La Cour européenne des droits de l’homme a, par une décision d’irrecevabilité, confirmé la conventionalité du nouveau dispositif mis en place par le droit français au sujet de la présence du Commissaire du gouvernement (devenu Rapporteur public depuis le 1er février 2009) lors du délibéré au Conseil d’Etat. Rappelons que la France avait été condamnée à ce sujet (Cour EDH, G. C. 7 juin 2001, Kress c. France, req. n° 39594/98) pour violation de l’article 6 (droit au procès équitable).
La décision d’espèce a été rendue à l’occasion de la requête formée par une personne qui avait saisi le Conseil d’Etat en appel cassation d’une décision d’une CAA ayant confirmé un jugement rendu en sa défaveur par le tribunal administratif de Lyon. Or, l’avis d’audience devant le Conseil d’Etat notifié à l’avocat de la requérante « appell[ait l’] attention [de ce dernier] sur les dispositions régissant la tenue de l’audience et ses prolongements ». Cet avis reproduisait ainsi des dispositions règlementaires du Code de justice administratif dont l’article R. 733-3 qui prévoit que le Commissaire du gouvernement assiste au délibéré sauf opposition écrite d’une des parties. Cette dernière faculté ne fut pas mise en œuvre par la requérante. Pourtant, celle-ci allègue devant la Cour que la présence du Commissaire du gouvernement au délibéré constitue « une rupture de l’égalité des armes devant le Conseil d’Etat, en raison de la position dominante » de ce dernier.
CPDH: à noter qu’il est déjà arrivé - au détriment de M. Aguila - qu’un requérant demande au rapporteur public de ne pas être présent au délibéré (CE, 23 oct. 2006, De Garate, n°290966 ).
La juridiction strasbourgeoise commence par rappeler l’évolution du droit français suite à l’arrêt Kress (précité) ainsi que la position du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur l’exécution de ce dernier arrêt. En effet, en application de sa mission de surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour (Art. 46.2), le Comité a adopté une résolution finale (CM/ResDH(2007)44 - partiellement reproduite) qui conclut au respect par la France de ses obligations. La modification du Code de justice administrative (décret du 1er août 2006) ouvrant cette faculté d’opposition à la présence du Commissaire du gouvernement au délibéré figure par les mesures générales qui ont contribué à ce constat. La Cour fait ici sienne l’appréciation positive portée par le Comité des ministres sur ces évolutions. Ainsi, elle relève que la requérante « a été informée préalablement à l’audience de la possibilité de demander que le commissaire du gouvernement n’assiste pas au délibéré [mais] a renoncé à cette faculté ».
En conséquence, et dès lors qu’ « aucun obstacle [n’a] empêché la requérante de faire usage de cette possibilité, [la juridiction européenne] considère que celle-ci ne saurait se plaindre devant la Cour de la participation du Commissaire du gouvernement au délibéré de la formation du Conseil d’Etat ». Tout comme d’autres griefs classiquement rejetés par la Cour (non-communication préalable des conclusions du Commissaire du gouvernement et l’impossibilité d’y répondre à l’audience ; absence de motivation détaillée du rejet d’un recours dépourvu de chance de succès), les juges européens déclarent ici ce grief irrecevable car manifestement mal fondé (Art. 35).
Ce label de conventionalité décerné au droit du contentieux administratif français sur ce sujet sensible n’écarte cependant pas tous les nuages strasbourgeois qui menacent l’institution si spécifique du rapporteur public (v. Cour EDH, 5e Sect. 30 juin 2009, U.F.C. Que Choisir de Cote d’Or c. France, req. n° 39699/03 - V. Lettre actualité du 26 juillet 2009 et CPDH du 17 juillet 2009 )
Tombés le long du lit de l’inédit
Il aime à la folie
Au ralenti je soulève les interdits
Etienne c. France (Cour EDH, Dec. 5e Sect. 15 septembre 2009, req. n° 11396/08 )
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Actualités droits-libertés du 13 octobre 2009 par Nicolas HERVIEU