[1ère partie]
Connu sous le nom de Corcedonus (*) depuis le V° siècle, l’endroit est doté d’une église et de ce qui reste d’un château, le tout visible de la nationale 151 qu’on a suivi (en restant précautionneusement sur le trottoir) depuis qu’on a pénétré dans la bourgade. Sur la place, que décore une fontaine en état de marche, des bancs invitent au repos. On peut, tout en mastiquant son sandwich aux rillettes (ou au pâté de campagne, ou au jambon sec, ou au saucisson à l’ail, ou au camembert, ces « ou « n’étant pas exclusifs) épiloguer sur le Curtius qui aurait bâti ici son dunum (forteresse en Français) -> Cutius dunum d’où Corcedonus d’où …. X les Y, Y représentant une activité à la fois antique et souterraine.
A propos de banc, je signale que le dernier que l’on trouve sur cet itinéraire domine le cimetière de l’endroit. On peut s’y installer pour réfléchir à la vanité des choses de ce monde (Vanitas vanitatum… tout est vanité y compris la demi-finale de la coupe du monde de rrrugueby perdue contre ces enfoirés de rosbifs, mais qu’ils fassent bien attention, j’ai promis un cierge à Sainte Rita si les Springboks les aplatissent). Personnellement, j’ignore ce siège mélancolique et je poursuis ma route sur la départementale 38 en direction du nord.
Au bout de sept à huit cent mètres, une belle allée grimpe vers la droite, le long de la Côte Pernelle . Presque au sommet de la colline, elle atteint le Chemin des Loups qui part vers la gauche, contourne un bosquet de pins noirs d’Autriche (l’Autriche étant membre de l’Union Européenne, ils n’ont pas eu à subir de tests ADN) et vient retrouver la D 38 à 301 m de hauteur (vue imprenable sur une de ces petites vallées où Jean le Bleu disait que se cache tout le bonheur des hommes). Juste en face, une cabane de cantonnier a résisté au temps. On peut y casse-croûter (le terme pique-nique ne va pas avec l’endroit) assis sur un des deux bancs de béton qui encadrent l’âtre minuscule collé au mur du fond.
Une araignée neurasthénique attend le moucheron qui se fait rare en ce milieu d’automne, des fourmis s’agitent selon un plan dont elles seules connaissent la logique et un mulot invisible grignote je ne sais quoi dans une faille du mur. On est là comme dans une grotte en réduction dont l’ouverture dessine un tableau dans le goût du Magritte des belles années, titre : « Ceci n’est pas la nature ».
Après la pause départ plein nord. Entre Pivernelle, Grande Raie, Grand Côtat et Morily, le
Chemin plonge droit sur l’église du dernier village traversé avant le retour à la base. Ici l’étymologiste de service hésite pour l’ancien possesseur de l’endroit (*) entre le Latin Mufus et le Germain Modulf. Gaulois, Romain, Sarmate, Burgonde ou Franc, encore une histoire d’ADN (ça tourne à l’obsession), sur laquelle on pourrait gloser. Je ne le ferai pas étant donné qu’il faut continuer la ballade par une bonne vieille montée, bien de chez nous, qui laisse le Vau Marchais (marécageux comme il se doit) pour attaquer la Côte Chaude où, on a oublié jusqu’au souvenir des vignes qui, jadis, peuplèrent l’endroit.
Une fois arrivé sur le plateau, on se retournera pour contempler avec satisfaction, la montagne russe à la mode Bas-Bourguignonne qu’on vient de parcourir. Ensuite c’est une question d’attention. :
a) tout droit sur 200 m
b) à gauche sur 100 m
c) à droite en direction de la lisière et de l’arbre mort sur lequel perche l’habituel corbeau
d) tout droit dans le bois de Creusy jusqu’au Vau Bernin où l’on tombe sur une petite route dont il suffit de suivre la pente pour retrouver le point de départ.
Si la chance est avec vous, et si la saison s’y prête, vous verrez de très près des vols de grues fonçant en direction du sud avec force cris gutturaux . Ces migratrices n’ont rien à voir avec d’autres voyageuses qui emmenèrent Nils Holgersson faire le tour de la Suède. N’empêche, il suffit de les voir passer pour se dire que la nostalgie est toujours ce qu’elle était :
/Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus…
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[1ère partie]
(*) Ces étymologies sont tirées du Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France de MM A. Dauzat et Ch. Rostaing Librairie Guénegaud 10 rue de l’Odéon – Paris VI°
Autre note : Mes traductions du castillan étant très approximatives, il convient de les prendre avec des pincettes.