Avec « Le Parti pris des choses », en référence à l’œuvre du poète Francis Ponge, Céline Lapeyre, François Lebas et Nicolas Mathias s’interroge sur l’affirmation de soi au moyen de l’art, ainsi que sur les relations entre les êtres dans un rapport théâtral et chorégraphique, utilisant le trapèze et toutes les ressources du jonglage avec une multitude de balles. Il s’agit beaucoup plus d’une expression syncrétique de ces différentes formes artistiques que la prouesse pour elle-même.
On est bien sûr émerveillé de leur façon d’apprivoiser et de faire chanter les balles, qui reprennent parfois leur autonomie, mais la pièce s’apprécie dans un déroulement d’ensemble. Les personnages s’approchent, hésitent et se séduisent sur des accents de musique baroque et quelques « ayres » de Purcell, qui forment la colonne vertébrale de cette tendre variation poétique.
Face à l’effondrement des valeurs, qui pèse sur notre quotidien, les personnages tentent de recréer une sorte d’être ensemble, par-delà les désenchantements. Dans un monde chaotique, qui connaît les dérives que l’on sait, ils redécouvrent les sens les plus élémentaires ou purs, au moyen de leurs seuls corps traversés par une pulsion de vie. Ils y parviennent avec grâce et humour en emmenant le public dans un univers de jeu, de rencontre et de tendresse.
On aura particulièrement apprécié une danse d’une belle émotion sur le 15e quatuor « La Jeune fille et la mort » de Schubert.
Balles en liberté
Avec « Pan-Pot ou modérément chantant », donné sous le chapiteau des Circuits nomades à Seissan quelques jours plus tard, le propos est différent et la forme plus libre, mais nous restons dans le même monde esthétique. Cette libre variation pour trois jongleurs et un piano se présente comme une douce fantaisie, purement gratuite, faite uniquement pour le plaisir.
Dans cette pièce, les trois protagonistes, Julien Clément, Denis Fargeton et Nicolas Mathis semblent vivre et exister par et pour leurs balles, qui dansent et volent en tous sens. Leur multiplication et leur vitesse crée un geste graphique éphémère derrière lequel s’effacent les jongleurs. Ils donnent le mouvement et la ligne, sans influer sur le résultat et les notes sortent parfois de la portée imaginaire. Tendues comme des cordes de violon, les trajectoires des balles mènent une rythmique haletante, qui s’évade parfois en arabesques.
Les jongleurs forment des tableaux d’une composition originale et s’ils donnent le tempo, ils laissent leurs balles s’égayer en tous sens jusqu’à une foisonnante pluie finale.
S’il existe, le propos n’a ici que peu d’importance. On retrouve avec bonheur un regard d’enfant, qui s’émerveille devant quelque chose de simplement beau. Que demander de plus lorsque les sourires s’affichent et demeurent un moment à la fin du spectacle ?