Je range ma bibliothèque, retrouve des livres oubliés et notamment la revue L’Arc consacrée à Raymond Roussel (1990). Dans un article écrit par Harry Mathews et Georges Perec, on apprend que sur cinq feuillets, ces feuillets étant insérés dans un ouvrage intitulé Tragoedia Ducis Partibonis (la Tragédie du Doge Partibonis) d’Andrea Quarli, Roussel avait écrit l’ébauche d’une pièce de théâtre dont voici le résumé :
La scène se passe à Venise à la fin du 19è siècle. Accusé d’avoir violé sa fiancée, un jeune noble est sauvé in extremis par deux enfants, le frère et la soeur de la jeune fille qui jouaient à saute-mouton à l’étage au-dessus. Car leurs sauts provoquèrent des trépidations qui libérèrent les cris que la jeune fille a poussés au moment de l’agression et qui, captés par les canalisations d’eau, se sont emmagasinées sous forme de bulles dans la pomme de la douche.
Cette “révélation liquide” : “Gob !…Laisse !” accuse Gobbo, le batelier de la famille, qui avoue. La jeune fille ressuscite et le mariage est rapidement célébré.
Comme pour l’histoire du serpent à sonnette tout ça vous paraît un peu tiré par les cheveux? Mais c’est de la faute au procédé dont j’avais déjà parlé, cette histoire de métagramme.
Pour Fleisch, dans sa thèse sur les dramaturges français, suggère que le développement du thème est engendré par par la transformation de “La vérité sort de la bouche des enfants” en “La vérité sort de la douche des enfants“. La permutation du b en d est fréquente chez Roussel : Le crachat de la bonne à favoris pointus/ le crachat de la donne à favoris pointus, Dardanelles/Barde à Nesle, la place du bandit sur les tours du fort/ La place du dandy sur les tours du fort
Mais Perec et Mathews ont une autre hypothèse quant à l’évolution du récit :
le viol = l’outrage
une révélation (liquide) = est dit
au moyen d ‘une douche = de douche
d’une façon intermittente
ou/et
grâce aux sauts des enfants = par petits bonds
La tragédie du Doge Partibon = L’outrage est dit de douche par petits bonds
Pas mal, les histoires de Raymond Roussel, n’est-ce pas ?