable selon les sujets. Les origines de cette maladie sont encore peu connues. Cependant, de récentes études laissent supposer que l’environnement, les stress de la vie moderne, les chocs émotionnels répétés, les souffrances mentales dues aux aléas de la vie, les duretés que chacun peut éprouver au cours de son existence, ainsi que de sévères dépressions peuvent avoir des effets déclencheurs. Cette maladie atteint les personnes âgées ; les risques étant plus importants à partir de 65 ans. Mais, phénomène inquiétant, elle est également diagnostiquée chez nombre de sujets relativement plus jeunes. La maladie d’Alzheimer gagnerait-elle du terrain ? On peut se poser la question. A ce jour, on recense plus de 200.000 cas nouveaux par an (donnée revue à la hausse dernièrement).
Progressivement, la personne atteinte d’Alzheimer perd la mémoire, jusqu’à la mémoire dite courte, celle qui lie, met en phase des personnes sur le moment, lorsque celles-ci évoquent le passé, le présent, envisagent le futur, de manière harmonieuse, cohérente, dans une compréhension nécessaire à l’instauration d’une relation, d’un dialogue, d’une discussion intelligente et intelligible. Lorsque la perte irréparable des fonctions mentales (fonctions coordonnées par le cerveau humain) s’amorce, une destruction irrémédiable du cerveau (neurones) est engagée à court et moyen terme ((7 à 12 ans après le diagnostic de la maladie, selon des études fiables) ; une course contre la montre s’établit et le temps, habituellement un ami fidèle qui aide tout individu à organiser sa vie autour de lui, devient subitement le principal ennemi, celui par lequel le naufrage, l’anéantissement, la perte de soi-même vont accomplir leur camarde fatale. Petit à petit, et inéluctablement, tout ce que le malade a de plus cher sur le plan affectif et humain va systématiquement s’effacer, disparaître de sa mémoire, pour laisser place au vide, au néant, à un trou noir. Indubitablement, le malade va perdre sa personnalité, son identité, toutes ses racines, les souvenirs des êtres chers ; seul un passé lointain, très lointain, accroché et gravé dans sa mémoire, résistera quelque temps. Puis, le malade sombre dans un mutisme total et finit par perdre toute autonomie, y compris jusqu’à sa dignité. Les souvenirs les plus éloignés, ceux que l’on croit indélébiles, vont à leur tour s’estomper, puis se gommer, s’oblitérer progressivement à leur tour ; ils s’effacent comme de la craie disparaissant du tableau après le passage d’une éponge, d’un chiffon pour ôter ce qui y était écrit. Autodétruit, le cerveau ne fonctionne plus, entraînant avec lui de multiples dysfonctions du corps, puis le malade s’éteint, le plus souvent suite à des insuffisances respiratoires.
Confrontés à une lente, mais certaine, métamorphose de la personne
atteinte, le conjoint, la conjointe, les enfants, la famille, les amis se retrouvent totalement désemparés face aux regards vides, hagards, déments, inextricables du malade. Les médecins
sont eux-mêmes dépassés ; passifs, ils vont palier les souffrances du mieux possible. Que se passe-t-il dans la tête d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer à un stade très
avancé ? Nul ne le sait. Les personnes valides ne reconnaissent plus celui (ou celle) avec lequel elles ont passé les trois-quarts de leur vie, celui (ou celle) qui leur a donné la
vie, les aura élevé, éduqué, mis sur le droit chemin. A un tel stade de dégradation mentale et physique, seul le toucher, les caresses, paraissent encore procurer des sensations au malade.
Et quand la science (la médecine) ne peut plus rien ; quand le malade devient une trop lourde charge sur tous les plans ; quand les proches baissent les bras, exténués, moralement
anéantis ; quand la fin parait proche, il faut alors songer au placement dans un centre, une maison spécialisée, où des soins palliatifs, des soins de confort seront prodigués, jusqu’à
l’extinction totale du malade. Une fin de vie, en l’état actuel des choses, difficile à dater. Hélas, il est des combats perdus d’avance, celle d’Alzheimer l’est. Le temps n'est plus rien,
il perd toute emprise sur le malade.
Et commence un véritable parcours du combattant : trouver une maison de retraite (ou établissement) sérieuse, où l’on s’occupe réellement des patients. Ces maisons sont rares et très onéreuses. C’est ainsi, on démarre sa vie en affrontant la sélection par l’argent, et on la finit en subissant la sélection par l’argent. Alzheimer ouvre les portes à un marché juteux qui rapporte beaucoup d’argent aux établissements prétendus spécialisés. J’ai vu des centres où les malades étaient drogués à coup de calmants et de neuroleptiques à un point tel qu’ils somnolaient tout le temps, n’arrivant même plus à bouger ni les bras, ni les jambes, ni la tête. Les personnels sont souvent mal formés, recrutés comme on recrute du personnel chez Mac Do. Et on ne vous parle alors plus que de revenus ; il vous est demandé de justifier que vous pourrez bien payer les factures. Tout le monde y passe, même les ayants droits. Les biens immobiliers, les biens financiers peuvent être saisis. L’Etat, par le biais des collectivités territoriales, prend une partie des dépenses en charge, après avoir ponctionné jusqu’à hauteur de 85 % les pensions de retraite du patient, ne laissant au conjoint qu’un minimum pour vivre. La réalité de cette maladie, terrible sur le plan mental, fait aussi des dégâts dans la structure même des familles. Si des solutions, pour mieux encadrer les malades, mieux conseiller, voire assister, les familles, ne sont pas rapidement trouvées, il est probable que nous irons à la catastrophe. Et la principale urgence à prendre en matière de maladies liées à Alzheimer, c’est l’information et le soutien aux familles en difficulté moralement, mais aussi financièrement.
Pendant la campagne présidentielle, lors d’une émission de débat politique, et devant des dizaines de milliers de téléspectateurs, le Président Nicolas Sarkozy s’était exprimé sur cette maladie. Il avait dit qu’il en ferait une priorité. « Cette maladie est terrible, car la personne qui en est atteinte change, devient une autre personne » avait lancé en substance le Président, le ton assez grave et emprunt d’une certaine émotion que j’avais, pour ma part, jugée plutôt sincère. Et à moins d’être victime également d’un début de maladie d’Alzheimer, je n’ai pas remarqué que le Président ait mis « le paquet », comme il le dit lui-même, sur cette maladie du siècle.
Touhami Moualek